20 septembre 2022, 17:35

Harun Demiraslan

Interview

Harun Demiraslan, également compositeur et guitariste de TREPALIUM et STEP IN FLUID, est un artiste à la créativité débridée, aux idées bouillonnantes qui fusent de toutes parts et au discours tellement passionnant qu’on ne voit pas le temps passer. C’est à l’occasion de la sortie imminente de son premier album solo, « In Motion », que nous avons eu la chance de partager ce long entretien avec ce compositeur compulsif, comme il se décrit lui-même, et que nous avons pu aborder tous les aspects de sa vie artistique, ses expériences et ses projets, le tout avec une gentillesse et une sincérité touchantes. Un beau moment de partage.


Harun, tu t’apprêtes à sortir ton premier album solo, « In Motion », après de nombreuses années avec tes deux autres groupes, TREPALIUM et STEP IN FLUID. Peux-tu nous parler de la genèse de ce projet avec lequel tu explores de nouveaux territoires ?
C’est venu un peu sans préméditation. Cela a toujours été un rêve que je caressais de sortir des albums sous mon nom, mais je ne m’en sentais pas forcément capable, ou je n’avais pas les épaules pour ça. En tout cas, tu ne te lances pas dans une aventure aussi lourde que l’écriture d’un album, le produire et le défendre, sans en être sûr. Je n’ai pas que ça à faire à 42ans ! (rires) Et là, c’est venu pendant l’année 2020, je crois… Je me suis dit que j’avais trouvé un riff sympa, qui pourrait éventuellement rentrer dans du STEP IN FLUID, mais, en même temps, c’était un peu différent. Pas du tout le même accordage. J’étais dans un univers encore différent de ce que j’ai pu faire auparavant et j’ai voulu creuser un peu ce truc. Je ne me considère pas comme un virtuose, mais par contre, j’ai des petites facilités au niveau de l’écriture. J’arrive à composer très vite et donc, j’ai creusé un peu. Puis au bout de deux ou trois jours, j’avais déjà trois compos. Pas finies. Mais j’ai constaté que je m’avançais vraiment vers autre chose, et je me suis dit que j’allais faire un album pour ma gueule. Etant donné que j’ai toujours composé pour les autres, à travers mes groupes TREPALIUM et STEP IN FLUID, alors, c’est un peu frustrant à la longue. Je compose mais je sors ça sous le nom d’un groupe, donc pour celles-ci, j’ai décidé de les sortir sous mon nom. Mieux vaut tard que jamais.

C’est album est, comme tu nous l'a précisé, très introspectif. A quel moment t’es-tu rendu compte que tu avais ce besoin de faire comme une sorte de bilan de ta vie jusqu’à maintenant ? Est-ce que la pandémie a joué un rôle dans ta décision de te raconter en musique ?
Je pense que tu détiens déjà la réponse, vu la façon dont tu énonces ta question (sourire). Effectivement, il y a un peu de ça. Qui ne s’est pas posé des questions sur son avenir professionnel ? La pandémie a eu ce côté bénéfique pour tout le monde de se dire : «J’en suis où ? Que vais-je faire ? Suis-je à ma place ? » Même pour la question de la précarité. Et artistiquement, c’est un peu pareil. Tu te dis que ça risque de s’arrêter. Tout le monde se demandait au début ce que c’était que cette merde, ce qu’il se passait. Il n’y avait plus de dates, tout était annulé, c’était la fin du monde… (rires) Il y avait un côté bilan, un peu comme lorsque que tu arrives à la quarantaine ou la cinquantaine, d’un coup, tu regardes en arrière. Tu te dis que tu accélères comme un con depuis quelques années et tu te demandes où tu en es. Je suis en pleine fleur de l’âge, j’ai fait énormément de trucs. Je pense être l’un des musiciens les plus actifs de la scène, en tout cas en France. Je ne parle pas qualitativement mais en termes de productivité. Et, à cette période, je me suis retrouvé un peu comme un con, à attendre, vu que le travail était déjà fait sur les autres groupes. J’ai aussi quatre ou cinq projets sur mon ordinateur, donc, j’ai voulu faire un truc sur lequel je serai le seul maitre à bord. Il ne fallait pas que je traine plus. Encore une fois, j’ai 42 ans, et il y a aussi ce côté bilan où tu réalises que c’est le bon moment, que c’est maintenant ou jamais, parce que dans cinq ans, j’aurai la flemme de lancer l’aventure. Certes, il n’est jamais trop tard, mais je peux quand même déjà parler d’une carrière bien pleine. J’ai tous les contacts qu’il faut, plein de gars sont prêts à m’appuyer… Un pote qui s‘occupe de sites internet m’a offert le mien (NDJ : Harundemiraslan.com). Un autre pote que j’ai rencontré s’est plié en quatre pour réaliser mon  clip en stop-motion. Ce qui coûte une blinde normalement, mais on a pu s’arranger. Avec le graphiste, idem, étant donné que c’est aussi un pote. J’ai vraiment senti un élan constructif de la part de mon entourage, qui m’a poussé en me disant aussi que c’était le bon moment. J’ai eu un album sous la main, pondu en vingt jours, alors je me suis lancé. J’ai contacté Pat de Klonosphère pour leur dire que j’allais sortir un album solo. Et Guillaume Bernard m’a demandé si je ne voulais pas plutôt le sortir sous le nom de STEP IN FLUID, histoire de continuer à taper dedans (sourire). Mais je lui ai répondu que ce n’était pas le même accordage, que les morceaux étaient un peu plus personnels, et qu’il me fallait vraiment d’autres musiciens pour interpréter ces morceaux-là. J’avais une vision très précise de l’interprétation et de la manière dont je voulais que ça sonne, et que ça se développe.

Justement, tu as décidé cette fois de t’entourer de musiciens avec lesquels tu n’avais jamais travaillé, hormis Matthieu Metzger et Gérald Villain avec qui tu as déjà collaboré pour STEP IN FLUID. Comment as-tu choisi ceux qui allaient t’accompagner pour cet album, et pourquoi ? Tu voulais déjà travailler avec eux, ou bien est-ce le son que tu as créé qui a guidé tes choix ?
De mon point de vue, c’est intrinsèquement lié. Quand j’écris de la musique, je visualise des sonorités, des arrangements mais aussi des acoustiques, notamment au niveau de la batterie. J’imagine aussi la tessiture des instruments, avec une vision un peu globale de tout ça. Autant, des fois, c’est moins évident, autant pour cet album-là,  j’entendais vraiment un truc assez précis, et je voulais une batterie plus « free ». Et même si je suis fan du jeu de Florent Marcadet qui joue dans Carpenter Brut et STEP IN FLUID, et qui est aussi passé dans KLONE et HACRIDE, je sentais que Morgan Berthet se démarquerait de Flo par son côté un peu plus technique qui pouvait me surprendre encore plus, en terme d’apports au niveau des arrangements, de manière imprévue. Et puis, il est plus « free », donc, ça m’intéressait. Je lui ai envoyé les maquettes pour qu’il ait des trames, et sur certaines parties, je lui ai dit : « Tiens, ça, c’est en sept temps, et je veux que tu partes en solo ». Je sais que c’est plus dans les cordes d’un Morgan Berthet que d’un Flo Marcadet, qui est plus dans un travail minutieux, métronomique, très calculé. Même si Morgan est un peu pareil, il a cette capacité-là à jouer sur de l’improvisation un peu plus poussée. J’ai toujours joué avec des super batteurs. J’ai de la chance. Je vais prendre l’exemple de Sylvain Bouvier, qui joue dans TREPALIUM et IGORRR, il n’aurait pas pu m’apporter cette esthétique-là, et ça ne correspondait pas à ce que je recherchais, à la musique que j’avais en tête. Donc, je savais que ce ne serait ni Sylvain, ni Flo. J’ai hésité entre deux ou trois batteurs, et puis non. Je voulais jouer avec Morgan ! Je suis très fan de son jeu. J’adore le voir jouer, j’adore l’écouter, et je voulais qu’il fasse partie de l’histoire. Je lui ai envoyé un message par mail. On se connaissait déjà.  Pas intimement, mais on se connaissait. Et il m’a dit : Allez, c’est parti ! ». Je lui ai envoyé les maquettes une par une, très vite, et il m’a dit que ça déchirait et qu’il avait déjà plein d’idées en tête. Et on a enchainé. Pareil pour Shob, au niveau de la basse, je l’admire, je l’adore ! On se connait depuis l’adolescence, même si nous n’avons pas trainé ensemble. IL venait jouer en Vendée, aux Sables d’Olonne. Je n’avais que 15 ans et je commençais à peine à apprendre la guitare, et il venait pour des réunions associatives, dans la MJC où l’on répétait. Je suis tombé parfois sur des concerts de son premier groupe, CIRKUS, qui était un groupe de néo-metal à la KORN, un peu barré. Un mélange de KORN et SLIPKNOT. Mais ça remonte aux années 90 ! (rires). Quand j’ai vu son évolution, et qu’en plus, il jouait avec Morgan, je me suis dit qu’avec eux deux, ça allait le faire. En fait la question ne se posait même pas ! C’était juste évident. J’avais un batteur avec qui je n’avais pas joué et que j’adorais, qui pouvait m’apporter un truc différent de Flo ou Sylvain. Donc, je me suis dit que j’allais prendre la paire, tout simplement. Et puis, comme je gère tout le reste… Ensuite, au niveau des invités, j’y ai longuement réfléchi, j’ai hésité à demander à d’autres guitaristes que j’apprécie, comme Pierre Danel (KADINJA, NOVELISTS FR) ou Aldrick Guadagnino (KLONE, STEP IN FLUID), qui est un pote de jeunesse. Ce sont des gratteux que j’aurais bien voulu avoir sur l’album, mais en même temps, je pensais que ce serait mieux pour une autre occasion. J’avais déjà deux guitaristes sous la main (NDJ : Richard Daudé et Christophe Godin), c’est déjà beaucoup. Plus le saxophoniste, Matthieu, qui est un très bon ami. J’ai souvent fait appel à lui pour les albums de TREPALIUM et STEP IN FLUID, et il me le fallait. Avec ma guitare, je ne peux pas avoir un son de saxo soprano… (rires) alors il fallait qu’il vienne. Cela ne représente qu’une partie de mon entourage, et je l’avais sous ma main. Tout s’est goupillé assez naturellement, tout comme l’idée de faire un album. Il y avait le côté pas prémédité du tout. J’ai juste trouvé un riff, et tout s’est enchainé très rapidement.  Au bout de vingt jours, je me suis retrouvé avec les maquettes d’un album, j’avais tout le monde sous la main, j’ai simplement envoyé un mail ou deux pour confirmer avec Morgan. Et je me suis retrouvé ensuite à chercher des subventions dans la foulée. Mais j’ai poireauté pendant un an, car c’était en 2020… En fait, je n’avais qu’une partie des subventions pour financer l’album, et je n’avais pas ou très peu de fonds propres, et je n’osais pas me lancer dans une aventure de crowfunding. Je n’étais pas sûr de moi, j’avais peur de me planter, et nous étions encore en plein Covid. Comme tout allait mal à droite et à gauche, ne serait-ce que dans le monde du taf, et que les potes ne tournaient même plus, lancer un financement  participatif sur un album solo me donnait l’impression que j’allais me gaufrer totalement. Je n’avais pas confiance en moi et je suis allé demander des subventions. Mais je n’en ai eu qu’une partie, que j’ai refusé de prendre, parce que je n’en avais que la moitié. Et il faut rendre des comptes quand tu obtiens des subventions d’un organisme tel que l’Adami. Cela peut représenter 40% du budget total. Donc, s’il te manque les 60%, tu te mets en porte à faux. Surtout, si tu as l’intention de partir en vacances avec les subventions… (rires) Alors, j’ai patienté, et cela a été un mal pour un bien, parce que cela m’a permis de revenir sur les morceaux, de changer quelques trucs, de simplifier des idées sur les maquettes qui allaient servir pour Morgan et Shob, histoire de vraiment affiner le discours.


Peux-tu nous en dire plus sur l’aspect chronologique de cet album ?
C’est pendant les vingt jours de la phase d’écriture que j’ai eu mes premières idées concernant l’ordre des morceaux. J’ai toujours un ordre très précis dans ma tête. Comme pour un morceau, je sais ce qui sera le couplet, le refrain… Et systématiquement quand je compose un album, il y a l’ordre des morceaux en parallèle. Je mets tel morceau avant parce que cela va donner tel effet rythmique, ou telle ambiance… J’ai toujours la vision globale d’un album, au même titre que j’ai la vision globale sur chaque morceau. Quant au niveau du côté introspectif et chronologique, c’est venu naturellement, au même moment. "Born Again", qui est le premier morceau que j’ai composé,  représente une renaissance. Cela a été très vivifiant pour moi de partir sur un album solo. Enfin, je mets mes couilles sur la table. Enfin, j’ai vraiment envie d’aller au bout de ce délire de sortir un album sous mon nom ! Quitte à me faire tailler, mais je m’en fous ! Là, il y avait un vrai besoin. Chronologiquement, j’ai composé "Brothers" après "Born Again". Je n’avais pas encore le titre, mais j’ai été inspiré par deux thèmes de TREPALIUM : l’un qui sera sur le prochain album et l’autre sur le précédent. Cela a donné un riff un peu « cow-boy », un peu texan, et j’ai réalisé que ce serait un morceau en référence à TREPALIUM. Et comme j’étais dans ce délire de nostalgie d’une période, avec ces incertitudes liées à la Covid, c’est la raison pour laquelle j’ai regardé en arrière et pensé à mes frangins de TREPAL’. J’ai voulu que ce soit un morceau dédié aux frangins. Et "Born Again" a pris sens après coup, car j’ai réalisé que je partais dans un truc chronologique. Et ce morceau ressemble beaucoup à du STEP IN FLUID. Même les arrangements du clavier. Ensuite, dans ma vie privée, j’ai rencontré ma femme. J’ai donc eu l’idée d’un morceau un peu à la Stevie Wonder, un peu africanisant, avec des claviers, etc… Je l’ai fini sur des nappes d’orgue d’église, pour symboliser l’union (NDJ : "Her"). Et comme ça, cela faisait la transition en douceur sur la suite, un morceau que j’avais déjà composé en partie sur un EP autoproduit, en l’honneur de la naissance de ma fille (NDJ : "I Bisimilah Lily"). Je l’ai donc rallongé, j’ai rajouté des solos et fini sur un truc explosif qui amène le morceau suivant. Et celui-ci, c’est le vertige, donc, "Vertigo". Tu deviens papa d’un coup, ta vie change… "Under The Sun", c’est tout le bonheur de la vie de famille, tu ne te poses plus de question. Celui-ci aussi était déjà composé en partie. J’avais mis des chants Maliens dessus. Je les ai virés et j’ai tout réarrangé, sans trop passer du temps dessus. C’est pour cela que l’écriture a été aussi rapide, sur un truc aussi conceptuel. J’ai déjà eu fait preuve de productivité et de créativité sur d’autres albums par le passé, mais c’est parce que j’avais des idées très précises.  Comme sur l’EP de TREPALIUM, « Voodoo Moonshine », réédité sous le nom de « Damballa’s Voodoo Doll », nous en avions discuté avant avec le groupe et notre producteur, Thibault Chaumont, donc, j’avais vachement mentalisé et balisé ce que j’allais faire. Et quand je m’y suis mis, ça n’a pris que quinze jours. De nuits blanches aussi. En fait, quand tu as l’idée, tu as le prétexte pour tout faire. Le plus dur en création, je trouve, c’est l’idée. Beaucoup d’artistes vont prendre le problème à l’envers. Ils vont prendre la guitare et cherchent une idée. Mais ils ne savent même pas dans quoi ils se lancent. Bon, je me contredis un petit peu, dans le sens où, pour cet album, j’ai fait un morceau, et ensuite m’est venue l’idée de faire un truc chronologique, et de récupérer des morceaux que j’avais déjà composés, les réarranger, de refaire une structure globale… Mais, c’était juste l’étincelle du truc. Après, j’ai avancé très vite parce que l’idée était là. A la base, l’album devait finir sur sept morceaux, avec "Surtension" qui est un peu électronique à la Herbie Hancock. Et qui représentait bien la période de merde que l’on venait de vivre avec la pandémie. Mais lorsque j’ai été invité récemment pour le troisième volet de « United Guitars » par Ludovic Egraz et Olivia Rivasseau, pour me pointer dans leur studio et enregistrer un morceau, je l’ai trouvé en deux heures. Je l’avais déjà maquetté et envoyé à Ludo qui m’a dit qu’il le trouvait super, et nous l’avons enregistré dans la foulée. C’était quelque chose d’un peu arabisant qui rentrait dans les thèmes de tout ce que j’avais fait pour « In Motion », le même accordage qui m’avait inspiré. C’est du DADGAD : c’est du ré modal, un accordage plein, sur lequel tu ne mets pas tes doigts, tu grattes toutes les cordes et ça fait un accord. C’est comme dans la musique Irlandaise, ça sonne très lyrique et très plein. Tu as des accords et des cordes à vide qui sonnent direct et c’est très inspirant. Je suis parti sur un tel accordage, car je savais que cela allait me donner plein d’idées nouvelles, après avoir déjà composé "Born Again". Je n’avais jamais joué sur cet accordage de manière assumée. Et du coup, je me retrouve comme un con avec un accordage pour TREPALIUM, un pour STEP IN FLUID, et encore un autre pour ce projet solo ! (rires).


Avais-tu une idée précise du résultat final, ou as-tu laissé une marge de manœuvre aux musiciens ?
Je vais te donner un exemple avec le dernier morceau, "Nomad", originellement écrit pour United Guitars, mais qui collait parfaitement à l’esprit de cet album. J’ai décidé de l’inclure à la fin. Ce serait mon huitième morceau, et ça reflète parfaitement l’état d’esprit dans lequel je suis par rapport à mes groupes. Cela ne marque pas une fin, mais je m’en vais vers autre chose, tel un nomade, vers d’autres contrées, vers une nouvelle aventure. Cela finalisait idéalement le discours de l’album. Et je voulais finir sur des rythmes orientaux. Un rythme en sept, qui rappelle les premiers morceaux. Ça donne une certaine cohérence. Et finir sur un solo de batterie qui donne un truc explosif, avec également le solo de sax, et avec le « bidule » (NDJ : instrument très bizarre, avec un son non moins bizarre, créé et fabriqué par Matthieu Metzger). Pour moi, même si je suis fan du jeu de Sylvain Bouvier et de Flo Marcadet, il n’y a qu’un gars comme Morgan qui pouvait m’apporter ça : ce côté ultra explosif et complètement improvisé. Il s’exprime complètement et ça se sent. Je lui ai dit que je voulais que les auditeurs perdent pied sur ce final, et il l’a fait. Il faut avoir une idée bien claire dès le départ, donner des directives très claires, et laisser suffisamment d’espace aux gens qui participent au projet, pour qu’ils apportent ce que moi je ne peux apporter : leur expertise, leur savoir-faire. Il ne faut pas les brider.  Nous ne nous sommes pas vus, nous avons tout fait à distance, sauf l’ingénieur son que j’ai vu en direct Je suis le seul à avoir été en contact avec tout le monde. J’ai vraiment veillé au grain pour que mes morceaux puissent prendre toute leur énergie et leur savoir-faire. Cela m’a surpris moi-même. Lorsque j’ai dit que le morceau finit sur un rythme en sept, et que la batterie sera un solo, les possibilités étaient infinies, et je ne savais pas ce que Morgan allait me faire. Et puis, il m’a envoyé le truc, j’ai écouté, et je lui ai répondu : « Bon, ben voilà ! Très bien !! » (rires). J’ai plein de potes qui m’ont dit en écoutant l’album que cela donnait l’impression que nous avions tous joué ensemble, alors que l’on ne s’est même pas vus.

Effectivement, à l’écoute, il y a une fluidité qui donne cette sensation d’avoir un groupe dans une seule pièce, en communion les uns avec les autres, tous sur la même longueur d’onde.
Morgan a commencé l’apprentissage de la batterie alors qu’il savait à peine marcher.  Shob, c’est une brute de bassiste. Moi, je connais mon taf de compositeur, je fais ça depuis 25 ans. A un moment donné, tout coule de source. Et les invités, Matthieu Metzger,  Gérald Villain, Richard Daudé, Christophe Godin sont parmi les gars que je respecte le plus en France. En fait, tu ne peux pas te planter avec des gars comme ça ! Tu ne te plantes que si les idées ne sont pas claires. On a tous un peu la même culture, qui va de MESHUGGAH à Miles Davis, Ravi Shankar ou autre… On a tous écouté tous les artistes Instagram du moment, tous les vieux groupes standards de prog, tous les groupes de brutal death… Donc, dès que je parlais d’un thème, nous étions en symbiose.

Tu pars dans de multiples directions stylistiques (metal, jazz, swing, musique ethnique...), et pourtant, tout est cohérent et fluide de bout en bout. Je pense notamment aux intros de "Under The Sun" et "I Bisimilah Lily" qui nous font penser aux sonorités africaines de Salif Keita, mais en bien plus énergique. D’où te vient cette envie de mêler des sonorités ethniques ?
A vrai dire, j’ai déjà fait un EP autoproduit en 2017, chanté en Malien, qui n’est pas du tout ma langue natale, mais j’adore la musique Camerounaise, Malienne, Ethiopienne… Il s’appelle « Mali Kanu », et tu peux le retrouver sur internet sous le simple nom d’Harun. C’était pareil que pour « In Motion », mais c’est un truc que j’ai moins assumé.  Il y a trois morceaux qui sont issus de cet EP : "I Bisimilah Lily", "Under The Sun" et "Surtension". Le son n’est pas fou, mais j’avais tout fait de A à Z, jusqu’à l’usine. (NDJ : Harun travaille dans une usine de pressage de vinyles.) C’était un délire, je ne sais pas ce qu’il m’a pris ! (rires) Comme je suis un compositeur compulsif, et que je ne peux pas rester deux mois sans rien faire… En 2016, le chanteur de TREPAL’ part et je me retrouve un peu en stand-by. Avec STEP IN FLUID, je remettais juste le pied à l’étrier, mais il y avait énormément de boulot, car j’avais proposé à Gérald Villain d’intégrer le groupe avec ses claviers. J’avais des maquettes à tire-larigot, mais Flo Marcadet devait se réserver pour tourner avec CARPENTER BRUT. Et qui plus est, il venait de se blesser à l’épaule, donc il ne pouvait pas trop bosser les morceaux. Il valait mieux qu’il prenne le temps de se soigner. Et d’une certaine manière, ce n’était pas plus mal car ça m’a laissé le temps de bosser sur cet EP. Pendant les sessions d’écriture du STEP IN FLUID, j’avais des morceaux vachement africanisant et j’imaginais des chants de la même origine dessus. Je voulais inviter un chanteur Africain et sortir un EP, parce que c’est la mode des EP (rires). C’est plus facile à digérer, plus facile pour lancer un projet, moins risqué aussi. Je voulais donc lancer un truc un peu plus électro.

"I Bisimilah Lily" est un morceau dédié à ta fille, et le seul sur lequel tu donnes de la voix, accompagné de ton épouse. Tu as une très belle voix grave. N’aurais-tu pas eu envie de la poser sur d’autres titres ?
Alors, oui, ça m’a traversé l’esprit… J’avais un morceau qui aurait pu figurer sur l’album « Back In Business » de STEP IN FLUID, et je m’en suis servi comme point de départ de mon EP. Mais, à la veille d’enregistrer à Bamako, le chanteur que j’avais sélectionné s’est désisté par l’intermédiaire de son manager Anglais. Apparemment, cela ne collait pas avec son planning, vu qu’il devait partir en tournée. Alors, j’ai décidé de faire la maquette moi-même. Cela sonnait assez crédible, alors, je me suis mis en relation avec un Malien qui m’a donné un contact sur Bamako. On ne se connaissait pas mais il a accepté de me traduire des textes que j’avais écrits à la volée, en une semaine. Il n’avait pas d’ordinateur, alors, il a écrit sur des feuilles et pris des photos pour me les envoyer ! (rires) J’avais mes traductions, mais je ne savais pas comment prononcer les mots, mais comme à l’époque, je travaillais en lycée, dans une structure de réinsertion, j’ai pu faire la connaissance d’un migrant Malien qui pouvait lire les textes. Je l’ai enregistré pour avoir la phonétique. A force de le réécouter avec les textes sous les yeux, j’ai fini par les apprendre par cœur. Entre temps, j’allais devenir père, avec la naissance de ma fille. Je lui ai donc dédié "I Bisimilah Lily". Et j’ai récupéré ce morceau, je l’ai retravaillé pour « In Motion ». Cela faisait sens que la mère et le père chantent dessus, mais je voulais rester sur un album instrumental, et je n’ai gardé que ce celui-là. Je ne voulais pas trop mettre de chant, même si je l’avais fait sur l’EP. Mais avec peut-être l’idée d’en mettre plus sur un deuxième album.  Mais je n’ai pas envie de m’avancer. On verra bien ! Et concernant l’EP, je ne suis pas sûr qu’un Malien comprenne tout, mais ça fonctionne à 80%. L’articulation et la phonétique sont bonnes, d’après des amis africains. C’était une expérience rigolote. Je me suis débrouillé tout seul pour faire cet EP, mixage et mastering inclus, en harcelant des potes pour qu’ils m’expliquent comment faire. Et ma fille qui a désormais 5 ans, qui est en âge de comprendre beaucoup de choses, reconnait sa chanson. Elle est émerveillée et veut elle-aussi m’écrire une chanson un jour ! (rires).

Chacun des morceaux de cet album fait voyager dans des univers multiples et donnent irrésistiblement envie de bouger. C’est important pour toi de provoquer des réactions, des émotions, chez tes auditeurs ?
Oui, plus le temps passe, plus c’est un besoin. Je pense que tout le monde a envie de communiquer quelque chose. Quand tu fais du brutal death, c’est peut-être parce que tu as envie de dire que tu n’es pas content, que tu es puissant, qu’il y a beaucoup de violence et de haine en toi ! (rires) J’ironise un peu, mais nous sommes passés par là aussi. Ce n’est pas un truc d’adolescent ou d’adulte. Ce sont des périodes de ta vie. Aux débuts de TREPAL’, nous écoutions NAPALM DEATH, CANNIBAL CORPSE, des trucs comme ça… Et c’est vrai que la palette d’émotions est plus restreinte. On reste dans la violence. Mais il y avait aussi beaucoup de naïveté et une certaine pauvreté de discours, parce que je restais sur un délire précis. Et lorsque j’ai voulu, un peu naïvement, rajouter des claviers et faire des trucs jazzy, alors que je n’avais aucun rudiment de jazz, cela a donné des trucs très forts artistiquement. Mais aussi des trucs pourris ! J’ai toujours laissé cette part de naïveté en me disant que cela créerait forcément des trucs cool. Mais cette part de naïveté a foutu le camp dès le troisième album de TREPAL’. Je prenais ma guitare, je cherchais une mélodie mais je pensais toujours que ce n’était pas assez glauque. J’essayais de composer quelque chose, mais je restais trois heures dessus. Je cherchais à obtenir un climax, avec un accord derrière… C’est venu petit à petit, mais sans aucun doute, les albums dont je suis le plus fier sont les derniers, à partir de « H.N.P » de TREPALIUM, les deux de STEP IN FLUID, essentiellement le dernier. Cet album solo, bien sûr. Parce qu’au fil du temps, c’est devenu très important de choisir la note, l’ambiance, l’accord et l’ordre des plans. Il y avait un côté plus mécanique de la musique avant. Désormais, je m’aventure dans des trucs qui sont rythmiquement un peu casse-gueule, mais j’essaie quand même. J’ai certaines choses sur mon ordinateur que ne sais pas comment enregistrer, même si je les joue à la guitare, car rythmiquement, je ne sais pas comment orchestrer la batterie autour. Mais ça développe des super mélodies. Je vois bien que je suis plus obnubilé par l’atmosphère et le climat que ça dégage que des schémas rythmiques qui s’agencent aisément. Même si c’est l’impression que ça donne. C’est le climat, et le discours qui va avec, qui m’intéressent vraiment plus.


Et qu’en est-il du nouveau TREPALIUM ?  Un nouvel album est-il prévu bientôt ?
Ça avance bien, il va y avoir un septième album, mais ce n’est plus entre mes mains. J’attends que Renato (NDJ : Di Folco), le chanteur, avance sur ses parties. On prévoit la sortie pour 2023, mais aucune date précise pour l’instant. Toute la partie instrumentale a été enregistrée dans les disques durs de Thibault Chaumont. Renato devait travailler sur les textes cet été, et j’espère qu’il va s’y mettre, car ça fait déjà un an et demi que cela a été enregistré. Mais à chaque fois qu’il y a eu des retards comme ça, cela nous a servi à améliorer les morceaux. C’est toujours un mal pour un bien.

Et pour ce qui est de STEP IN FLUID ?
On a sorti le dernier album (NDJ : « Back In Business » dont vous trouverez la chronique en suivant ce lien) avant la pandémie, et on s’est retrouvés sans tourneur, et finalement, le soufflé n’a même pas commencé à gonfler qu’il était déjà retombé. On a pu sortir la version vinyle et faire la promo, mais voilà tout ! On n’a pas tourné, et comme c’est un super groupe, tous les musiciens sont pris à travers leurs groupes respectifs, KLONE, CARPENTER BRUT… Donc, on attendra le prochain coche.

Sachant que tu as également un travail et que tu donnes des cours au Conservatoire de Poitiers, où trouves-tu le temps de composer pour tes trois projets, et le temps de dormir ? (rires)
Oui, j’avoue, c’est un peu étonnant (rires) J’ai aussi deux jardins, je fais du sport, j’ai une vie de famille… En fait, j’ai des périodes. Ingrid, ma femme, me disait dernièrement que j’allais sacrifier nos vacances pour un nouvel album. Mais je lui ai assuré que ce ne serait pas le cas. Je lève le pied, j’ai besoin de repos. Je dose mes efforts en fonction des périodes que j’ai. Par exemple, lorsque je dois finir un morceau, je me fixe pour objectif d’y arriver, même si je dois terminer à 3 ou 5 heures du matin. Et même si je dois me lever à 6 heures ! Je presse les vinyles, planté devant ma machine comme un zombie. Au conservatoire, j’explique mes cours en mode automatique, et puis, je bois des litres de café. Et ensuite, je vais faire une bonne nuit de 13 heures en week-end, et je récupère. Je fais du sport, cela m’entretient beaucoup. Mais comme je suis tout le temps en train de profiter de la moindre occasion pour avancer, et que je n’arrête jamais cette logique-là, j’arrive finalement à avancer sur plusieurs projets en même temps dans le courant de l’année. Ainsi que je le disais à mon épouse, si je n’avais pas de vie de famille, je pense que j’en serais à deux ou trois sorties d’albums par an !

La vie de famille te canalise un peu, alors ?
Oui, certainement. Et tant mieux, car je serais probablement fauché, au RSA, je n’aurais pas gardé de boulot stable. Je serais en mode mono maniaque sur la musique, devant mon ordinateur, le dos voûté… (sourire) Mais, je crois que je me respecte trop pour me laisser aller comme ça. J’aime trop la vie de famille, avoir une activité physique, les soirées avec les copains, pour me transformer en geek ! Je ne suis pas un fou, non plus. Mais, c’est vrai qu’on peut se demander, vu de l’extérieur, si je dors ou pas. Même si cela ne se voit pas beaucoup, j’ai ralenti un peu ces derniers-temps. Je ne peux pas te dire combien de nuits blanches je fais à l’année… Je ne dors vraiment pas beaucoup. Cinq heures de sommeil me suffisent. J’ai eu des périodes comme ça où cela durait pendant des semaines. Mais après, j’en pâti. Avant, je ne le sentais pas beaucoup. Le week-end où j’ai rencontré ma femme, entre les dates de concert et les fêtes avec les copains qui ont précédés, je n’ai dormi que cinq ou six heures en quatre jours. J’étais en forme, tout excité de la voir. J’avais 34 ans et je dormais seulement quand j’en avais envie. C’était l’époque où je n’étais pas papa et j’avais un boulot pas trop physique. Maintenant, j’accumule trop d’activités, trop de fatigue pour pouvoir le refaire. Je vieillis… Mais avec « In Motion », il y a quand même eu quelques nuits blanches, car j’ai plein de choses à faire en journée. Ma femme gère ça merveilleusement bien. Elle me laisse deux ou trois heures en journée quand elle sait que j’ai besoin de travailler. Mais je n’en abuse pas. 


Cet album n’a qu’un défaut : il est trop court ! Cependant, il est très dense. Tu as dit récemment que tu étais déjà en train de composer le deuxième. Peux-tu nous en parler un peu ? Sera-t-il toujours axé sur tes expériences personnelles et vas-tu travailler avec la même équipe ?
Non, je ne pense pas que ce sera ni introspectif, ni chronologique. Ce n’est pas parti comme ça. Ce sera à priori la même équipe car je leur ai proposé, et ils étaient très chauds. Mais au niveau des invités, ce ne sera pas les mêmes, à part peut-être un ou deux. C’est toujours un plaisir de travailler avec Matthieu ou Gérald. Je ne sais pas combien il y aura d’invités. Peut-être plus, peut-être moins. Et j’aimerais bien bosser avec un chanteur sur un ou deux morceaux. J’aimerais réintroduire un peu plus de chant mais le problème, c’est que quand il y a du chant, en live, tu te retrouves comme un con, si ce n’est pas toi qui chantes ! Même si ça peut se faire. Par exemple, CARPENTER BRUT a quelques morceaux où les chants sont sur des bandes. Mais je ne vends pas la même chose, je ne suis pas un artiste électro… J’aimerais avoir un ou deux invités. Je connais pas mal de chanteurs et de chanteuses, mais je ne vais pas m’avancer pour l’instant. Il faut d’abord que l’album sorte, que j’y vois plus clair pour le nouveau TREPALIUM aussi. Je commence juste à conceptualiser des thèmes, qui ne sont pas encore riffés, ni maquettés. Je vais essayer de prendre mon temps pour ce deuxième, pour bien m’imprégner d’abord de ce que ce premier album signifie vraiment pour moi. Même si j’ai une idée très claire du menu que je propose. Mais je souhaite laisser le temps faire son œuvre, le laisser mûrir. Afin de voir avec plus de recul ce que j’ai fait, ce que ça véhicule, la manière dont il a été perçu. Et cela va plus me canaliser pour le prochain. De façon à ne pas me retrouver coincé dans un truc, alors que je risquerais d’avoir une autre vision dans six mois. Tu n’es pas tout seul. Ton avis, tu le construis avec ton environnement, avec ce que les gens te renvoient. Si tu te fais chier à l’enregistrer, au-delà de l’objet en lui-même, c’est pour un partage. La vraie misanthropie, ça n’existe pas. Si en plus tu fais des concerts, c’est bien que tu es dans le partage ! (rires)

L’artwork est absolument sublime. On y voit une photo de toi, dédoublée en arrière-plan, avec des mouvements qui ressemblent à des vagues d’inspiration jaillissant de ton esprit. Comment perçois-tu cette pochette ? Que signifie-t-elle pour toi ?
Gilles Estines, l’artiste qui l’a créé, est un ami avec qui j’ai déjà bossé. Et comme moi, il adore l’art africain, les trucs un peu afro-futuristes. En discutant pour le projet, on est passés par plusieurs idées. Et il s’est arrêté sur une que je partageais aussi, mais c’est lui qui l’a verbalisée. Comme c’est un album solo, il a voulu partir sur mon portrait. Il m’a juste demandé de faire la photo. Je l’ai prise à l’aide du portable de ma femme, dans la salle de bain, en galérant avec la lumière de l’abat-jour pour avoir une photo à peu près correcte. J’étais crevé et j’ai dû faire au moins 30 photos pour avoir une gueule pas trop fatiguée, et je ne voulais pas attendre de faire une bonne nuit pour pouvoir lui envoyer (rires). Celle-ci lui convenait, la qualité était bonne. Je connais bien son travail, je le suis depuis des années. Et quand il m’a envoyé sa proposition, avec les calques et le visage légèrement dédoublé, c’était exactement ce qui tu as dit. Ce sont les idées, les émotions, les volutes qui sortent de ma tête. Ce n’est pas explicite, mais c’est l’idée qu’il y a derrière. Esthétiquement, cela correspondait à son style, et on restait dans le thème. Ma femme a trouvé l’ensemble super joli. Gilles l’a ensuite affiné, il a rajouté un petit logo avec mes initiales. Quand tu retournes le petit bonhomme, tu peux constater que ce sont les lettres HD. J’avoue que là-dessus, je n’avais pas tilté, je trouvais ce petit bonhomme très cool, stylisé de façon moderne, incrusté un peu partout. Et c’est ma sœur, lorsque je lui ai donné le CD, donc longtemps après, qui a constaté qu’il s’agissait de mes initiales ! (rires) Comme nous n’en avions pas discuté avec Gilles, je me suis trouvé très con ! (rires)

Tu en parlais tout à l’heure. Ce projet pourrait-il prendre vie sur scène ? Envisages-tu de faire quelques concerts pour le soutenir en live ?
Alors, clairement, c’est un souhait ! J’ai vraiment envie de faire découvrir cet album. Personnellement, je ne le trouve pas trop court, mais il est vrai qu’il ne fait pas 50 minutes non plus. Et qui plus est, tous les morceaux ne vont pas se prêter parfaitement à l’exercice du live. Il me faudra les réarranger, certains seront rallongés. C’est aussi pour cela que j’ai un peu pressé l’écriture du deuxième album, pour avoir quelques morceaux supplémentaires sous la main, un peu plus de matière, dans une projection de live. Je ne veux pas me retrouver comme certains artistes qui se font connaitre sur Instagram, et qui n’ont qu’un seul morceau pour partir en tournée (rires). Donc, là, j’anticipe un peu le truc. Initialement, j’avais prévu d’essayer de caler une résidence cet été où j’aurais fait venir Morgan et Shob sur un de leurs moments libres, ainsi qu’un second guitariste pour compléter le line-up. J’ai demandé à Aldrick Guadagnino, qui a récemment dépanné GOJIRA, et il était partant aussi. Mais, en fonction des disponibilités d’Aldrick,  j’ai aussi demandé à un autre pote, Tony Sauvion, qui nous avait filé un coup de main pour STEP IN FLUID. Je ne sais pas si tout le monde sera disponible, mais quoiqu’il en soit, Morgan et Shob sont chauds pour le faire. Même si, particulièrement avec le planning chargé de Morgan, ce n’est pas gagné. A partir du moment où c’est rémunéré et bien planifié, il est partant. A l’heure actuelle, je n’ai pas le budget sous la main. J’ai un clip en cours de réalisation, encore quelques frais, et toute la sortie à préparer. Et je n’ai pas le temps non plus. Donc, même si j’avais prévu des trucs pour cet été, cela ne s’y prête pas. Je voudrais déjà que l’album sorte dans de bonnes conditions et qu’il y ait des retours suffisants pour motiver des collègues qui travaillent dans le booking. Comme rien ne presse, on peut faire la promo comme prévu jusqu’à fin 2022, et si la mayonnaise ne prend pas bien, ça me laissera encore quelques mois pour trouver un créneau pour qu’on se voit, qu’on répète et qu’on commence à réfléchir sur du live. Et moi, de mon côté, voir avec d’éventuels partenaires pour pouvoir tourner.


« In Motion » est un melting-pot de sons et d’influences diverses. Ce qui pourrait s’avérer casse-gueule se révèle particulièrement savoureux, comme un grand chef qui décide de mettre dans sa recette tout ce qu’il a sous la main, mais qui transforme tout en or grâce à son talent et sa créativité.
Le truc sur lequel je peux m’avancer, c’est que tout est cohérent. Je n’ai pas été coupé de la musique en 25 ans, j’ai toujours été dedans, donc forcément, je me suis construit là-dedans. Ce qu’il se passe aussi, c’est que l’on joue comme on est. Je suis fils d’immigré, né en France, mais mes parents sont Turcs. A la maison, nous parlons en turc et en français. A l’école, c’était la vie à la française, le choc des cultures total, que ce soit politiquement, religieusement ou culturellement. J’ai toujours eu le cul entre deux chaises. Même en terme de relationnel, on m’a fait sentir plus d’une fois que je n’étais pas Français. Ce n’a pas toujours été rose, mais j’ai appris très jeune à faire avec. J’habitais dans une cité où l’on écoutait du rap. J’étais aussi passionné par le classique et le blues, au piano. Et à côté de ça, j’écoutais aussi John Lee Hooker et BB King. J’ai rencontré deux potes qui étaient à fond dans le thrash, qui écoutaient PANTERA, SEPULTURA, MACHINE HEAD et MESHUGGAH… J’ai croisé d’autres potes qui n’écoutaient que de la noise, JESUS LIZZARD ou DON CABALLERO, et des trucs japonais plus obscurs… Je ne suis pas le genre de mec à avoir eu un grand frère qui lui a fait découvrir IRON MAIDEN et METALLICA. Je n’étais pas du tout dans ce schéma-là. Je me suis retrouvé à écouter du grind core Polonais, du classique, à posséder une énorme discothèque de jazz. J’ai côtoyé tous les milieux, je suis un autodidacte et cela a fait que lorsque j’ai commencé TREPALIUM, naturellement et naïvement, j’ai intégré tout cela. J’ai appris seul, à travers les cassettes que j’écoutais, les rencontres que je faisais. Pas d’internet ni de You Tube, à l’époque ! Maintenant, j’ai affiné mes techniques d’écriture, en regardant des vidéos. Et puis, tu trouves tes marques tout seul aussi, avec l’expérience. Encore une fois, je crois vraiment que l’on joue comme on est. Et mon répertoire reflète ma personnalité.  Par exemple, tu prends certains morceaux de STEP IN FLUID, ce sont des trucs africains où il n’y a même pas de guitare. J’ai composé plein de morceaux sur lesquels je ne joue même pas, comme  "Surtension" sur « In Motion ». S’il y a du live, je trouverais bien à rajouter une grosse guitare, ou autre… J’ai écrit des morceaux assez antagonistes tout au long de ma vie, je me suis construit comme ça. C’est peut-être pour cela que lorsque tu écoutes l’album, tu te dis qu’il y a plein de trucs dedans. Mais c’est le reflet de ma vie, donc il y a une cohérence. Les vrais musiciens écoutent de tout, se nourrissent de tout. Ce sont souvent les moins musiciens qui restent bloqués sur un seul genre. Je trouve ça triste. C’est ce qui fait peut-être ma différence. Vu d’où je viens, cela a donné un côté plus exotique à ma manière de m’exprimer. Je ne me vois pas comme un guitariste, comme un shredder. J’ai commencé par la basse dont j’adore la rondeur, mais je ne la pratique pas. Sur "Under The Sun" et "Born Again", j’utilise la technique du slap sur ma guitare. Au conservatoire, cela m’arrive de faire travailler mes élèves sur du rythme. J’ai une vision de la musique dans sa globalité. Et ça ne changera jamais.
 

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Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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