23 novembre 2021, 19:09

AC/DC

"For Those About To Rock (We Salute You)" (1981-Rétro-Chronique)

Album : For Those About To Rock (We Salute You)

Nous sommes en 2021 et cet album fête ses... 40 ans !

C’est l’histoire de cinq musiciens montés dans un wagon de montagnes russes en 1975 avant que celui-ci ne se soit détaché brutalement en 1980, alors qu’ils sont au plus haut de l’attraction, occasionnant un mort dans la bande. Les survivants se remettent alors sur pied d’une façon incroyable à peine quelque mois plus tard, et le prouvant au monde du rock lors d’une apparition tous de noir vêtus. Ainsi, en 1981, AC/DC est alors à un tournant majeur de sa carrière. L’arrivée du chanteur Brian Johnson s’est donc plutôt bien passée – doux euphémisme – mais les roues du canon vont commencer peu après à s’embourber sur le champ de bataille, coïncidant avec la parution de l’album « For Those About To Rock (We Salute You) » qui, sur dix obus, n’en compte malheureusement que peu de létaux. En cela, on est loin des rafales de tous les albums précédents, bien qu’ils occasionnent tout de même de conséquents dégâts.

Septième à l’international (sans e ni majuscule), huitième pour le monde d’en bas (l’Australie), le plan de bataille de ce disque a été préparé entre mai et septembre 1981 à Paris dans une France devenue socialiste, le groupe lui, ne socialisant assez peu comme chacun le sait. Mais opérons un léger retour en arrière de quelque mois pour préciser qu’au printemps cette même année, les Boys cartonnent aux Etats-Unis (ils vont d’ailleurs ensuite devenir numéro un des charts US pour la première fois de leur carrière) et qu’Atlantic, leur maison de disques, en profite pour sortir « Dirty Deeds Done Dirt Cheap », paru initialement en 1976 partout ailleurs. Confusion totale pour les fans outre-Manche, cet album étant chanté par le défunt Bon Scott tandis que Johnson est arrivé depuis deux albums, occasionnant une fureur toute légitime dans le camp Young & Co. qui est dans l’impossibilité d’empêcher toute action afin de limiter la casse. Officiellement, AC/DC minimise et clame qu’il s’agit de contrer la vente de bootlegs de ce disque. En privé, le guitariste Malcolm Young écume de rage et arrive à Paris dans cet état d’esprit, alors que vont démarrer les prises d’enregistrement.

Mais au préalable, AC/DC souhaite prendre le temps de répéter ces nouvelles compositions et établit son QG de campagne aux studios H.I.S. aux portes de Paris, d’anciennes caves à vin qui ont vu passer le gratin de la chanson française. Les studios, pas les caves (quoique nous n’en sachions rien au final). Et entre ces séances, le bistro du coin voit les gaillards venir y avaler un sandwich et s’envoyer un demi sur le zinc entre deux riffs et un solo. Une fois calés, musicalement entendons-nous, le groupe investit enfin début juillet les studios d’enregistrement Pathé Marconi, situés à Boulogne-Billancourt. Là, ce n’est plus le who’s who de la variété hexagonale qui a séjourné là-bas mais rien moins que les ROLLING STONES ou Elton John et vous conviendrez qu’on ne parle pas de demi-sel. Là, en compagnie du producteur Robert John "Mutt" Lange et de l’ingénieur du son Mark Dearnley, commencent les prises proprement dites. Les journées se déroulent presque comme pour un boulot "normal", l’équipe technique arrive pour allumer machines, amplis et s’assurer que rien ne manque, puis les musiciens déboulent, travaillant jusqu’en début de soirée avant de repartir avec leurs conjointes respectives. Malheureusement, AC/DC n’obtient pas le son qu’il veut, ayant déjà eu du mal à trouver la place adéquate pour le kit de batterie de Phil Rudd. Décision est alors prise de déménager vers les prestigieux et spacieux studios Davout mais là encore, le groupe fait chou blanc… et retourne aux studios Pathé Marconi, histoire de vérifier une dernière fois. Mais rien n’y fait et tout le monde plie définitivement bagage. Ce n’est donc pas gagné pour ce disque qui ne trouve même pas d’endroit pour être mis sur bandes...

L’idée ensuite est de revenir au point de départ, les studios H.I.S., où le studio d’enregistrement Mobile One est acheminé, en l’occurrence un camion recélant un véritable arsenal technique et la possibilité d’utiliser 48 pistes. Mais, fort heureusement dans cette débâcle, les Boys connaissent leurs nouveaux morceaux sur le bout des doigts et se contentent de très peu de prises pour graver les titres. Comme si tout cela ne suffisait pas, les tensions entre le producteur et AC/DC ne font qu’augmenter jour après jour quand Phil Rudd lui, préfère roucouler avec sa douce en déambulant dans les rues de Paris et faire le touriste plutôt que de s’astreindre au rythme imposé par l’important travail en cours. Etant de plus en plus lassé des voyages, déplacements et des hôtels impersonnels, il va par la suite finir par craquer, pas aidé non plus en cela par les substances qu’il absorbe de façon trop importante. In fine, cela aboutira à son départ deux ans plus tard. C’est donc une pause plus que bienvenue que s’offre AC/DC en faisant un aller-retour en Angleterre pour la date qu’ils donnent en tête d’affiche du festival Monsters Of Rock de Donington Park le samedi 22 août, une date qui voit également se produire WHITESNAKE, BLUE ÖYSTER CULT, SLADE, BLACKFOOT et MORE. Un problème technique juste avant que le groupe entre en scène prive cependant l’installation d’une partie de la sono et AC/DC ne délivre pas la pleine puissance qui devait être la sienne. A l’arrivée, un concert en demi-teinte. De retour en France, le guitariste et maître du navire Malcolm Young est à nouveau dans une rage folle. Se sentant victimes d’une véritable cabale de la part de tous ceux qui les entourent, l’avocat du groupe est contacté qui, à son tour, appelle le manager Peter Mensch (ayant managé LED ZEPPELIN et s’occupe aujourd’hui, avec Cliff Burnstein, de METALLICA) pour lui annoncer qu’il est viré sans plus de cérémonie.

Nous sommes en octobre 1981 et restent dans ce marasme ambiant les lignes de chant de Brian Johnson à enregistrer. Direction (finale ?) le studio parisien Family Sound. Mais va-t-on finir par y arriver un jour ? Là, phrase par phrase, quasiment de la même manière qu’il procèdera aux prises vocales du chanteur Joe Elliott sur les albums de DEF LEPPARD, « Pyromania » et « Hysteria », Jonna (le surnom de Brian) s’applique à poser ses textes. L’ensemble des prises a été une sinécure, le groupe est soulagé à l’issue mais émet des réserves, sur son producteur "Mutt" Lange, et sur le contenu du disque proprement dit. En ce qui concerne Lange, Angus déclarera plus tard : « Quand on arrive en studio, c’est avec des chansons finalisées et on sait ce que l’on veut. On fait pas chier pendant trois ans, pas comme Mutt Lange. Ce mec a toujours été lent. Vraiment lent. Il a besoin d’une éternité pour faire quoi que ce soit. Cela ne serait tenu qu’à nous, l’album aurait été plié en une semaine. » Quant à Malcolm, il indiquera en 1992 lors d’une interview qu’au moment de terminer l’album, ni le groupe ni son entourage ne savait quoi en penser et s’il sonnait bien ou pas. « Tout le monde était gavé de ce disque » ajoutera-t-il.
 


Et presque par miracle tant le groupe n’y croyait plus, fin novembre est délivré ce nouvel album qui atterrit (enfin !) dans les bacs le 23, pour la France, à peine seize mois pourtant séparant ce disque de « Back In Black ». Curiosité et aubaine pour les collectionneurs, le marché espagnol a droit à une pochette aux couleurs inversées, soit le logo du groupe et le canon couleur bronze sur un fond noir. Autre particularité, l’ordre pour le titre des chansons sur l'arrière de la pochette n’est pas celui que l’on retrouve sur les deux faces du disque. Les Américains de leur côté ont encore le choix de se procurer le bientôt désuet format cartouche 8 pistes, qui contient pourtant bien les dix chansons de l’album, hormis le fait que "Night Of The Long Knives" est scindée en deux parties. Démarrant au son du clairon, et des canons surtout, le chanson-titre est imparable et a plus que (sur)passé l’épreuve du temps, devenant comme dit plus haut le morceau de clôture de chaque concert d'AC/DC depuis 40 ans. Si "Put My Finger On You" se veut une poursuite convaincante, un morceau rapide et qui aurait fait bonne figure une fois interprété en live, "Let’s Get It Up" se traîne, un choix plutôt surprenant que de l’utiliser comme single, mais le côté "commercial" que l’on sent poindre au bout du nez par moment le justifie sûrement. "Inject The Venom" n’injecte au final rien de bien nocif et se veut peu inspirée, même au niveau du solo. Il faut attendre la fin de la face A et "Spellbound" pour reprendre les choses en main, une chanson speed qui, placée plus tôt sur l’album, aurait donné un tiercé gagnant dans l’ordre et d’entrée de course.

On retourne le disque pour s’enquiller une petite "Evil Walks" qui n’aurait pas dépareillée sur « Back In Black » et même sur « Highway To Hell », en imaginant ce qu’aurait pu faire Bon Scott au poste de chanteur et avec le son particulier qu’ont ces albums. Enfer et (rock'n'roll) damnation ! Le soufflé retombe à nouveau avec "C.O.D.", « Complètement Out of Destruction » (bon OK, "C.O.D.", ça veut dire « Care Of the Devil » en fait), portant au nombre de trois jusque-là les compositions dont on se serait abstenues. Ou qui auraient pu être plus percutantes et pertinentes, pour être magnanime. Et puis pof, voilà l’air de rien qu’arrive "Breaking The Rules" avec ses progressions d’accords peu communes dans l’univers sonore que l’on connaît et qui surprend dans le bon sens. La neuvième et avant-dernière piste fait péter dans nos pavillons acoustiques le groove de "Night Of The Long Knives", un des morceaux les plus réussis du disque, avec ce rythme groovy qui contraste la portée historique et grave des paroles évoquant un épisode sombre de l’Histoire, La Nuit des Longs Couteaux, une expression utilisée pour faire référence aux assassinats perpétrés par les Nazis en Allemagne, au sein de leur propre mouvement, entre le vendredi 29 juin et le lundi 2 juillet 1934, et plus spécifiquement pendant la première nuit, du 29 au 30 juin 1934.

On démonte le camp afin de partir en campagne au son de "Snowballed" qui ne démérite pas et referme « For Those About To Rock (We Salute You) » avec bien plus de panache que certains des titres précités ci-dessus. Conclusion toute personnelle, AC/DC aurait sorti un mini-album (mais c’est pas le genre de la maison, hormis « ’74 Jailbreak », mais il y a eu une bonne raison pour celui-ci), on aurait un disque qui aurait bénéficié d’un plus grand retentissement dans la discographie des Boys. Car, prenons un fan lambda et pas le die-hard, qui saurait citer un, voire tous les titres composant ce disque, hein ? Je l’avoue, pas moi. Et je suis fan. Cela n’empêchera pas ces messieurs d’en vendre de grosses palettes (6 millions d’exemplaires environ dont un peu plus de 500 000 rien que pour la France) et de le classer numéro 1 aux Etats-Unis, numéro 2 en Allemagne et numéro 3 en Australie. 

Devant démarrer initialement fin septembre, le premier concert de la tournée a lieu le 14 novembre à la Cobo Arena de Detroit dans l’état du Michigan, donnant l’occasion aux spectateurs de découvrir sur scène et en avant-première trois titres du disque, "Inject The Venom", "Put The Finger On You" ainsi que le morceau éponyme bien entendu, joué au début du rappel et qui sera peu de temps après placé en tant que dernier morceau. Les fans français doivent quant à eux attendre près d’un an afin d’accueillir le groupe à Lyon tout d’abord, puis à Avignon et à Paris pour un unique concert sur les deux prévus initialement. Ce n’est d’ailleurs pas le seul concert annulé, quatre autres dates ayant été planifiées (à Dijon, Paris donc ainsi qu'à Saint-Etienne et Nantes). Fait surprenant, AC/DC n’interprète – si l’on parle de la date parisienne uniquement – que deux morceaux de son nouvel album (et un seul à Lyon et Avignon, devinez lequel), une bien maigre mise en avant pour un disque enfanté dans la douleur, relégué derechef aux profits d’autres morceaux certifiés hits, faisant de ces concerts une sorte de "vulgaire" tournée best of. Si l'on ajoute à ce constat que trois concerts seulement ont bien eu lieu sur les sept prévus, le bilan est malheureusement bien loin de celui constaté sur les tournées précédentes avec quinze ou vingt dates assurées, et la donne ne s’inversera pas (plus jamais) avec les années.


« For Those About To Rock (We Salute You) » sera réédité pour la première fois au format CD en 1987, masterisé par Barry Diament au moyen des bandes master. En 1994 notamment sortira une nouvelle réédition qui a été remasterisée de façon numérique par l’ingénieur Ted Jensen (SLIPKNOT mais aussi NO ONE IS INNOCENT entre autres) à partir de ces mêmes bandes master. Au rayon anecdotes, citons le jeu vidéo Guitar Hero II qui, dans la description pour la Gibson SG (le modèle d’Angus) fait cette citation : "For those about to rock, we... give you the Gibson SG". Et sur le site officiel de Nintendo, la version de Guitar Hero III : Legends Of Rock pour la Wii annonce avec malice "For those about to rock, Wii salute you".
Côté cinéma, le personnage qu’incarne le comédien Jack Black, qui a son propre groupe TENACIOUS D et participe souvent à des jams avec ses potes métalleux, déclame : "In the words of AC/DC: We roll tonight... to the guitar bite... and for those about to rock... I salute you". Plus surprenante (quoique), on retrouve le titre de l’album au détour d’un couplet du titre Shadrach des BEASTIE BOYS, paru en 1989 : « It's not how you play the game it's how you win it / I cheat and steal and sin and I'm a cynic / For those about to rock, we salute you / The dirty thoughts for dirty minds, we contribute to ».

Pour aller plus loin :
Condensés de la puissance apocalyptique d’AC/DC en concert, optons pour ces deux albums live uniquement, la discographie étant bien trop riche et intéressante pour en extraire seulement quelques exemples de façon arbitraire, et probablement subjective. Car on sait bien que... « On a tous quelque chose en nous d’AC/DC ».
« If You Want Blood, You’ve Got It » (1978)
« Live » (1992)

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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