31 août 2022, 21:24

KING'S X

"Three Sides Of One"

Album : Three Sides Of One

Quatorze. Ou douze "seulement", si l’on se base sur la date de sortie de l’album « Live Love In London ». Voilà le nombre d’années séparant le dernier disque studio du trio paru en 2008, « XV », et cette présente sélection de nouveaux morceaux que nous avons enfin le plaisir de découvrir. Ce qui permet à KING'S X de coiffer au poteau TOOL et son « Fear Inoculum » (sorti en 2019 soit 13 ans après « 10,000 Days ») mais de laisser la couronne à GUNS N' ROSES et « Chinese Democracy », paru en 2008, 15 ans après l’album de reprises « The Sphagetti Incident? ».

Dans le cas du trio qui nous intéresse ici, mais comme beaucoup d’autres malheureusement, ses plans ont été contrecarrés et nous aurions pu nous voir épargner deux ans d’attente supplémentaire sans cette pandémie, le groupe n'ayant pas caché que l'album était prêt mais qu'il attendait de pouvoir le promouvoir décemment sur scène pour le faire paraître. Disons-nous afin de nous consoler que rendus à ce nombre d’années d’intervalle, nous n’étions plus à ça près, presque résignés depuis quelque temps déjà d’ailleurs à l’idée que KING'S X ne sortirait plus rien de neuf, se contentant de projets musicaux parallèles et de faire vivre l’héritage sur scène en passant éventuellement de temps en temps par le Vieux Continent. Manque de pot, c’est l’inverse qui se produit car le groupe a récemment annulé une nouvelle fois sa venue en Europe, en raison de problèmes médicaux pour le guitariste/chanteur Ty Tabor. A l’instar de Roger Gicquel dans le célèbre sketch du regretté Coluche, si le mauvais sort s’est acharné sur un groupe et pas un autre, c’est bien sur KING'S X et nul autre. On évoquera, entre autres afflictions mais sans tout lister, celles du batteur/chanteur Jerry Gaskill qui s’est miraculeusement remis de plusieurs infarctus sévères, survenus qui plus est à la suite de la destruction de sa maison, emportée par l’ouragan Katrina en 2005. Alors célébrons comme il se doit la parution preque inespérée de « Three Sides Of One », treizième de sa lignée.

Bien sûr, la question que l’on se posera tous avant d’appuyer sur la touche lecture ou de poser le bras de l’électrophone sur le vinyle est : l’attente en valait-elle la peine ? A cela, nous ferons une réponse dit de Normand : oui... et non. L’album s’ouvre sur une nappe d’orgue que n’aurait pas reniée le GHOST période « Opus Eponymous » avant qu’un éclat de guitare illumine subrepticement l’endroit. Un grand « ouf ! » de soulagement donc. Premier single, "Let It Rain" est donc la composition que KING'S X a choisie afin de se rappeler à nos bons souvenirs musicaux. Bien que le trio ait su par le passé proposer différentes ambiances et sentiments dans ses albums, nous sommes ici du côté obscur d’une palette diversifiée. Suit "Flood Pt. 1", une chanson brutale qui nous laisse découvrir un Doug Pinnick pour le moins désabusé, avisé du haut de ses 72 ans et qui déclare dans la biographie accompagnant la version promotion de l’album : « J’avais pour habitude de dire que nous n’avions besoin que d’amour [Ndr : la référence à la chanson des BEATLES, "All You Need Is Love", influence vocale majeure du groupe, est ici évidente] mais je pense désormais qu’il faudrait un déluge. » Sous-entendu, faire un reset radical au niveau planétaire. En parlant des BEATLES, les accointances sonores avec les Fab Four sont prégnantes à l’écoute de "Holidays", aux chœurs savamment travaillés. Pour les aficionados de la première heure, il sera impossible de nier les réminiscences de l’album « Dogman » (1994) que l’on entend sur "Nothing But The Truth", nantie d’un superbe solo intervenant au milieu du titre après un break qui aurait pu annoncer simplement la fin de la chanson. Les "anciens" toujours sauront retrouver les influences cachées sur "Swipe Up", du KING'S X pur jus. Prenant le micro à son tour sur "All God’s Children", le guitariste Ty Tabor propose un morceau qui n’aurait pas dépareillé sur un de ses albums en solo, même si son style n’est finalement pas si éloigné que cela de ce qu’il propose avec KING'S X. Même constat sur la moins convaincante "Festival", une chanson plutôt dispensable lorsque s’achèvera « Three Sides Of One » et qu’il sera l’heure de faire le bilan. 

Nouveau changement de chanteur sur "Take The Time", le batteur Jerry Gaskill venant au micro avec beaucoup de retenue et d’émotion. On repensera alors à "Julie", titre en hommage à sa femme qui se trouve sur « XV ». Cette nouvelle composition, délicate au possible, est parée de belles nappes de cordes, en faisant de facto l’un des meilleurs titres du disque. Le batteur n’est pas adepte des saillies vocales et on ne le retrouve pas sur les chansons les plus hard de leur répertoire. C’est sans doute pour cela qu’il continue à donner de la voix sur la douce "She Called Me Home", un titre très personnel qui fait écho à la période de malheurs qui est évoquée en préambule. En conclusion, les fans acharnés de KING'S X (y en a-t-il qui ne le sont pas d’ailleurs ?) seront on ne peut plus contents de pouvoir écouter un nouveau disque du groupe, enregistré en 2019 aux studios Black Sound situés à Pasadena en Californie en compagnie du producteur Michael Parnin. Celui-ci a concocté un son qui rend justice au groupe, et quand bien même les morceaux sont très différents les uns des autres, ils ne souffrent pas de dissonance dans leur écoute globale. Tel est le fruit d’une bonne collaboration avec un producteur attentif et avisé et, surtout, lorsqu’il s’agit de musiciens qui se connaissent très bien. On aurait pourtant apprécié, après tant d’attente et si peu de temps dans la carrière restante du groupe, à de bonnes grosses pépites émotionnelles tirées de « Out Of The Silent Planet », « Faith Hope Love » ou même « XV », vous savez comme celles qu’on trouve dans la Cookie Dough™ de Ben & Jerry’s. Tant pis pour les gourmands qui resteront sur leur faim. Le plus gros bémol qu'on notera est une diversification trop extrême dans l’ambiance des titres, chacun des musiciens ayant composé des morceaux qui siéent à sa propre personnalité plus qu’au groupe en tant qu’entité. 

Il vous sera d’ailleurs nécessaire d’effectuer plusieurs écoutes de « Three Sides Of One » avant de rentrer totalement dedans et il dévoilera au fil du temps des nuances que l’on ne peut entendre de prime abord. L’âge y étant sûrement pour beaucoup, le côté enjoué et groove de KING'S X est donc mis de côté pour ce qui sera sans doute leur chant du cygne, à moins que l’on n’ait pas à attendre quatorze ans de plus pour un dernier disque. Et si « Three Sides Of One » ne se classera pas en tant que classique de sa discographie (cf. les cinq premiers albums), il n’empêche qu’il est en 2022 un témoignage parlant et organique de ce qu’est KING'S X humainement et artistiquement parlant après 35 ans de carrière en studio et plus de tribulations que nombre d’entre nous aurait pu endurer.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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