24 janvier 2024, 23:59

ARCHITECTS + SPIRITBOX + LOATHE

@ Paris (Zénith)

Contrairement à la semaine précédente, point de neige, ni de verglas et de températures polaires sur la région parisienne en ce mercredi 24 janvier. Le temps est clément, à notre grand soulagement, et c’est le cœur léger que nous pouvons nous rendre au concert quasi complet d’ARCHITECTS au Zénith de Paris-La Villette. Etonnamment, la circulation est plutôt fluide, à tel point qu’on en vient à se demander s’il n’y a pas anguille sous roche... Il faut avouer que d’ordinaire abonnée aux interminables bouchons du périphérique, je suis partie légèrement plus tôt que lors de mes dernières et récentes séances parisiennes, et c’est probablement ce qui a fait toute la différence.


Me voilà donc arrivée sur place à 16h00 et l’ouverture des portes étant prévue pour 17h30, je rejoins dans la file les quelques acharnés qui ont dû camper devant la salle depuis le matin (ou plus). Avec un léger retard sur l’horaire, nous pouvons enfin pénétrer dans le Zénith et choisir une bonne place près de la scène pour assister à une soirée qui s’annonce mémorable. On en profite pour tailler le bout de gras avec les sympathiques voisins qui viennent, pour certains, de fort loin. Même si la salle n’est pas encore complètement remplie, à 19h00 tapantes, les lumières s’éteignent pour accueillir LOATHE, groupe de metalcore teinté progressif originaire de Liverpool, que nous avions découvert au Hellfest 2023.

Les Britanniques nous avaient fait alors forte impression avec leur musique groovy et leur attitude ultra positive, mais la joie de les revoir a été ternie par des conditions assez déplorables : peu ou pas de lumière, si bien que même du deuxième rang, on n’aperçoit que des silhouettes (je n’ose imaginer ce que les spectateurs placés dans les gradins ont bien pu voir !), son de basse assourdissant à la limite du larsen qui masque les voix et la guitare, problème technique vers la fin du set lors duquel les musiciens perdent de longues minutes sur un temps de jeu déjà fort court (à peine 30 minutes). Difficile pour le groupe de réussir à convaincre dans de telles circonstances. Autant demander à un cul-de-jatte de courir un marathon ! Handicapé par ces problèmes indépendants de leur volonté, LOATHE fait néanmoins le travail pour remporter quelques points, et les spectateurs des premiers rangs les encouragent malgré tout. On sent toutefois les musiciens dépités lorsqu’ils quittent la scène. Puissent-ils se rattraper sur les prochaines dates de la tournée, car cela n’enlève rien au talent du groupe qui a salement joué de malchance ce soir.

Les Canadiens SPIRITBOX sont attendus par une majorité du public et l’ovation que le quatuor rencontre en arrivant sur scène à 19h50 ne trompe pas. Il semblerait que la soirée commence à se réchauffer. Le groupe dispose du même espace que LOATHE, mais profite également du premier écran placé sur la première estrade de la scène d’ARCHITECTS, et le rideau qui masque le fond est donc légèrement relevé, offrant ainsi plus de profondeur et un light-show plus dynamique. La salle est désormais bien garnie, aussi bien en fosse que dans les gradins, et c’est en territoire conquis que la maîtresse des lieux, Courtney LaPlante, va régner pendant 40 minutes. Accompagnée de son mari, le guitariste Mike Stringer, de Josh Gilbert (ex-AS I LAY DYING) à la basse, désormais membre permanant, et de Zev Rosenberg à la batterie, la chanteuse alterne chant clair ultra pop et chant saturé bien brutal, au sein de compositions metalcore à tendance djent ou pop sucrée et mélodique, qui naviguent elles aussi entre deux eaux.

Si le mixage, une nouvelle fois, n’était pas saturé par la basse, on pourrait plus pleinement sentir les subtilités présentes de la musique du groupe. Cela dit, sa prestation est carrée et la frontwoman investit la scène de long en large, profitant souvent de la petite avancée aménagée dans la fosse pour se rapprocher des spectateurs, en se trémoussant dans sa seyante mini-jupe. La set-list évolue entre coups de boule ("Cellar Door", "Angel Eyes", Hurt You", "Holly Roller"), et pauses douceurs ("Jaded", "The Void", "Circle With Me") et, cerise sur le gâteau, on voit Sam Carter, le chanteur d’ARCHITECTS, débouler sur scène pour un duo intense sur "Yellowjacket" qui réveille la foule et provoque les premiers gros remous dans la fosse. On notera d’ailleurs que l’on entend bien mieux ce dernier que Courtney LaPlante dont la voix est toujours noyée sous les instruments, malgré sa puissance vocale. Les trois musiciens sont impeccables et la prestation de SPIRITBOX est fortement appréciée par une grande majorité du public. Pour ma part, même si elles sont parfaitement exécutées, les chansons un peu froides du groupe ne m’atteignent pas vraiment. Il manque un truc, ce je-ne-sais-quoi qui allume une flamme dans le cœur. Peut-être un petit supplément d’âme qui ferait pencher la balance du bon côté.


Avant que n’arrive ARCHITECTS, on voit venir sur scène Paul Watson de Sea Shepherd, accompagné d’une traductrice. Invité par Sam Carter, fervent défenseur de la cause animale et de l’écologie, le capitaine nous fait un discours émouvant sur la défense des océans, et notamment la protection des dauphins et reçoit en retour une belle ovation. Dernier changement de plateau, et le rideau qui masquait le décor est enfin ôté. On découvre une scène faite de deux imposantes estrades superposées, flanquée de deux escaliers de chaque côté. Les panneaux qui forment le fond des estrades se révèlent être des écrans géants, si bien que l’on se retrouve immergé dans les animations visuelles de toute beauté qui animent le concert, un peu comme ont pu le proposer BRING ME THE HORIZON et NIGHTWISH sur leurs précédentes tournées. La batterie et les claviers se trouvent sur la première marche, tandis que les guitaristes, le bassiste et le chanteur peuvent se balader sur les trois niveaux. On attaque très fort avec "Seeing Red", le dernier single en date, ici interprété live en première mondiale, la tournée débutant par Paris. La fosse, déjà bien réchauffée par les deux précédents groupes, ne tarde pas à atteindre son point d’ébullition. Tel un tsunami, on se retrouve projeté d’un coup sur les spectateurs du premier rang et on s’arrime d’une main à la barrière de sécurité afin de stabiliser la houle. La tempête ne faiblira que peu durant les 90 minutes du show, mais la chroniqueuse endurcie est prête à braver tous les périls pour assurer son compte-rendu auprès de ses fidèles lecteurs.


A peine le temps de reprendre son souffle, le groupe nous assène un "Giving Blood" de derrière les fagots, avec, comme chef d’orchestre, Sam Carter monté sur ressorts et débordant d’une énergie positive contagieuse. Contrairement aux premières parties, le son est absolument parfait, dantesque même, et nous offre enfin la possibilité de jouir de tous les instruments et des voix distinctement. Le light-show est somptueux. Chaque morceau possède son tableau et amplifie l’ambiance qui s’en dégage. Le chanteur nous salue avec un grand sourire, de toute évidence ravi d’être là et nous précisera même plus tard au cours de la soirée que lors du dernier passage du groupe dans la capitale, à l’Olympia en 2019, il y avait 2 000 personnes. Ce soir, nous sommes 5 000. Et Sam ne cesse de nous remercier chaleureusement d’être là, de soutenir le groupe et de le faire grandir.
"Deep Fake", "Impermanence", "Death Wish", issu de « All Our Gods Have Abandoned Us » (2016) est joué pour la première fois depuis 2019, puis "Black Lungs" et "Discourse Is Dead" sont autant de déflagrations qu’on se prend en pleine face. L’énergie ne faiblit pas une seconde et le public chante toutes les paroles, ce qui réjouit au plus haut point le frontman. Si les trois derniers albums sont les plus représentés, les musiciens piochent toutefois dans leur back-catalogue pour contenter les fans de tous horizons ("Hereafter", "Gravedigger", "These Colors Don’t Run", "Nihilist").


"Dead Butterflies" arrive comme une respiration après ce déferlement de violence, accompagné des premiers confettis largués par les canons. En forme de pétales géants, ils volètent sur nous tels des papillons (morts ?), tandis que les écrans diffusent des images de gouttes rouge sang qui s’élèvent dans les airs. Un effet saisissant d’une beauté aussi poétique que morbide.
Vient ensuite l’un des moments les plus remuants du concert avec le génial "Little Wonder", morceau dansant par excellence, qui voit le public se mettre à sauter comme un seul homme, dans une folie furieuse et joyeuse. Emotion à fleur de peau pour Sam Carter qui explique à quel point le soutien et la ferveur du public ont été importants dans ce moment charnière que le groupe a vécu lors du décès de Tom Searle en 2016 (guitariste et cofondateur du groupe avec Dan, son frère jumeau et batteur). « Sans vous, ARCHITECTS n’existerait plus ! » dit le frontman la gorge nouée, puis il dédicace la magnifique "Doomsday" à Tom. Est-il utile de préciser que cette chanson a été le point d’orgue et le moment le plus bouleversant de cette superbe soirée ? Vivre une telle communion entre artistes et public procure toujours une sensation de connexion intime et irréelle, un sentiment de complétude magique.


Toujours extrait de « Holy Hell » (2018), "Royal Beggars" file aussi la chair de poule grâce à l’interprétation intense du groupe. Car, si Sam Carter est impeccable vocalement, on peut en dire de même des musiciens qui l’accompagnent, tant les membres permanents, Dan Searle (batterie), Alex "Ali" Dean (basse) et Adam Christianson (guitare) que les musiciens de tournée, Martyn Evans (guitare) et Ryan Burnett (guitare, claviers), qui fait un travail formidable sur les chœurs également. Place ensuite au plus vieux morceau de la set-list, "These Colours Don’t Run" issu de l’album « Daybreaker » (2012) qui réjouit les plus anciens fans.

Et pour rester sur la même ambiance survoltée, la fin du set enchaîne une série de baffes monumentales : "A New Moral Low Ground" et "Meteor", formidablement puissants, et "When We Were Young", épique, sur lequel la foule donne de la voix. Le groupe sort de scène sous les acclamations du public qui en redemande, évidemment.
ARCHITECTS ne se fait pas prier trop longtemps pour revenir quelques minutes plus tard, avec un Sam Carter qui a échangé son maillot Adidas pour celui de l’équipe de France de football (en effet, le chanteur arbore sur cette tournée le maillot de l’équipe nationale du pays visité), mais il n’oublie pas de nous préciser, en bon supporter britannique et un brin railleur, qu’il préfère bien évidemment son équipe et ses joueurs, qu’il trouve largement meilleurs aux nôtres.


Le final est époustouflant avec l’incontournable "Nihilist" et le génial "Animal", sur lequel les spectateurs jettent leurs dernières forces, arrosés par une pluie de serpentins. Ovationnés à tout rompre, les musiciens, qui ne manquent pas de nous remercier chaleureusement une fois de plus, sortent de scène avec un sourire qui ne trompe pas. Lorsque la pression contre la barrière se relâche, je peux reprendre possession de ma main écrabouillée, certes, mais en un seul morceau...
La tornade ARCHITECTS est passée sur le Zénith de Paris ce soir, et si l’on se sent vermoulu, c’est toutefois avec le même grand sourire de bienheureux et le cœur gonflé de joie que l’on reprend le chemin de la maison...


Photos © Axelle Quétier - Portfolio

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
Ses autres publications

1 commentaire

User
VICTOR BINET
le 11 févr. 2024 à 07:59
Incroyable ! Tes mots nous transportent tel un pogo ?
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