30 septembre 2021, 17:27

LITTLE CAESAR

Interview Ron Young


Le groupe culte californien LITTLE CAESAR, qui sévit depuis la fin des 80 et qui s’était fait connaître plus largement grâce à sa version survitaminée de "Chain of Fools" d’Aretha Franklin, sera de passage pour la toute première fois à Paris au club Les Étoiles ce dimanche 3 octobre.
Suite à la sortie de son dernier album « Eight » en 2018, le groupe qui avait initialement prévu de venir en 2020 fera enfin résonner son classic hard blues dans la capitale. Nous nous sommes entretenus avec son leader historique Ron Young sur cette tournée des clubs européens qui lui tient à cœur et le besoin de reprendre le contact avec le public, véritable raison d’être du chanteur qui sera accompagné pour l‘occasion de ses amis de longue date Loren Molinare, Pharoah Barrett (FOUR HORSEMEN) et Mark Tremalgia (BANG TANGO). Le batteur Tom Morris qui devait initialement faire partie de la tournée a dû annuler sa participation pour raison familiale.
 

Ça doit te faire tout drôle de revenir à Paris, dans ces circonstances et ce contexte. Tu as trouvé le temps de profiter ?
Oui et c’est cool d’être dehors ! Hier, on s’est baladé et on a marché sur quinze kilomètres. Et, tu sais, on vient du sud de la Californie et on est habitué à la chaleur, mais hier il faisait quand même très chaud et humide ; ça, plus le décalage horaire, fait qu’on était un peu crevés, mais c’est toujours mieux que de rester chez soi à regarder les infos, leur lot de mauvaises nouvelles et toute leur propagande.

LITTLE CAESAR est de retour pour une série de concerts en Europe et pour la toute première fois à Paris. Qu’attendiez-vous pour venir à la capitale depuis toutes ces années ?
On se posait la question depuis six ou sept ans : pourquoi est-ce qu’on n’arrive pas jouer à Paris ? En fait, on s’est rendu compte avec notre promoteur, que celui qui s’occupait de nous trouver des dates et qui nous conduisait depuis dix ans, faisait partie de ces gens qui n’aiment pas les grandes villes, car ça coûte trop d’argent et que c’est toujours compliqué pour y accéder en bus, s’y garer. Et moi, je trouvais ça dingue, car ce n’est pas qu’une question de logistique :  il s’agit d’aller à la rencontre des fans et de ceux qui nous apprécient. Mais maintenant que ce n’est plus lui qui conduit le bus et qu’on à un nouveau chauffeur, on peut aller dans des villes où nous n’allions pas auparavant (rires). Donc excusez-nous pour avoir mis autant de temps, mais la seule raison pour laquelle nous ne sommes jamais venus avant, c’est que ce n’était pas nous qui décidions.

À quand remonte ta dernière visite dans la capitale française ?
La dernière fois que je suis venu professionnellement, c’était il y a 26 ans (avec MANIC EDEN). Sinon, j’étais déjà revenu avec ma femme pour les vacances. Tu te rends compte, 26 ans depuis ma dernière venue à Paris. Les fans que j’ai rencontrés à cette époque-là sont vieux maintenant (rires). Alors, oui, ça fait très longtemps. On n’était pas très loin de la capitale, lorsqu’on venait se produire en France, mais nous avions des fans parisiens tellement passionnés qu’ils faisaient le déplacement pour venir nous voir en province. À chaque fois, ils me demandaient : « quand est-ce que vous venez à Paris ? ». Je leur répondais : « nous viendrons un jour, on trouvera le moyen de venir je vous l’assure ». Et voilà comment trente années passent ! (rires).

Votre dernier album, « Eight », est sorti en 2018 et votre dernier passage dans l'hexagone date de cette même année, au festival Bully On Rocks dans le Pas-de-Calais. Trois ans après, vous êtes de retour, mais cette fois sans nouvel album à promouvoir. Il était si vital pour vous de reprendre la route malgré tout, même en dehors de votre pays, durant cette période de crise sanitaire ?
Oui, définitivement, oui. Tu sais, les Etats-Unis, c’est vraiment très grand comme pays. Rien qu’au Texas, tu peux rouler pendant trois jours pour traverser l’Etat. Ici, tu peux te retrouver dans un pays complètement différent en seulement trois heures de route, avec des fans différents, une architecture différente, une culture différente et ça, ça rend les choses bien plus faciles pour un groupe : tout est plus accessible. Et quand tu combines cela avec, comment puis-je dire ça d’une manière diplomatique… le besoin d’agir socialement, politiquement, culturellement et humainement durant une pandémie, comme celle que l’on traverse, et que je vois que mon pays fait tout l’inverse, il fallait que l’on parte le plus vite possible. Nous souhaitions revenir auprès des personnes qui aiment notre musique, car ces derniers temps, aux Etats-Unis, les gens ont eu tendance à prendre les choses pour acquises. Certaines personnes dans mon pays pensent que leur culture est jetable ou qu’elle n’a pas besoin d’être soutenue. Si je te dis que demain Axl Rose va jouer au bord de la Seine avec son groupe, tout le monde se déplacera voir cet événement ; alors qu’à Los Angeles, les gens là-bas ont le réflexe de penser : « Pfff, pas besoin d’y aller aujourd’hui, il le refera sûrement la semaine prochaine ». Et au bout du compte, les gens ne viennent plus soutenir leurs groupes, les bars ont commencé à fermer, les groupes ont moins d’endroits pour jouer et tout ce milieu commence à mourir. Ça a commencé à Los Angeles et maintenant ça se répand un peu partout dans le pays. On a sorti notre dernier album en 2018, on a dû faire une pause pendant un an et demi, tout comme la majorité des groupes, comme si on était tous en hibernation. On avait prévu de venir l’année dernière et de faire une tournée avec plein de dates, visiter plein de villes et de sortir des nouvelles vidéos extraites de l’album, mais tout ça est tombé à l’eau. Maintenant, on essaie de remettre la machine en route.

Sans label ni maison de disques, comment avez-vous organisé cette nouvelle tournée ?
Habituellement, on tourne à travers une vingtaine de villes durant quatre à cinq semaines. Tu sais, on ne fait pas tout ça pour payer nos factures, on le fait parce qu’on adore le faire. Ça nous donne un sentiment de liberté, contrairement à certains de nos confrères qui eux, sont obligés de partir sur la route et parfois ça les amène à faire de mauvais choix. Alors que nous, nous n’avons pas ce genre de soucis. On fait les choses quand on estime que c’est le bon moment de les faire et on les fait sans avoir tout le temps des dollars en tête. On s’est fait la promesse, il y a vingt ans, que si on faisait de la musique ensemble, ce serait uniquement pour la musique et parce que ça nous éclate de jouer ensemble. Et qu’on arrêterait le cas contraire. Pour ce qui est de l’argent, on trouvera toujours une solution ; on ne partira pas dans un bus de luxe pour la tournée, on aura simplement un van. On n’aura pas une équipe de techniciens et de roadies, nous nous occuperons nous-même de notre matériel. Si on veut vraiment le faire on le fera, mais sans les problèmes de management, d’organisation, d’avocats, d’argent, avec des personnes qui ne nous connaissent même pas et qui n’ont pas conscience de la réalité des choses dans ce milieu. Nous savons mieux que tout le monde qui sont nos vrais fans, où ils se trouvent, ce qu’ils souhaitent écouter comme chansons. Est-ce qu’on va vendre beaucoup d’albums comme ça ? On n’a pas besoin de vendre beaucoup d’albums : on va vendre le nombre adéquat d’albums au bon nombre de personnes. Peut-être qu’on gagnera seulement le cœur de vingt personnes de plus avec cet album et cette tournée, mais on le fait honnêtement et on a toujours procédé ainsi. Cela ne nous amènera peut-être pas à un niveau de notoriété extraordinaire, mais en travaillant de cette manière, on se fixe des objectifs réalisables et honnêtes. Tous nos amis et nos fans sont vrais. On ne les a pas soudoyés. Ce ne sont pas le genre de fans qui portent un tee-shirt des RAMONES et n’ont jamais entendu leur musique. Les gens qui nous suivent et qui viennent à nos concerts sont sincères. Et aujourd’hui, je peux te parler face à face. Ici, à Paris, grâce à des personnes de confiance, de vraies personnes, honnêtes, passionnées comme Olivier Garnier qui a organisé cette journée de promotion avec qui nous travaillons depuis plus de vingt ans et qui fait son travail avec amour et passion, c’est parce qu’il y a des gens comme lui avec qui nous travaillons que nous continuons de tourner. Ce n’est pas de tout repos de monter une tournée de petits clubs dans différents pays en si peu de temps, mais bon sang, qu’est ce que c’est marrant ! On rencontre notre public, on parle avec des gens avec qui on garde le contact après sur les réseaux sociaux et parfois certains d’entre eux me disent : « c’est dingue, je suis en train de discuter avec le chanteur de LITTLE CAESAR ». Et je lui réponds : "je ne suis pas un gars extraordinaire, je suis une personne comme une autre. J’ai un profil sur un réseau social, tout comme toi. Toi, tu fais ce qu’il faut faire pour payer tes factures depuis quinze ans et moi je le fais en chantant et ce n’est pas parce que je suis une personnalité publique que ça fait de moi quelqu’un de meilleur. Et si tu trouves que je suis bon dans ce que je fais, moi je trouve également que tu es excellent dans ce que tu fais et peu importe le métier, bien faire son travail importe de s’appliquer. Et je trouve ça honorable, peu importe ta profession. Alors, si tu trouves que ma musique t’a permis d’avancer dans la vie, c’est avec plaisir que j’accepte ce compliment. Mais sans toi, ni le reste du public, je ne serais pas là aujourd’hui. Je te suis plus redevable que tu ne dois l’être envers moi. Et puis, un jour, à travers ce genre de discussions, tu en arrives à aider l’un d’entre eux qui se trouve être en chaise roulante et qui a besoin de soins particuliers et tous ensemble on arrive à récolter plus de trois mille dollars. Tu vois, c’est pour ce genre de relation que je n’échangerais aucun de ces moments contre plus d’argent. Si je faisais partie d’un groupe comme MÖTLEY CRÜE je n’aurais même pas le temps de discuter comme ça avec mon public. Tu peux donner de ton temps pour 80 personnes mais pas pour 80 000. Donc, pour nous, rester à ce niveau permet de maintenir le contact avec notre public, d’avoir une réelle connexion, et quand les gens viennent au concert, on aime passer du temps avec eux, discuter avec eux. Au final, on est une famille avec qui on échange des souvenirs des concerts passés ou d’événements qui leur sont arrivés dans leur vie privée. C’est ce qui nous plaît quand on part sur la route. Alors, c'est certain, on ne dort pas dans des hôtels de luxe, on n’a personne pour régler notre matériel, pour le monter et le démonter, mais si nous avions des roadies avec nous, peut-être que ça augmenterait le risque que l’un d’entre eux soit malade et que ça mette la tournée en danger. Nous ne sommes que nous cinq, on se serre les coudes et on avance tous ensemble. On adore jouer ensemble, tous les moments qu’on passe ensemble et tout ça n’a pas de prix. Et de pouvoir repartir sur la route après un an et demi de folie de crise sanitaire nous rappelle à quel point tout cela est précieux. Notre rôle est de montrer aux autres groupes qu’il est possible de recommencer à tourner et à jouer dans des petits clubs, qu’il faut soutenir les petites salles et les bars pour qui ça été très dur ces derniers temps et dont certains n’y ont pas survécu. Et le fait qu’on passe dans tel ou tel bar ou club permettra peut-être à son propriétaire de tenir un mois de plus. Les choses ont changé et il faut s’adapter. La façon dont les groupes fonctionnaient avant n’existe plus, et certains gros groupes aujourd’hui sont pieds et poings liés, car ils dépendent d’une énorme structure, alors que nous, nous faisons tout nous-mêmes, on a notre propre studio, notre producteur, on est plus flexible et on peut s’adapter rapidement. On a des amis fidèles comme Olivier qui font tout leur possible pour annoncer notre passage et notre carrière s’articule autour de relations sincères et honnêtes comme celle-ci. Et tous les jours, on se sent redevables d’être entourés de personnes de confiance et chaque jour on réalise la chance qu’on a de pouvoir faire le métier qu’on fait.


Après six albums studio en trois décennies de carrière, dirais-tu qu’il est plus facile de faire partie d’un groupe aujourd’hui, comparé à il y a trente ans? Selon toi, qu’est-ce qui a radicalement changé dans le monde de la musique, surtout chez les musiciens ?
Bonne question. J’aurais aimé qu’on me la pose plus souvent pour que les gens puissent mieux comprendre comment les choses fonctionnent. Beaucoup de personnes vivent encore avec l’image féerique de travailler dans l’industrie musicale. Ce rêve n’existe plus. Je parle de musique que je considère être "de la bonne musique". Aujourd’hui, les maisons de disques ne veulent que de la pop, du clinquant et qui rapporte un maximum d’argent en un minimum de temps. Tout ça a débuté dans les années 60, 70 où l’industrie musicale et le rock ont commencé à engranger énormément d’argent avec les concerts et les ventes de disques. A ce moment-là, c’est devenu l’une des plus grosses industries sur Terre. Elle était à l’époque dirigée par des personnes passionnées et curieuses d’un point de vue culturel et ont permis à des artistes fantastiques de pouvoir s’exprimer et d’être connus. Et puis, les choses ont changé et les technologies ont évolué. Avant, c'était plus simple et plus concret : pour avoir un album, tu devais obligatoirement te déplacer en magasins et lorsque tu voulais voir un concert, tu devais parfois faire la queue pendant des heures dehors sous la pluie pour aller acheter ton ticket pour voir ton groupe préféré. Et tu discutais dans la file d’attente et tu te faisais des potes que tu revoyais durant concert : c’était ça, le réseau social à l’époque. Aujourd’hui, Internet qui est un outil fantastique permet à un nombre beaucoup plus important d’artistes ou de personnes de pouvoir exprimer leur talent à travers le monde en se filmant avec une guitare ou un piano et peuvent espérer un jour devenir célèbre. Mais je vois aussi certaines filles qui se montrent en vidéo en tenue très légère ne portant pas de soutien-gorge faisant une reprise médiocre d’un des tubes de Jimi Hendrix par exemple et qui récoltent plus de quatre millions de vues alors qu’au même moment, un ami à moi comme Zach Person, un excellent guitariste de blues rock, talentueux et qui travaille énormément, n’a au final que trois mille vues. Aujourd’hui, l’industrie musicale a changé : les artistes que les maisons de disques veulent signer maintenant sont ceux qui ont réussi à se fabriquer tout seuls. Si la maison de disques voit que l’artiste a fait trois millions de vues sur Youtube, alors, elle s’y intéresse et se dit qu’avec son aide, elle pourra aller jusqu’à trente millions de vues. Donc maintenant, les maisons de disques attendent tout simplement que l’artiste fasse tout le travail à sa place. Désormais, elles ne s’intéressent uniquement qu’au fait de développer un peu plus un artiste déjà bien implanté sur les réseaux sociaux en investissant un minimum ou du moins en sachant qu’il y a déjà un bon nombre personnes qui suivront cet artiste d'emblée. Alors, mon conseil, si tu es un jeune musicien ou une jeune musicienne et que tu veux faire ce métier-là, tu as intérêt à travailler très dur toi-même et que ce soit vraiment la passion qui t’anime, et non pas parce que tu veux être célèbre. Si tu veux être célèbre, fais une sex-tape ou apprends à ton chien à faire des trucs vraiment marrants. Il deviendra célèbre et tu pourras ensuite monter sa chaine Youtube ou n’importe quelle autre connerie qui n’a aucune valeur culturelle. Si tu veux être musicien, fais-le au point d’en être possédé et d’être suffisamment tenace pour ne pas vouloir t’arrêter. Et je te souhaite de tout mon cœur d’y arriver, mais surtout ne crois pas que tu deviendras ce que tes idoles ont été, car ce modèle-là n’existe plus. Et en plus d’être un artiste accompli et passionné, il faudra que tu saches te vendre, utiliser Photoshop, faire du montage vidéo, t'enregistrer de manière professionnelle avec du bon matériel. Tu ne peux plus être "simplement" comme Slash, avec juste ta guitare, ta cigarette au bec et penser qu’une équipe de communication, de managers, de producteurs vont te prendre en main pour te faire connaître sur la scène internationale. Non, tout ça c’est fini ! Tu dois être doué dans tout et maîtriser tous les domaines qui te feront connaître.
 


Après l’explosion de la scène grunge venue de Seattle au début des années 90, et la période nu-metal ensuite, il semblerait que depuis quelques années il y ait un retour au fondement de la musique rock, un regain d’intérêt pour le heavy blues rock avec des groupes comme BLACK STONE CHERRY, RIVAL SONS ou encore Tyler Bryant pour n'en citer que quelques-uns. LITTLE CAESAR est resté fidèle à son style depuis le début et a réussi à survivre à ces différentes périodes. Maintenant que la boucle est pour ainsi dire bouclée, as-tu l’impression de te retrouver comme à vos débuts ?
Voilà comment je vois les choses et ce, depuis le début. Lorsqu’on est arrivé dans les années 90, notre musique était déjà datée. On était un groupe de rock blues soul au milieu de centaines de groupes plus flashy que nous, comme WARRANT, et qui chantaient des titres hard FM comme « Cherry Pie ». Nous, notre truc, c’était plutôt Paul Rodgers. On ne voulait pas ressembler à des gonzesses, on ne voulait pas s’habiller comme des gonzesses, on ne voulait pas bouger comme des gonzesses, on ne voulait pas avoir de maquillage. Non, nous, on était des bikers et on écoutait BLACK SABBATH, mais ça ne se faisait plus à l’époque. Sur MTV, tu n’entendais que des groupes où tu avais l’impression que le chanteur s’était coincé la queue dans une porte. Il n’y avait que ZZ TOP qui passait ses clips où on voyait de belles voitures et des belles motos et nous, on voulait suivre le même chemin. On a pu en profiter à peine cinq minutes, puis sont survenus des problèmes à cause d’un mauvais management et de mauvais choix de directions artistiques en interne. Et juste après, est arrivée la vague grunge venue de Seattle. Quand on a dit à notre maison de disques qu’on voulait faire un disque simple et authentique, bien produit, qui sonnerait 70s, ils ont pris peur. Pour eux, désormais, tout ce qui comptait c’était le grunge ou de nous faire travailler avec Bob Rock et d’avoir une très grosse production adaptée au marché. Alors que nous, nous voulions être les représentants de la classe ouvrière à travers notre musique soul blues authentique et c’est d'ailleurs ce qui était convenu, lorsqu’on avait signé avec eux. Ils étaient venus nous chercher, avaient aimé ce qu’ils avaient vu et entendu, et subitement ils changeaient d’avis parce qu’ils n’avaient tout simplement pas les couilles de tenir leurs engagements et de respecter la musique pour laquelle ils travaillaient et avec laquelle ils avaient grandi. Le public avait besoin d’une alternative. Est arrivé SOUNDGARDEN, avec leurs cheveux longs, bouclés, des chemises à fleurs tout comme moi et là je me suis dit, c’est foutu pour nous. Ils avaient quatre millions de fans qui regardaient leur clip et franchement j’adorais le groupe. J’adorais également NIRVANA, même si beaucoup estimaient que c’était mauvais. Personnellement, même si je suis plus dans le blues et la soul, si tu m’avais demandé de choisir entre NIRVANA et POISON, je t’aurais répondu : « vas-y, balance-moi "Smells Like Teen Spirit" ! ». Je trouvais cette scène authentique, eux, ALICE IN CHAINS, PEARL JAM, ils n’étaient pas là pour prendre la pose.. Ils étaient vrais, n'avaient pas demandé ce succès, sont devenus célèbres par la force des choses, ce qui a même amené Kurt Cobain à la mort, car il n’arrivait pas à gérer toute cette notoriété. Et aujourd’hui, je vois Dave Grohl et FOO FIGHTERS qui marchent du tonnerre, alors qu’il a dû tout reconstruire depuis le début. Les maisons de disques ne voulaient pas le suivre au départ, elles ne comprenaient pas qu’il puisse devenir guitariste et chanteur après avoir été batteur dans NIRVANA. Il leur a dit : « allez vous faire voir, c’est ce que je veux faire, je me débrouillerai tout seul ». Et il a très bien géré, il a eu la bonne attitude et il a prouvé aux maisons de disques qu’il avait eu raison de faire comme il l'entendait. Donc, de notre côté, on a fonctionné de la même manière en suivant notre instinct et en faisant la musique qu’on aimait et en restant fidèle à qui nous sommes. Notre musique était datée à l’époque, elle l’est toujours aujourd’hui. On continue de rendre hommage à la musique qu’on écoutait avant même d’être un groupe. On a voulu s’inspirer de la musique qu’on aimait écouter, des groupes de soul, de blues, de classic rock et d’en faire un mélange moderne. On n’a pas essayé d’innover : on voulait juste maintenir ce courant musical en vie.

A quel moment as-tu réalisé que tu voulais devenir musicien ?
Ça a été la combinaison entre ma sœur qui écoutait Aretha Franklin et les TEMPTATIONS, de voir à la télé un enfant noir de dix ans chanter comme s’il en avait quarante et mon frère qui me faisait écouter LED ZEPPELIN et BLACK SABBATH. Et là, c’est comme si ça avait explosé dans ma tête. C’était tellement cool, tous ces artistes avaient leur manière à eux de chanter et je réagissais différemment en fonction des styles que j’écoutais. Lorsque j’ai découvert Paul Rodgers (FREE, BAD COMPANY...), j’ai réalisé qu’il faisait tout ça en même temps. Je me suis retrouvé à aimer des musiques pour lesquelles je pensais ne pas être de la bonne couleur, ou destinées à un public plus âgé que moi. C’était une partie de ma vie que je gardais cachée, hormis pour mes vrais amis avec qui j’écoutais du rock et qui comprenaient mon état d’esprit. Quand AEROSMITH a sorti “Big Ten Inch Record” et qu’on a découvert que c’était une reprise, il a fallu qu’on sache de qui elle était et qu’on l’écoute et qu’on en découvre plus sur son auteur Bull Moose Jackson. C’est quand j’ai découvert tous ça que je me suis dit : « c’est ça qu’il faut que je fasse ». Alors, après trois années d’études en biologie à l’université, j’ai réalisé que je ne pouvais pas continuer dans cette voie-là et qu’il fallait que je m’investisse à fond dans la musique. C’était plus fort que moi. Donc, pour mes parents, je suis devenu soudainement celui qui avait abandonné ses études... Bon, je suis devenu chanteur dans un groupe signé chez Geffen Records, donc je n'ai pas été qu'une déception pour eux. C’était même comme une sorte de résurrection (rires).

Le 3 octobre, vous vous produisez à Paris : quel message adresses-tu à ceux qui vont se déplacer et ceux qui hésiteraient encore ?
S’il vous plaît, mettez vos craintes sanitaires de côté ! (rires) Si on a bien appris quelque chose de ces dernières années, c’est que dans la vie, rien n’est jamais garanti. On doit chérir ceux qu’on aime, car on ne sait jamais quand on les verra pour la dernière fois. Venez à notre concert qui sera une célébration de notre gratitude, pour que nous puissions vous remercier de votre présence car sans vous, nous n’existerions pas. Les groupes doivent se rappeler cette règle simple : sans public, ils ne sont rien. Alors, s’il vous plaît, venez et laissez-nous vous rendre hommage à travers notre musique. On jouera plein de titres, des vieux et des récents. Ce sera un super panorama sur toute notre carrière et on sera ravi de passer du temps avec vous pendant et après le concert. On a hâte de vous retrouver et de fouler enfin les planches d’une salle parisienne !
 

Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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