22 mai 2024, 16:06

Kerry King

"From Hell I Rise"

Album : From Hell I Rise

Qui n’a pas fait de l’humour cette semaine en criant : « Le nouveau SLAYER est là » ? En effet, Kerry King, jeune retraité du groupe californien, ayant refusé de jeter la gratte, revient avec un projet solo et un premier album baptisé « From Hell I Rise ».  Il est l’heure de passer à table pour voir, écouter, si un peu de l’âme des saigneurs demeure dans cette offrande. A table les amis !

L’entrée en matière va s’avérer classieuse avec l’instrumental "Diablo". Le maître donne vie à un riff entêtant, pimenté et annonciateur d’agressivité à venir. Paul Bostaph, ex-EXODUS et TESTAMENT, mais surtout ex-SLAYER dans la dernière chevauchée du groupe, appuie le propos avec une batterie lourde à souhait que n’aurait pas renier le maître Dave Lombardo. Le mariage est parfait. Les purs-sang renâclent dans les boxes. D’un coup, c’est la bousculade sauvage, "Where I Reign" (In Blood ?), les riffs sont violentêtants, la rythmique s’est accélérée sous les coups de sabots de mille étalons furieux, les cordes saignent lors des soli rugissants. Le constat tombe, c’est bien du SLAYER, et Kerry King n’a pas à en avoir honte, car le premier verre servi n’est pas du rouge qui tâche. Kyle Sanders de HELLYEAH colle sa basse parfaitement derrière les fûts qui résonnent, et Phil Demmel de VIO-LENCE, ex-MACHINE HEAD, se révèle parfait avec sa guitare en appui. Le hurleur aussi est merveilleusement trouvé, Mark Osegueda, frontman des illustres DEATH ANGEL, offre des hurlements originaux et bien sentis aux sonorités du King. Suit "Residue", où la batterie ralentit pour appuyer un riff martial, l’ambiance est obsédante, un tantinet moite et putride comme un marais de Floride. Se dirige-t-on vers une Season In The Abyss ? On se le demande avec ces soli qui s’envolent lugubrement et magnifiquement au-dessus du martèlement et du grondement huileux. Mark fait à nouveau un travail remarquable avec ses vocaux extrêmes.

Kerry King n’a pas laissé à sa gratte le temps de prendre une ride, aussi, "Idle Hands" lâche-t-il une charge thrash ultime typique du maestro. J’imagine les oscillations frénétiques de son crâne à barbichette en même temps qu’il s’éclate sur ce morceau. Nous sommes dans une parfaite transition après « Repentless », dernier chapitre de l’aventure de Kerry avec SLAYER. "Trophies Of The  Tyrant" a un groove rythmique un peu plus poussé, proche de DEATH ANGEL, toutefois parfait pour une mort rampante. Une relecture moderne de "Dead Skin Mask" peut-être. En tout cas c’est puissant et cela nous fout de sacrés frissons.
On repart sur un tabassage avec "Crucifixation". Fureur dans les riffs, batterie possédée, chant guerrier qui s’étend jusqu’à l’extinction, nous sommes en terre très connue, sans qu’il y ait lieu de se plaindre tellement ce titre nous offre le confort de pantoufles posées au South Of Heaven. Ou quand la simplicité est juste délicieuse. "Tension", c’est un nouveau mid-tempo des guitares, des fûts qui rebondissent pour une voix qui se confie. Empreinte de connivence, elle nous prend par la main jusqu’à la prochaine chevauchée furieuse qui sera "Every Thing I Hate About You". Chanson explicite, d’emblée, c’est sauvagement fou, plus rien ne contrôle la force de la rythmique ou la vitesse des riffs qui tranchent dans du gras, Mark ne se confie plus, il éructe avec une force démente. Bref et expéditif !

Kerry King et son groupe travaillent "Toxic" au corps avec cœur. Riffs ciselés sur un rythme fracassage de nuques, soli hennissants dans une belle progressivité, c’est classieux. Nous sommes dans la dernière charge du groupe, on continue d’en prendre plein la tronche, tout en sentant une envie de varier le plaisir. Comme dans ce "Two Fists", jouissif à souhait avec des attaques très hardcore, un peu comme si nous étions dans du King Of It All ou Kerry Front. J’adore. "Rage" est plus sage, juste saignant dans les règles de l’art, il ne se lâche que timidement lorsque les guitares reprennent leur respiration.

"Shrapnel" offre à nouveau une introduction si typique, de celles qui épousent merveilleusement les claquements du kit batterie, avant que ne surgissent les riffs qui ragent tel un lion au petit déjeuner. Une belle lourdeur martiale, avec des étirements du tempo assez bien calculés pour que notre plaisir soit aussi dans la contemplation. Encore donc une audacieuse variation. "From Hell I Rise" vient annoncer le tomber de rideau dans un ultime bourrinage, on balance ses dernières forces, Kerry et ses hommes appuient les derniers assauts vocaux de Mark, derniers soli burnés sur basse survitaminée. Ça se termine comme ça a commencé, avec force.

Au-delà d’un classicisme à l’épreuve des balles, Kerry King – le groupe – se livre à quelques audacieuses prises de risques. Pour le reste, l’album a un côté définitif, maîtrise de la fureur thrash, c’est un incontournable g-riffé de main de grand saigneur. Nous attendons tous de découvrir ces morceaux en live, rappelons que Kerry King nous a donné rendez-vous au Hellfest.

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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