5 juillet 2022, 19:43

SHINEDOWN

Interview Brent Smith


SHINEDOWN, le groupe originaire de Jacksonville en Floride vient de sortir son nouvel album « Planet Zero », un concept-album qui tire la sonnette d’alarme sur l’avenir de l’humanité. Entre dirigeants incompétents et la menace d’une pensée unique laissant planner le spectre de la fin du libre arbitre, son chanteur Brent Smith explique sa vision de notre société et comment le successeur de « Attention Attention » sorti en 2018 , a été conçu.
 

Comment te sens tu Brent avec la sortie de ce nouvel album ?
Tout va super bien pour moi, je me suis réveillé ce matin en apprenant que le single "Planet Zero" était numéro 1 du Billboard et on espère que ça va bientôt être également le cas en France. (rires)

« Planet Zero » comme son prédécesseur « Attention Attention » se présente comme un concept-album où cette fois-ci le sujet traite de l’humanité, se retrouvant dans un monde futuriste avec zéro tolérance pour toute opinion différente que celle de la majorité, formaté par les réseaux sociaux omniprésents. Comment est né l’idée de développer l’album autour de ce thème central ? Un ras-le-bol personnel des dérives des réseaux sociaux ?
La réalité dans tout ça c’est que ce n’est pas une question d’en avoir ras-le-bol mais de connaître la vérité. Que l’on connaisse la vérité sur ce qui se passe sur cette planète. Il faudrait être fou pour ne pas admettre que depuis deux ans il ne s’est rien passé d’inhabituelle et que certaines choses n’ont pas été clairement dites. Au début de la pandémie en 2020, On s’est demandé en tant que groupe comment faire pour traverser cette période très difficile et que personne n’avait vécu jusqu’à présent. On a fini par faire un don de cinq cent mille dollars à l’organisation Direct Relief avec laquelle on est très proche et qui est venue en aide aux personnes touchées de plein fouet par cette crise sanitaire. On a utilisé les fonds récoltés par notre chanson "Atlas Falls" qui n’avait jamais été publiée auparavant et qu’on avait composée il y a quasiment dix ans. J’avais toujours gardé en tête que cette chanson sortirait un jour mais jamais je n’aurais imaginé que ce soit dans des circonstances pareilles et qu’elle aurait un impact si fort.
J’ai passé mon confinement en Californie durant vingt semaines puis après je suis parti en juin pour me rendre en Caroline du Sud pour rejoindre Eric Bass en nous disant qu’on allait commencer le processus de composition qui allait devenir l’album « Planet Zero » mais on n’avait aucune idée de ce que cela allait donner à ce moment-là. Mais on avait cette idée d’une boule de cristal qui nous permettrait de voir dans le futur, mais d’un point de vue positif car on se disait que personne ne voudrait se remémorer ce qu’on était en train de vivre avec la COVID deux ans après et qu’on devait avancer, ne pas rester fixer sur ça. On a alors commencé à écrire sur ce qui, selon nous, allait peut-être arriver par la suite et il s’est avéré qu’on ne voyait pas comment les choses allaient pouvoir s’améliorer finalement. On ne peut pas dire que ça va de mieux en mieux même en étant le plus positif possible spécialement quand on voit ce qui se passe aux Etats-Unis. Et lorsque l’on porte un regard plus global sur l’ensemble de notre planète on se rend compte que les gens veulent savoir ce qui se passe, et si les représentants des gouvernements ne le savent pas alors qu’ils le disent ! Parce qu’on en a marre de ces changements perpétuels de décisions. On a vu ce que ça a donné avec les événements liés à la mort de George Floyd, les gens se regardaient les uns les autres en se demandant « comment on peut régler ça ? » car objectivement nos dirigeants ne savent vraiment pas ce qu’ils font. Donc, indépendamment des Etats-Unis ou de n’importe quel gouvernement de n’importe quel autre pays, il faut comprendre une chose : les représentants du gouvernement sont à la base les représentants du peuple, ils ne sont pas des dieux et il faudrait vivre sous une montagne pour ne pas voir ce qui se passe en Ukraine avec les attaques Russe. Et on voit fleurir sur les réseaux sociaux une tonne de personne qui commentent sans savoir de quoi ils parlent, ils postent des messages à chaud, sans réfléchir. Penses-tu réellement que la population de Russie souhaite ce qu’il se passe en ce moment en Ukraine, tu penses que le peuple ukrainien avait envie de subir ce conflit ? Tous ces peuples subissent les décisions des dirigeants. Les gens doivent s’unir et faire front ensemble et ça ne veut pas dire que la violence doit être le chemin à emprunter pour obtenir ce que tu souhaites. C’est ce que souligne « Planet Zero » en tant qu’album mais aussi en tant que chanson, je ne pense pas qu’Internet ne peut pas être vaincu, je pense bien que c'est la nature qui survivra. L’environnement dans lequel nous vivons, cette planète sur laquelle nous vivons tous, nous survivra. Ça ne devrait pas avoir d’importance que tu sois jeune ou vieux, un homme ou une femme, ta couleur de peau, ta religion, tout ça ce sont tes affaires et c’est ce qui te représente en tant qu’individu mais si tu sors de ce cocon et que tu t’ouvres au monde réel tu verras que les gens ne veulent pas se battre les uns contre les autres, ils essaient de trouver le meilleur moyen de vivre ensemble, en harmonie et en paix. Oui il y aura des conflits mais il faut réaliser que ce qui compte réellement c’est le sort des citoyens qui vivent sur cette planète. Pas dans des pays différents mais bien sur une seule et même planète. On doit arriver à travailler ensemble et montrer à nos représentants qu’on n’a pas besoin qu’ils soient des dictateurs pendant trente ans, qu’on n’a pas besoin qu’ils soient constamment retranchés dans leurs bureaux. On a un président pendant quatre ans et à la fin, il a droit à un deuxième mandat, idem pour les gouverneurs mais tu as des hommes politiques qui sont au Sénat et au Congrès depuis plus de vingt ans. Ils doivent laisser la nouvelle génération entrer car le monde change. Cet état d’esprit archaïque que l’on traine depuis plus de cent ans ne fonctionne pas. Nous vivons en société, nous sommes une société qui change et tu ne peux qu’être d’accord, je le vois de mes propres yeux tous les jours. En tant qu’espèce on prend soin des autres, à la base nous sommes bons les uns envers les autres, on veut aider son prochain, on veut qu’il réussisse mais je ne sais pas à quel moment on est tombé dans cette folie. Et quand tu écoutes la chanson "Planet Zero" et que tu écoutes l’album entièrement, je ne dis pas que c’est un manuel d’instruction sur comment aller de l’avant et comment améliorer les choses, mais on invite les gens à voir ce qui fonctionne dans notre société et celles qui ne fonctionnent pas. Pourquoi continuer à appliquer les mêmes actions destructrices ? Il faut changer les choses, non seulement pour toi et ta famille mais surtout pour l’avenir de l’humanité. De plus nous ne vivons pas seuls, nous sommes entourés d’animaux, de mammifères, de plantes, tout ça c’est tellement plus grand que nous. Mère nature n’est pas vaincue. Si elle le souhaite elle peut nous effacer d’un claquement de doigts et « Planet Zero » est un avertissement, une déclaration que si nous ne faisons rien, qu’on ne prend pas en compte son prochain et qu’on n’opère pas un réel changement, je te le dis, on est foutu ! C’est aussi simple que ça. Mais je ne pense pas qu’on soit foutu pour de bon, je pense qu’on va arriver à s’entre aider, s’élever ensemble et ce n’est pas en gardant nos dirigeants enfermés dans leur bureau que ça va changer, on a le pouvoir de leur dire « c’est fini pour vous, vous êtes là depuis trop longtemps, ça ne fonctionne pas, on doit faire les choses différemment ».


Les titres sont une nouvelle fois très variés sur cet album, SHINEDOWN est au final un groupe aux multiples facettes qui ne suis jamais un genre musical défini. C’est ce qui fait la richesse du groupe selon toi ?
Je pense qu’on a beaucoup de chance que notre public nous ait toujours laissé aller là où on le voulait musicalement, d’être nous-mêmes. On essaie de faire en sorte que chaque album soit différent, ne pas reproduire la même chose encore et encore, ne pas écrire deux fois la même chanson. Cette dynamique apporte quelque chose invariablement, quand tu évolues en tant qu’artiste, certaines personnes qui voudraient te maintenir dans la case où te trouver à un moment donné mais ça ne fonctionne pas avec nous. On ne peut pas nous ranger dans une boîte, je ne veux pas que le groupe soit étiqueté comme étant rattaché à un seul style musical. Je dis souvent que le rock'n'roll n’est pas juste un genre de musique, tout comme dans la communauté metal, mais que ce sont des manières de vivre et que tout le monde est le bienvenu dans cet univers, dans cette communauté. J’aime la pop, le rock alternatif, la country, le rap, le hip-hop, la soul et le rythm'n'blues, tous ces styles m’influencent, tout comme pour Eric, Barry et Zach. On est toujours très ouvert aux idées que chacun apporte quand on compose. Il y a un dicton qui dit « si ce n’est pas cassé, ne le répare pas », et on n’est pas vraiment de cet avis quand il s’agit de musique car ça évolue tout le temps tout comme notre société.
Dans nos chansons on a souvent parlé de problèmes de santé mentale, depuis vingt ans, et on reste attentif aux différentes évolutions, à l’amélioration des traitements, la reconnaissance de ces troubles et dans le groupe on a une phrase qui revient souvent qui dit « au-delà de celui qui souffre, le vrai sujet c’est la douleur elle-même », tu dois prendre du recul, tu dois prendre en compte ce qui t’entoure. Je pense que ce qui résume mieux le groupe et ce depuis nos débuts jusqu’à aujourd’hui, c’est le mot "honnêteté". On l’a toujours été en ce qui concerne nos chansons et pour cet album on a gardé à l’esprit qu’on devait illuminer notre public, on devait lui redonner confiance et qu’on devait garder la bonne attitude, on est prêts, on est là et c’est pourquoi "Planet Zero" était notre premier single sur ce nouvel album et que c’est la première chanson que tu entends sur le disque. Musicalement, Eric notre bassiste à fait un superbe travail mais il est bien plus que ça car il a produit, enregistré et mixé cet album tout comme le précédent « Attention Attention » et je peux te dire qu’il n’a pas dormi pendant un an. Au début de la pandémie on a appelé plein de studios pour commencer à enregistrer mais c’était tout simplement impossible car ils étaient tous fermés. Alors on a pris la décision de construire notre propre studio, on l’a fait sur sa propriété et on a trouvé la solution, si on ne pouvait pas aller dans un studio on avait qu’à faire le nôtre (rires).


On retrouve dans ta voix une plage vocale assez variée. Comment la prépares-tu avant un enregistrement ? L’humeur joue énormément sur la manière dont la voix sonne, quel était ton état d’esprit en général durant la création de « Planet Zero » ?
Une chose que l’on voulait faire avec cet album c’était que les voix devaient être l’élément central dans le mixage. La voix est frontale, avec peu d’effets. Sur quelques titres tu peux trouver de la réverbération et un peu d’écho mais Eric a mixé ma voix de sorte qu’elle soit la plus naturelle possible, brute, sans trop de compression et qu’elle ne parte pas dans tous les sens pour la maintenir au centre car il y avait beaucoup d’attention apportées au sujet des chansons et le single "Planet Zero" en est le parfait exemple, il n’y a pas de réverbération sur ma voix, juste un tout petit peu sur le refrain. Mais aucun Auto-Tune ou effet ajouté, c’est juste moi, ce qui a impacté le son général des chansons. Quand tu enlèves pleins d’effets vocaux ça influe sur l'intégarlité du rendu de la chanson. On voulait que vocalement ce soit naturel, qu’elle soit la plus honnête possible et mettre tout ça en avant dans le mixage. Eric a été d’une aide constante pour moi, très positif et encourageant quand j’étais dans la cabine de chant. Ce n’est pas un tortionnaire donneur de leçon, il n’est pas du genre à te parler comme un coach complètement énervé pour essayer de te faire réagir, il est au contraire très zen, tout le temps, même quand c’est une chanson super intense et puissante et que la voix doit être agressive, il reste constant, sa méthode de travail est rassurante et il est globalement d’humeur égale. Il m’a laissé évoluer, essayer des trucs et toujours dans une ambiance sereine dans un moment où je voulais me prouver que j’étais capable de faire encore mieux qu’avant, je voulais que le public entende l’intensité de ma voix, et qu’il ressente la passion que j’exprimais, la puissance dans les moments forts et être au maximum de ce que je pouvais donner à ce moment-là. On retrouve sur l’album beaucoup d’intensité mais également des moments plus calmes et je voulais que ma voix sonne également différemment, que mon timbre s’adapte à l’ambiance plus intimiste, faire ressortir mes émotions mais sans surjouer ou trop dramatiser, il fallait que ça reste réel et honnête, qu’on ressente une certaine vulnérabilité, donc j’ai voulu garder la même intensité dans mon chant mais avec différentes approches en fonction des thèmes et des ambiances.

Vingt ans de carrière pour SHINEDOWN quel regard portes-tu sur ces deux décennies passées ? Peux-tu nous citer la chose dont tu es le plus fier à propos du groupe ? Sa longévité ? Votre nomination au Billboard Greatest Of All Time Mainstream Rock Artists Chart ? La liberté de vous exprimer librement à travers votre musique ?
Honnêtement, on se répète constamment qu’on n’a pas atteint notre plein potentiel, donc on ne cesse de penser à ce qu’on peut faire de mieux et quel sera le prochain palier à franchir. On recherche toujours à monter d’un cran notre niveau. On n’est pas fan de l’idée de faire des "Best Of", je pense que lorsque tu en arrives à ce stade tu commences à te replier sur tes acquis et on n’est pas comme ça. Nos fans sont une source de motivation perpétuelle. Aux Etats-Unis on est vu d’une certaine manière, on a une belle reconnaissance mais dans le reste du monde il nous reste encore beaucoup à faire, il y a tellement d’endroits sur cette merveilleuse planète où nous ne sommes pas encore allés, ou des endroits où on aimerait retourner plus souvent, on aimerait développer notre communauté à travers les autres pays. Donc pour répondre à ta question je suis fier de voir que notre fan-base ne cesse de grandir et au sein du groupe on se répète souvent que notre seul patron c’est le public. Je suis fier également de me dire qu’on arrive toujours à avancer, à s’améliorer, il y a toujours un axe de progression à suivre. On ne se repose pas sur nos acquis, on est toujours motivés. Il y a vingt ans des gens n’avaient pas accroché avec le groupe, ils ne comprenaient pas notre musique, ils pensaient qu’on ne durerait pas mais je ne les ai tout simplement pas écoutés. On avait un message à faire passer avec notre musique, je savais que ça avait un sens, qu’on aurait du mérite par la suite car je savais que ce qu’on réalisait était important pour certaines personnes et que leurs retours nous importaient également, on a persévéré et on n’a jamais été complaisant envers nous-même, on a toujours été de l’avant. On a tous un temps imparti sur cette planète alors il n’y a pas de temps à perdre et il faut se mettre au boulot.

Quelle est la suite pour SHINEDOWN dans les prochains mois ?
Je peux te dire qu’on a bien tout préparé pour la tournée estivale qui a débuté en juin et d'avoir pu venir vous voir en France, j’en profite d'ailleurs pour remercier le public français pour son soutien depuis toutes ces années et on a hâte de vous retrouver une nouvelle fois en novembre à Paris... merci beaucoup ! •


Retrouvez SHINEDOWN avec ASKING ALEXANDRIA et ZERO 9:36 le 8 novembre à Paris, le Bataclan.

Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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