24 août 2021, 16:47

MODERN RITES

Interview Jonny Warren

Blogger : Clément
par Clément

C’est le 27 août que sortira le tout premier album de MODERN RITES, « Monuments », dans les rangs du label Debemur Morti. Ce duo noué autour de Jonny Warren (KUYASHII) et Berg (AARA), propose un metal industriel qui n’hésite pas à picorer chez ses voisins des scènes black et expérimentale de multiples sonorités, qui raviront les amateurs de musique extrême novatrice. Jonny Warren, responsable de la basse, du chant et de la boîte à rythmes, a répondu à quelques questions pour HARD FORCE afin d’en dévoiler un peu plus sur cette mystérieuse entité qu’est MODERN RITES...


Bonjour Jonny, pour toi "2020" a rimé avec "carton plein" puisque tu as sorti le premier album ainsi que deux EP de ton groupe KUYASHII...
Bonjour Clément. En effet, au cours des premiers mois de la pandémie, j'ai commencé à structurer et enregistrer des morceaux pour lesquels j’avais initialement mis quelques idées de côté. Comme beaucoup d’autres musiciens, j’ai eu beaucoup plus de temps devant moi que ce que j’avais prévu pour tout mettre en boîte. À la suite de la sortie de l'album de KUYASHII (ndlr : « Dawn », sorti en autoproduction le 1er mai 2020), je me suis senti plus confiant dans mon jeu de guitare c’est pourquoi j'ai continué à expérimenter et à enregistrer d’autres sons. J'ai eu aussi l’occasion d’échanger avec de nombreux acteurs de la communauté metal. C'était agréable d'établir ces liens avec des personnes que je n'aurais probablement pas rencontrés dans un contexte différent. Depuis lors, je continue à collecter des idées, des concepts pour le deuxième album de KUYASHII, qui sortira au début de l'année prochaine.

Il est assez difficile de décrire clairement dans quel style précis tu évolues que ce soit avec KUYASHII ou MODERN RITES...
Oui j’en suis conscient et ces deux projets s'inspirent de nombreuses choses différentes. Avec KUYASHII, les racines sont ancrées dans le post-metal et le shoegaze puis je suis sorti de ce cadre restrictif pour englober des éléments d'autres genres au fur et à mesure que mon jeu s'est amélioré. C’est ce qui passé notamment avec MODERN RITES...

Justement, MODERN RITES s’inspire de deux univers, la musique expérimentale et le black metal, qui n'ont pas grand-chose en commun à priori, comment as-tu travaillé sur ce projet avec Berg, principal compositeur pour AARA ?
Comme je l'ai mentionné au début de cette interview, j'ai commencé à établir des liens avec d'autres musiciens au printemps et à l'été 2020. L'un des groupes que j'ai rencontré à moment-là était AARA et j'ai immédiatement été époustouflé par leur vision unique d’un black metal atmosphérique, épique en diable. Je les ai suivis sur Instagram et Berg m'a ensuite contacté pour me faire part à son tour de son intérêt pour la musique de KUYASHII. Cela m’a amené à enregistrer l'intro de « Triade I: Eos » (ndlr : troisième album de AARA paru en mars 2021 dont vous pouvez lire la chronique ici : AARA "Triade I: Eos") et à collaborer ensemble pour démarrer un projet commun : MODERN RITES. Je pense que ce qui fait que notre association fonctionne, c'est que nous abordons l'écriture de morceaux de manière similaire malgré des antécédents musicaux différents. Avoir une telle diversité d'idées et être capable de les synthétiser de manière cohérente pour MODERN RITES est d’ailleurs quelque chose qui continue de nous surprendre tous les deux (rires).

Et le fruit de ce travail est « Monuments », qui sort le 27 août chez Debemur Morti. Celui-ci propose six morceaux où les guitares tourbillonnent, la basse martèle et la boîte à rythme frappe sans jamais baisser la garde...
Tu as très bien résumé l’esprit de ce disque ! Surtout dans le sens où nous avons voulu vraiment créer ici quelque chose d’intense qui emmène l’auditeur dans un monde parallèle. Tu peux retrouver cette fameuse intensité, cette impression d’être piégé de toutes part sur la thématique principale de l’album : l’introspection des conflits intérieurs et des facteurs extérieurs qui contribuent à les créer.
 


En écoutant l’album je n’ai pu m’empêcher de penser, que ce soit sur le fond comme la forme, à des formations comme PITCHSHIFTER, GODFLESH ou JESU par le côté froid, industriel qu’il dégage...
GODFLESH est l’un des groupes que j’admire au plus haut point mais c'est la première fois que quelqu'un fait la connexion avec JESU ! L'un de mes albums préférés de JESU se trouve d’ailleurs être un split avec un autre de mes groupes de chevet, ENVY (ndlr : groupe de post-hardcore originaire de Tokyo). Tu pourrais également citer MONO qui n’a pas son pareil pour trousser des mélodies poignantes. Et lorsque ces influences se combinent avec celles de Berg, ancrées dans le black metal, cela offre une gamme d'émotions assez large, où les passages plus mélodiques rendent les parties agressives encore plus intenses.

Vous avez choisi d'enregistrer cet album avec Jospeh Calleiro du studio Dungeon at Sea. Celui-ci a façonné une production claire et puissante sur « Monuments »...
Joseph Calleiro fait partie lui aussi de ces personnes que j’ai rencontré l’année dernière. Il a un talent incroyable pour donner vie à un large éventail de musiques, y compris au sein de son propre projet PIGS OFF THE CLIFF. J'ai senti que son approche technique, moderne de la production pouvait vraiment apporter un son unique à ce que Berg et moi étions encore en train de peaufiner au moment de l'enregistrement. Nous devons beaucoup à la patience et aux conseils de Joseph qui a donné vie à cette matière brute, en particulier avec mes pistes de basse… pour le moins sauvages (rires).

À propos des paroles, la fiche de présentation cite que l’album « explore les aspects les plus sombres de la condition humaine, plongeant dans la psychologie, l'isolement, les conflits en constante évolution » ?
Complètement ! Et cela n’est pas un hasard, c’est d’ailleurs en lien avec cette pandémie qui a mise à rude épreuve la santé mentale de nombre d’entre nous. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi ce que nous impose cette vie dans une société moderne, celle-là même qui ne cesse de placer la pression de la performance au quotidien dans nos existences. C'est quelque chose que tout le monde peut vivre, que ce soit d’un point de vue professionnel ou personnel, sans que cela ait de conséquences… sauf quand nous ne sommes pas prêts à admettre que nous sommes en difficulté. Et que nous nous isolons, nous refermons sur nous-mêmes à ce moment-là. Les paroles essaient de mettre des mots sur tous ces sentiments, pour aborder ce que nous avons pu ressentir dans ces moments-là.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette pochette étrange, très "spatiale" ?
Oui, cette illustration reflète mon interprétation d'une photo d'un célèbre atrium d'hôtel à Atlanta. Nous pourrions dire que ce dernier représente le fonctionnement interne de l'esprit et les blessures psychologiques que nous portons tous en notre for intérieur. Quand Berg et moi parlions du concept de l’album et comparions la vie dans nos villes natales respectives, j'ai mentionné cet hôtel qui possédait une architecture vraiment intéressante. Nous avons donc décidé que ce serait une toile de fond appropriée pour le son et les thèmes développés par MODERN RITES. Pour tout te dire, j’avais déjà l’idée de la pochette de l'album avant même d'enregistrer tous les morceaux (rires). Pour moi, ce qui rend ce travail intéressant, c'est sa capacité à générer des émotions fortes, uniques pour l’auditeur pour qu’il y retrouve des repères propres à son expérience de vie. Tout le monde peut y voir quelque chose de différent…

MODERN RITES a également signé avec Debemur Morti qui est plutôt connu pour ses formations de métal extrême. Qu'est-ce qui vous a convaincu de le rejoindre ?
C’est avant tout la qualité de l’ensemble des sorties du label qui est inspirante. Partager l’affiche avec autant de grands musiciens nous motive pour vraiment faire de notre mieux, pour sortir un album qui n’aura pas à rougir aux côtés de ceux des autres groupes. Ce qui m'a aussi convaincu, c'est l'opportunité d'atteindre un public basé aux quatre coins du globe grâce à la distribution de Debemur Morti…

Une question plus personnelle maintenant : qu'est-ce qui t’as le plus marqué dans l'évolution de la scène metal en tant que "consommateur" ? La digitalisation des médias qui incitent les groupes à changer leur approche promotionnelle ? Ou peut-être le retour de formats vinyles et cassettes ?
Là, tu touches un sujet sensible car je suis un collectionneur de vinyles et donc très réceptif à la diversité des pressages pour un album. A ce sujet, les quantités limitées de certaines éditions "physiques" sont monnaies courantes au sein des scènes underground depuis bien longtemps, en particulier pour le black metal. Et je suis ravi de voir que de nombreux musiciens font aussi des efforts pour créer des packages qui ont parfois des allures d’œuvres d’art ! Comme tu peux le constater, je reste convaincu que le support physique reste un support d’avenir.

Ton pays, les Etats-Unis, a été très touché par l'épidémie de Covid durant l'année dernière, qu'est-ce que cela a changé dans ta vie de musicien ?
La plus grande chose qui a changé pour moi, c'est de ne pas pouvoir jouer en live et de devoir composer sans avoir d’alternative à proposer aux auditeurs. Avec KUYASHII, j'avais l'espoir à l’époque de monter un groupe pour faire vivre ma musique sur scène. Au lieu de cela, la pandémie m'a obligé à me recentrer sur mon métier et mes compositions. Je pense que beaucoup d'autres musiciens ont vécu cela et nous avons tous dû prendre du recul pour imaginer comment rendre une carrière musicale encore viable…

Avez-vous des projets d'avenir pour d’éventuels concerts, même avec l'incertitude dans laquelle nous vivons ?
Berg et moi avons définitivement parlé de cela, en effet, et ce serait incroyable de pouvoir amener MODERN RITES sur les planches. Bien que ce ne soit pas actuellement dans nos plans d'ici la fin de l'année, je reste persuadé que nous pourrons proposer une expérience unique et digne de ce nom pour l'avenir.


Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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