16 septembre 2024, 18:00

THE DEAD DAISIES

"Light 'Em Up"

Album : Light 'Em Up

Je t’aime... Un peu... Beaucoup... Passionnément... À la folie... Pas du tout ! C’est peut-être en effeuillant une marguerite et en arrachant son dernier pétale que David Lowy, co-fondateur des DEAD DAISIES, a pris conscience que le groupe s’était quelque peu éloigné du chemin qu’il avait décidé d’emprunter, en 2012... Et que le fun n’était sans doute plus aussi présent qu’il ne le fût. Car si l’association avec Glenn Hugues a permis à la formation australo-américaine d’accoucher de deux albums de grande qualité (« Holy Ground » en 2021 ; « Radiance » l’année suivante), le mode de fonctionnement du groupe semble en avoir été un brin affecté. Impossible, sans doute, de collaborer avec un musicien d’un tel calibre sans en subir les corollaires. Le collectif, cher aux DEAD DAISIES, s’est donc probablement effacé au profit de méthodes de travail plus individuelles. Au point, peut-être, d’avoir pu sembler devoir se mettre au service d’un – énième – projet solo du grand Glenn...

Hugues ayant décidé de rempiler dans les rangs du BLACK COUNTRY COMMUNION et d’honorer, en concert, sa période DEEP PURPLE, les DEAD DAISIES se sont logiquement (re)tournés vers celui qui incarne la voix – et sans doute même la voie – du groupe : John Corabi. S’il n’est pas le chanteur originel des "Marguerites Mortes" (c’est le néo-zélandais Jon Sevens, co-fondateur du groupe avec Lowy, qui officiait sur le premier album éponyme), il a su imposer son style sur les trois disques suivants. Au point d’être clairement identifié comme étant LE chanteur des DAISIES. Le retour de ''Crabby'' réjouit donc les fans... comme celui de Vince Neil avait mis en émoi les aficionados de MÖTLEY CRÜE, il y a bientôt trois décennies de cela. Car même si le turn-over est intrinsèquement lié à la destinée des DEAD DAISIES, qu’il en est presque constitutif (puisque le groupe s’appuie sur des musiciens aguerris dont l’agenda varie, au fil du temps et des projets), il est toujours extrêmement compliqué de remplacer un chanteur... et quel chanteur !

Fatigué par une longue période qui l’avait vu enchaîner les albums et les tournées aux quatre coins du globe à un rythme qu’il jugeait déraisonnable, le natif de Philadelphie avait souhaité passer plus de temps avec sa femme et avec son fils, avec lequel il montait un projet musical. Un retrait des DEAD DAISIES survenu fin 2018, en douceur et sans la moindre animosité avec ses potos. Alors, quand David Lowy lui propose de reprendre du service, cinq ans plus tard, Corabi – désormais bien reposé – est logiquement partant ! Marrant, d’ailleurs, avec le recul, de constater à quel point la carrière de John est en pleine adéquation avec le mode de (dys)fonctionnement des DAISIES. Après THE SCREAM (qu’il a choisi de quitter), MÖTLEY CRÜE (dont il s’est fait éjecter), RATT (où il assurait l’intérim), UNION et ESP (projets plus ou moins éphémères) ou encore les BRIDES OF DESTRUCTION (pour lesquels il jouait uniquement de la guitare rythmique), Corabi ne s’est finalement jamais fixé nulle part. Et au final, ce qui pouvait apparaître comme un fardeau, peut-être même une tare, ou tout du moins une faiblesse, est vraisemblablement ce qui fait toute la force de ''Crabby'' : sa liberté. Car le bonhomme est tellement doué qu’il rebondit. Toujours. Et c’est donc avec un groupe pour qui l’instabilité* fait clairement partie du cahier des charges que Corabi a enregistré le plus d’albums. Ce ne peut pas être le fruit du hasard...

Et pour célébrer ses retrouvailles avec les DAISIES, Doug Aldrich et David Lowy lancent les hostilités avec un riff que n’auraient pas renié les frangins Young... ni même leur neveu ! La section rythmique prend le train en marche et l’on se surprend à déjà taper du pied, tant l’énergie est contagieuse. C’est pile poil à ce moment que la voix de Corabi fait irruption. C’est rauque, brut, puissant, et nous voilà déjà soudés aux rails ! Les « wo oh ooooh », sucrés à souhait, font monter l’intensité d’un cran : nous voilà donc fin prêts à nous faire allumer en bonne et due forme. John nous balance son "Light 'Em Up" en pleine poire et le rouleau compresseur nous écrabouille, sans la moindre pitié, nous faisant ainsi gagner plusieurs tailles d’un seul coup. Bref, comme titre rentre-dedans, on a déjà vu pire. La suite ne va pas plus nous épargner. Quelques notes de blues, une ambiance western le temps de quelques secondes, puis des « Ah haaaaa » qui succèdent au « wo oh ooooh », bientôt supplantés par des « Hé héééééé ». On est pourtant loin des onomatopées façon "Comic Strip" du Grand Serge, John ayant plutôt ici des pointes d’intonations à la Steven. Tyler, bien sûr. Ce ne sera pas le seul mérite de "Times Are Changing", morceau très rythmé, avec son refrain accrocheur et un son monstrueux. Car le retour de ''Crabby'' s’accompagne de celui de Marti Frederiksen derrière les manettes. Et le bougre sait y faire, dans ses studios de Nashville, pour donner toute leur dimension aux DEAD DAISIES ! Moderne dans la forme ; vintage dans le fond... la preuve avec Aldrich, qui nous gratifie d’une belle envolée typée seventies. Tout en feeling.

"I Wanna Be Your Bitch" sera plus dur. Presque punk. Le riff, signé David Lowy, claque terriblement bien. La voix de Corabi se fait insolente, pleine de morgue... au diapason des paroles. Visiblement inspirées par une histoire vécue par le chanteur avec une créature on ne peut plus libidineuse. Sa femme – avec laquelle il a passé ces cinq dernières années, rappelons-le – a du grave kiffer... Nous, oui ! La basse roucoule, le son sature et les guitares explosent par tous les pores (porcs ?). Bref, c’est crade juste comme on aime. La balade en moto qui suit va nous permettre de retrouver nos esprits et de nous reconnecter avec Dame Nature... Car "I'm Gonna Ride" est né des heures que John passe au guidon de ses Harley. Point de "Girls, Girls, Girls" ici pour autant, puisque loin de l’univers des cabarets et de ses strip-teaseuses, le chanteur évoque dans ce morceau un sentiment propre à la communauté des motards/bikers, lorsqu’ils chevauchent leur fidèle destrier, cheveux au vent : la liberté. Tout commence par la basse de Michael Devin... qui bastonne sévère. Couplée aux guitares et à la batterie de Tommy Clufetos, le gros son nous évoque immanquablement AC/DC. C’est puissant, sans fioritures excessives et l‘on sent bien que les musiciens s’éclatent derrière la console. Et Doug de partir dans un solo bien inspiré, avant que la quatre-cordes ne reprenne le dessus. Car c’est bien la section rythmique qui est à l’honneur sur ce morceau. Carton assuré en live...

"Back To Zero" est probablement moins fédérateur, mais tout aussi bon. Car tandis que la plupart des morceaux sont d’inspiration seventies mis à la sauce 2024 (pour faire vite...), ce titre de metal plus moderne est, lui, mis à la sauce 90s ! Mélange des genres étonnant qui voit se côtoyer ALICE IN CHAINS et LED ZEPPELIN, avec ses parties dissonantes et inquiétantes, presque torturées. Le son est lourd et l’ensemble n’est d’ailleurs pas sans rappeler le « Mötley Crüe » de 1994. Période Corabi, donc. Et puis, au beau milieu du chaos, il y a la guitare de Doug Aldrich. Fragile mais déterminée, la six-cordes se fraye un chemin dans cette atmosphère malsaine, comme une lumière qui nous guiderait vers la sortie... Ce ne sera pas la seule réussite de l’album. "Take A Long Line" démarre par une basse aussi virevoltante qu’implacable. Les guitares dégainent dans la foulée et décochent leur tir. Corabi suit le rythme et égraine les paroles en haut débit. Puis vient le refrain, sucré comme il se doit : on est sous le charme. La basse et la guitare réarment, de concert, et John pousse tellement sa voix rocailleuse qu’on a l’impression que Steven Tyler s’est miraculeusement remis de ses problèmes de cordes vocales et est venu donner un coup de main aux DAISIES. Il y a d’ailleurs plus d’AEROSMITH qu’on ne le pense dans ce morceau, car le chanteur s’est amusé à – plus ou moins – faire coller les lignes de "Let The Music Do The Talking" à la mélodie. Mais on retrouve surtout THE ANGELS, puisque c’est une cover du groupe australien... dont Lowy a fait partie ! Tout du moins l’une des émanations du groupe originel, avec Doc Neeson, son leader charismatique. Excellente idée que de remettre ce titre du cru 1978 tiré du mythique album "Face To Face" au goût du jour.

« Light 'Em Up » poursuit sa route avec "Way Back Home" et "My Way And The Highway", efficaces et percutants, bourrés de testostérone, sans être pour autant les plus mémorables des dix titres. Il en va autrement de "Love That'll Never Be", la ballade de l’album. Composé par Corabi, enrichie par les apports d’Aldrich et de Marti Frederiksen, véritable sixième membre du groupe, le morceau donne plus de profondeur à l’album. Il permet, aussi, d’accéder à toutes les nuances de la voix. Et c’eut été dommage de ne pas les mettre sur le devant de la scène, car il y a une vraie personnalité, une singularité dans ce timbre. Quelque chose qui l’identifie immédiatement et le rend unique. Et il n’est pas le seul : le virtuose Aldrich possède aussi sa signature et le solo, brillant, nous emporte... jusqu’au dernier titre : "Take My Soul". Tout un programme. Le soleil tape. Fort. Le pas est lourd. Les chaînes traînent par terre. L’heure est à la supplique : « Lordy please have mercy / I know that I've done wrong / These chains around my ankles / Cut the skin right from my bones » (« Seigneur, s'il te plaît, aie pitié / Je sais que j'ai mal agi / Ces chaînes autour de mes chevilles / Coupent la peau de mes os »). Ça slide et ça sent bon le blues. Le son est énorme et puis, au milieu, grosse accélération : les guitares se mettent en mode go-fast. Ça tire sur les cordes, ça fend l’air et ça se fout des uppercuts d’un côté comme de l’autre. Ça fait mal, mais putain, que c’est bon ! Le tempo finit par ralentir, Corabi apaise le jeu et la basse enveloppe délicatement le tout. La marche forcée repart à bon rythme, le gospel vient se mêler au blues dans un final où les guitares, les voix, la batterie et la basse s’interpénètrent dans une orgie de décibels, puis viennent s’éteindre, tout doucement... On n’a alors qu’une envie : que ça se rallume !

Car « Light 'Em Up » nous botte le cul. Car les DEAD DAISIES ne sont ni plus ni moins que les gardiens du feu sacré. Et parce que John, David, Doug, Michael et Tommy savent très bien où se trouve l’interrupteur ! C’est puissant, hargneux, direct et hautement addictif. Et s’il est peu probable que l’on range cet album aux côtés des « In Rock », « Machine Head », « IV », « Physical Graffiti », « Toys In The Attic » ou « Rocks » dans les cinquante prochaines années, il accomplit pourtant deux p’tits miracles qu’il ne faudrait en aucun cas minimiser : nous rendre heureux et maintenir le rock'n'roll – bien – vivant. Pas rien, non ?
 

* parmi les anciens membres des DEAD DAISIES, on retrouve Richard Fortus, Charley Drayton, Marco Mendoza, Alex Carapetis, Dizzy Reed, Frank Ferrer, Brian Tichy, Darryl Jones, John Tempesta, Jackie Barnes, Damon Johnson, Deen Castronovo, Dino Jelusick... entre autres !

Blogger : Stéphane Coquin
Au sujet de l'auteur
Stéphane Coquin
Entre Socrate, Sixx et Senna, impossible de faire un choix… J’ai donc tenté l’impossible ! Dans un mouvement dialectique aussi incompréhensible pour mes proches que pour moi-même, je me suis mis en tête de faire la synthèse de tout ce fourbi (et orbi), afin de rendre ces éléments disparates… cohérents ! L’histoire de ma vie. Version courte. Maîtrise de philo en poche, me voilà devenu journaliste spécialiste en sport auto, avant d’intégrer la valeureuse rédaction de HARD FORCE. Celle-là même qui prit sauvagement part à mes premiers émois métalliques (aïe ! ça fait mal !). Si la boucle n’est pas encore bouclée, l’arrondi est désormais plus que visible (non : je ne parle pas de mon ventre). Preuve que tout se déroule selon le plan – savamment – orchestré… même si j’aimerais que le tempo s’accélère. Bon, et sinon, qu’est-ce que j’écoute comme musique ? Du bon, rien que du bon : Platon, Nietzsche, Hegel et Spinoza ! Mais je ne crache pas non plus sur un bon vieux morceau de Prost, Villeneuve ou Alonso… Comment ça, Christian, faut tout réécrire !?!
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