17 novembre 2022, 18:14

DISTURBED

Interview Dan Donegan


A l’occasion de la sortie ce 18 novembre de « Divisive », le 8e et nouvel album de DISTURBED, HARD FORCE s'est entretenu avec le guitariste Dan Donegan. L’opportunité de découvrir un artiste de talent qui a autant à dire que le frontman charismatique du groupe, David Draiman. Un entretien unique où il est question d’énergie thérapeutique...
 

Merci Dan de nous accorder ce moment, c’est un plaisir de retrouver DISTURBED après deux ans et demi sans nouvelles. Il s’est écoulé quatre ans depuis « Evolution » et le moins que l’on puisse dire, c'est qu’il s’en est passé des choses depuis. Le monde entier a été "disturbed" par la pandémie, qu'en a-t-il été pour toi et le reste du groupe ?
Oh, ça a été des moments de folie pour chacun d’entre nous, c’est clair. En 2020, nous étions en pleine célébration des 20 ans de notre premier album, « The Sickness », et ironiquement "the sickness" (la maladie) nous est tombée littéralement dessus et a flanqué la pagaille dans le monde entier. Nous nous sommes tous retrouvés coincés chez nous, l’industrie de la musique en a été fortement impactée. Nous étions déstabilisés, ne sachant pas comment les choses allaient évoluer. La musique a ce côté thérapeutique pour nous et là, nous ne pouvions plus ni en jouer, ni en vivre. Tu sais, toute personne de par le monde s’est retrouvée avec ses propres batailles à mener pour tenir le coup, entre vie de famille et travail chamboulés. Pour le groupe, nous vivons dans des Etats différents et nous ne pouvions donc pas nous voir. Nous avons composé, chacun dans notre coin, dans l’attente du retour à la normale. Aujourd’hui, cela va mieux, nous avons pu jouer ensemble à nouveau dans plusieurs festivals. Il y a peu, nous sommes passés à Dallas au Texas et nous avons un nouvel album ce 18 novembre. Nous pouvons à nouveau faire des projets, notamment pour 2023.
 

"Peu importe de quel côté tu es, les gens n’ont plus d’ouverture d’esprit, ils clament leurs opinions, un point c’est tout !"


Oui, nous avions vu il y a quelques semaines un David très enjoué qui, justement, annonçait que le nouvel album était terminé. Peux-tu nous en dire plus sur le titre et les thèmes des chansons ?
L’album s’appelle « Divisive » (qui sème la discorde, qui divise), beaucoup de chansons ont un côté thérapeutique pour nous, comme je te le disais. Nous aimons écrire sur des choses qui nous parlent, qui ont un sens pour nous. Et heureusement, nous avons un public qui se reconnaît dans les sujets abordés. "Hey You" a été le premier single extrait de l’album, et c’est symboliquement "nous" en train de revenir aux affaires et montrant comme nous sommes excités de jouer à nouveau. DISTURBED, le retour. Et nous avions des choses à défendre. Aujourd’hui, nous sentons combien tout le monde est en mode agressif, amis, famille, réseaux sociaux ou inconnus. On ressent tellement de haine, il n’y a plus de réflexion ou de débat. Peu importe de quel côté tu es, les gens n’ont plus d’ouverture d’esprit, ils clament leurs opinions, un point c’est tout. Nous n’acceptons plus les désaccords. Le monde est devenu un endroit bien triste. Nous devrions peut-être faire un pas en arrière et respirer un grand coup pour retrouver une ambiance cool. Il y a également des chansons comme "Unstoppable" qui sont là pour te motiver, pour te donner la force de combattre les difficultés que tu rencontres. Dans chacun de nos albums, tu trouves ce type de chanson.

Il y a aussi "Don’t Tell Me" qui est une collaboration avec Ann Wilson, la chanteuse de HEART qui est venue chanter avec David. C’est en quelque sorte une power-ballad. Nous étions à la base en train de travailler sur autre chose du même type, mais ça ne menait nulle part, ce n’était pas assez puissant et créatif. Un jour où j’étais en train de travailler avec notre producteur, Drew Fulk, nous nous sommes dit : « Essayons de créer quelque chose de nouveau », et nous avons rebondi sur un autre morceau. Musicalement, ça sonnait mieux et quand David est entré dans le studio, nous lui avons joué la musique. Il a immédiatement trouvé la mélodie adéquate, il est extrêmement créatif, ça a donné un morceau qui nous convenait beaucoup plus. Nous avons pensé que ce serait parfait pour une chanson en duo, chose que nous n’avions jamais faite auparavant. Etant de grands fans d’Ann Wilson, nous avons songé à elle, elle est sans doute l'une des meilleures chanteuses qui soient. David, qui avait déjà échangé avec elle au travers des réseaux sociaux, l’a contactée. Elle a répondu par l’affirmative, nous nous sommes rencontrés en studio et cela s’est fait. Elle est tellement professionnelle, elle a suivi le schéma du morceau, mais a aussi apporté de l’improvisation. L’harmonisation qui s’est faite avec David a quelque chose de réellement spécial. Il y avait David, Ann, notre producteur et moi dans la pièce, et je me suis dit : « Ouah, je suis témoin de quelque chose d’unique ! ». Un des moments les plus cool de notre carrière.

Tout cela donne en effet très envie. Peut-on dire que le contexte des deux dernières années vous a donné beaucoup de matière pour composer les nouvelles chansons ?
Oui, c’est certain. Depuis aussi longtemps que nous sommes ensemble, David et moi nous connaissons depuis 1996, il y a toujours eu des événements dans le monde qui nous ont interpellés et qui nous ont donné envie d'en parler dans nos morceaux. Des histoires de guerres, de fin de relations difficiles, des choses personnelles. Moi, par exemple, si on reprend le titre "Don’t Tell Me", c’est très personnel pour moi au niveau des paroles. Dans la traversée de la pandémie, mon couple n’a pas résisté et nous avons divorcé. Nous avons été mariés longtemps, c’était une relation forte, mais nous n’avons pas résisté à la pandémie, nous sommes arrivés en bout de course. J’aime toujours cette femme, elle demeure une personne importante pour moi ; c'est la mère de mes enfants, nous avons tellement d’histoire en commun, c’est dur de la laisser partir, même si nous savons que nous le devons. Donc oui, cette chanson a un écho particulièrement personnel pour moi. Il y a eu d’autres événements marquants, le confinement pendant la pandémie, des bouleversements politiques, des divisions entre les hommes dans les médias sociaux, cela nous a donné beaucoup de points de départ pour des chansons. Nous nous exprimons à travers elles quand le besoin se fait ressentir, car c’est thérapeutique. Nous apportons tous les quatre une part de nous-mêmes, et sans forcer quiconque, nous laissons à l’auditeur la liberté de se faire son interprétation personnelle. Prends dans notre musique ce dont tu as besoin et si tu n'y trouves rien, eh bien prends une autre chanson. (rires)

Je suis désolé d’apprendre cette séparation...
Merci. Tu sais, nous sommes toujours très attachés l’un à l’autre, en tant qu’amis. Nous avons été mariés 18 ans. Il y avait un attachement solide, c’est une super personne et une maman formidable, mais la pandémie n’a pas aidé dans notre cas. Partout dans le monde, chacun a dû affronter et surmonter des moments personnels de crises, la vie de tout un chacun a été secouée et soumise à des tensions, avec des effets terribles, l’alcoolisme, la dépression, le suicide, la promiscuité avec le regroupement de tous, adultes et enfants, à la maison pour le travail et l’école. Tellement de causes et de conséquences qui nous ont affectés. Le divorce en est une. Me concernant, privé des tournées, de vivre pour la musique, ça a été difficile car je ne savais plus quoi faire de moi-même. J’étais de longues heures assis à ne pas savoir quoi faire, perdu. Mais nous voilà de retour, nous avons joué cet été dans plusieurs festivals et doucement, tout revient à la normale.

As-tu mis par moment dans l’écriture les émotions que tu as personnellement ressenties ? Un titre parle-t-il spécialement pour toi ?
Non, pas spécialement dans un titre. Les paroles sont l’affaire de David, et la musique suit la façon dont il s’exprime. Beaucoup de feeling en revanche est exprimé à travers la musique et l’inspire, lui. Paroles et musiques sont créés rapidement, il y a donc un chalenge pour que l’un suive l’autre. David écrit très rapidement, il improvise et trouve le juste équilibre pour se caler sur la mélodie, cherchant le mot juste qui colle. C’est un exercice de jonglage permanent pour que tout se marie parfaitement, l’accroche et la mélodie, en suivant les feelings de chacun, et la majeure partie du temps ça fonctionne. (rires) Nous sommes de toute façon très en phase dans notre approche de la composition. Cela explique peut-être aussi que notre musique trouve un écho solide chez nos fans, car tous y trouvent toujours un mot ou un riff qui leur parle. Chacun peut se connecter aisément à un titre de DISTURBED.

En t’écoutant parler des thèmes durs abordés, de la pandémie, on a l’impression que « Divisive », est un album beaucoup plus lourd que « Evolution », non ?
C'est certain. « Evolution » était une chouette orientation, nous voulions faire quelque chose de différent, c’était un challenge. Descendre une nouvelle avenue et faire des choix différents, avoir une connexion avec nos fans avec des sons plus acoustiques. Pour « Divisive », après ces années blanches, il y avait un besoin de redevenir plus heavy, une envie de marquer le coup et de toucher aux premières heures de DISTURBED, tels « The Sickness » ou « Ten Thousand Fists ». Sur la majeure partie de l’album, nous reprenons la direction des riffs lourds, d’une batterie nerveuse, et David retrouve sa voix "animalistique" si célèbre. De retour sur tous les fronts !

Tu annonces donc un retour aux premières heures de DISTURBED ?
Oui. Ce son, nous ne nous en sommes pas lassés. Tu sais, j’aime jouer nos vieilles chansons, que d’ailleurs personnellement je ne finis jamais par trouver vieilles, contrairement à ce que pensent certaines personnes. En les jouant live, en voyant la réaction des spectateurs, ça donne aux titres une nouvelle vie, ça n’a rien à voir avec l’enregistrement ou les répétitions en studio. Sur scène, c’est complétement différent, on entend le grondement de la foule, la voix de David, les retours de son, on ressent une montée d’adrénaline.

Nous évoquons les nouveaux et anciens morceaux, as-tu déjà une idée de set-list idéale pour les réunir ? Quels nouvelles chansons pourraient être choisies ?
C’est difficile, ce sont des choix très personnels. Toutefois, je pense que les fans aimeront entendre la chanson-titre "Divisive". C’est celle qui contient le riff préféré de David, il l’adore. Ce n’est pas ma préférée, mais lui l’adore vraiment (rires). C’est une grande chanson. En studio, pendant qu’on s’exerçait sur notre créativité, j’ai beaucoup aimé composer "Bad Man", le second titre sur l’album. Il est sorti de nulle part, sur un rythme de batterie, je me suis laissé emporter et j’ai composé ce riff bien lourd. C’était fun. Je n’ai pas pour habitude de choisir un titre favori sur un album, mais je suis très satisfait de ce riff, de ce groove cool, c’est définitivement le morceau que je préfère.

Tu as mentionné un titre, qui est sorti en single, "Unstoppable". Tu annonçais que chaque album contenait des chansons récurrentes en termes d’énergie. Peut-on considérer "Unstoppable" comme un morceau Leitmotiv de DISTURBED ?
Tu vois, si on a choisi de mettre un tel morceau dans l’album, c’est une "gratification instinctive", j’ignore si par chez vous vous utilisez ce terme ; c’est un morceau type qui donne aux fans un condensé du son de DISTURBED actuel. Tu as pu l’écouter ? Il est top, n’est-ce pas ? Il est bien lourd, avec une rythmique rapide, il t’apporte de l’énergie jusqu’à devenir inarrêtable, comme le titre le clame.

"J’ai toujours adoré les groupes qui ont une identité propre et reconnaissable. David est à DISTURBED ce que Serj Tankian est à SYSTEM OF A DOWN !"


Concernant la longévité de DISTURBED, comment après près de 3 décennies analyses-tu le groupe aujourd’hui ? Quels sont les changements majeurs et qu’est-ce qui est resté inchangé ?
Ce qui demeure inchangé ? Il y a toujours cette signature du groupe, David a toujours cette voix immédiatement identifiable et les fans peuvent en quelques secondes reconnaître les riffs. J’ai toujours adoré les groupes qui ont une identité propre et reconnaissable. David est à DISTURBED ce que Serj Tankian est à SYSTEM OF A DOWN. Ça nous donne ce côté unique. Côté changements, je mentionnais Drew, qui a apporté sa patte avec de nouvelles technologies, nous avons bien fusionné avec lui, cela a donné un côté cool aux compositions. Il y a eu une alchimie qui s’est créée et qui nous a poussés en avant. Il est très talentueux et il a eu toute notre confiance. Il a un peu "régénéré" DISTURBED avec de nouveaux éléments. Le processus d’écriture a été excitant, nous avons eu une montée d’adrénaline.

Qu’en est-il de la future tournée ? Avez-vous déjà planifié quelque chose ? Vous devinez qu’on vous attend en Europe, en France en particulier...
Nous avons commencé à en discuter. Nous sommes impatients de reprendre la route pour notre propre tournée. Pour l’instant, nous avons joué uniquement dans quelques festivals ici aux Etats-Unis, mais ce n’est pas assez. Nous voulons être complétement de retour, aller à la rencontre des fans. Nous évoquons l’Europe, en 2023 certainement, rien n’est encore défini. Il le faut, c’est clair, nous ne sommes pas venus depuis 2019. Il y a ce nouvel album et, 4 ans après, nous espérons venir le défendre. Avec évidemment aussi les vieux classiques. Nous souhaitons jouer 23 ans de catalogue DISTURBED. Les fans méritent d’être bien servis.

Nous sommes impatients...
Je m’en doute. Nous savons que les fans nous réclament. On va faire en sorte que cela se produise. Je voudrais affirmer notre amour pour nos fans, dans le monde, en Europe et en France, nous avons hâte de vous faire entendre le nouvel album et nous sommes impatients nous aussi de revenir sur scène jouer pour vous. Cet échange entre nous est notre raison d’être, c’est un échange d’énergie pour nous tous.
 

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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