20 mars 2025, 18:17

CRADLE OF FILTH

Interview Dani Filth

Blogger : Tom Binet
par Tom Binet


Après plus de 30 ans d'existence, CRADLE OF FILTH connaît la recette par cœur.
Alors que le groupe culte de black metal britannique revient avec un quatorzième album studio, Dani Filth se penche avec nous sur les évolutions successives traversées au fil des années, ses ambitions à travers « The Screaming of the Valkyries » et même sa relation, loin d'être anodine, avec la France.
 

Quel est ton sentiment en attendant la sortie de l'album ?
Dani Filth : Récemment comme la sortie approche et que je fais plein d'interviews, j'ai dû le réécouter. C'est comme une belle surprise. En général, quand je termine un album, je ne l'écoute plus parce que je n'en peux plus, jusqu'au moment où je dois apprendre un morceau ou deux. Je passe à l'étape suivante assez vite. J'espère que les gens l'apprécieront, l'objectif étant que les fans en soient à nouveau satisfaits.

Le groupe existe depuis plus de 30 ans désormais. Comment continuez-vous à évoluer et en particulier dans le cas concret de ce nouvel album ?
L'idée initiale était de sortir un album comme dans les années 70 ou 80. Huit ou neuf chansons, quelque chose de court, sans fioritures. On a choisi de publier le premier single au moment d'Halloween, parce qu'avec le sujet de la chanson (« Malignant Perfection »), ça tombait sous le sens. Qu'elles soient extrêmes ou non, les neuf chansons se devaient d'être accrocheuses et faciles à mémoriser. Le but de départ était un peu "moins on en rajoute, mieux c'est", tu vois ? Comme éplucher un oignon en enlevant les couches en trop.

L'album contient plusieurs allusions à certains morceaux référentiels de CRADLE OF FILTH. Comment avez-vous réussi à rendre hommage au passé tout en apportant quelque chose de nouveau ?
Certains des morceaux me rappellent l'atmosphère au moment de sortir ceux de « Dusk », « Cruelty & The Beast » ou « Median »... Il y a une vibe similaire dans certaines de ces chansons. Mais pour ce qui est de changements dans le son, les gens veulent écouter du CRADLE, pas CRADLE qui essaierait de faire du DREAM THEATER, du SLAYER ou je ne sais qui d'autre.

La première chanson, « To Live Deliciously » célèbre la vie. Est-ce une sorte de réponse à votre dernier album « Existence Is Futile » ?
Un peu, je crois. Cet album est en quelque sorte l'étape suivante, après avoir discuté de la futilité de l'existence, celui-ci parle d'extinction totale. Il est inspiré du fait que l'on est incroyablement près de minuit sur l'horloge de l'apocalypse. L'arrivée de Trump au pouvoir, la guerre en Ukraine, les tensions entre la Chine et Taïwan, la Corée du nord, Israël et la Palestine... On est de plus en plus proches de l’Armageddon. C'est une métaphore de cet instant où tu réalises que c'est la fin, comme quand l'étoile noire explose dans ce ciel bleu dans Star Wars. Comme être témoin de l'explosion d'une bombe atomique. Ce moment où tu te dis : « ça y est, on est foutus ». Il n'y a pas d'issue. C'est une étape de plus dans cette direction.

Si je devais choisir un titre favori au coeur de l'album, je retiendrais « White Ellebore » pour sa diversité. Peux-tu m'en dire davantage sur la place qu'il occupe dans l'album ?
Cette chanson utilise une fleur associée à la mort comme métaphore pour un partenaire, ici une femme. Elle s'inscrit un peu dans le courant de la New Wave of British Heavy Metal, même si on essaie de ne pas composer trop de morceaux de ce genre pour ne pas sonner trop "européens". On n'est pas LACUNA COIL, ni EPICA.

Durant la phase de composition de la musique, est-ce que tu imagines la manière dont les fans vont réagir ?
Cela ne m'affecte pas. C'était peut-être le cas au début, mais plus maintenant. Peu à peu, tu réalises que tu ne peux pas faire plaisir à tout le monde. Il est impossible d'écrire le meilleur album du monde qui puisse convaincre toutes les communautés du metal. Tu auras toujours des gens pour se plaindre de la « merde » que c'est. Donc, avec ça à l'esprit, on écrit avant tout pour nous-mêmes.


Avec trois décennies d'expérience, comment choisis-tu aujourd'hui des sujets qui te passionnent sur lesquels écrire, et la manière dont tu vas les aborder dans tes textes ?
Crois-le ou non, ce n'est pas une équation mathématique. C'est surtout de l'inspiration à partir de l'état embryonnaire des chansons qui dicte ce qu'elles vont être à la fin. Pour certaines comme « Non Omnis Moriar » ou « Ex Sanguine Draculae », dès que je les ai entendues, je savais déjà à quoi elles allaient ressembler et ce dont elles allaient parler. Les influences sont multiples dans la vie : cinéma, littérature, le monde qui t'entoure, la religion, la politique... Cependant, je ne laisserai jamais la politique décider de ce à quoi notre musique doit ressembler. Je ne prétends pas être rouge ou bleu (couleurs associées aux différents partis politiques au Royaume-Uni ou aux États-Unis, NDLR). Pour autant, les événements actuels ont forcément un impact, même si tu écris sur l’Égypte ancienne, cela reste pertinent dans ton interprétation, ta vision.

On connaît ta passion pour la littérature… Si la discographie de CRADLE OF FILTH était un immense ouvrage, comment décrirais-tu le chapitre intitulé « The Screaming of the Valkyries » ?
C'est difficile à dire, étant donné que je ne sais pas comment l'histoire s'achève. Ce chapitre est-il au milieu ou plus près de la fin ? Voire l'épilogue ? Dans tous les cas, ce serait un chapitre passionnant à lire, avec de nombreux twists révélés. Un chapitre en tout cas érotique, violent…

Il y a trente ans, aurais-tu pu imaginer CRADLE devenir le groupe qu'il est aujourd'hui ?
Il faut bien dire que ça a été un parcours exceptionnel. Nos fans ont fait tant de choses folles, nous ont suivis partout... Quand tu démarres un groupe, tu ne te dis pas que ça va être un désastre (rires). Je crois qu'on s'est bien débrouillés, et je suis très heureux là où nous sommes désormais. On a réussi à surmonter la folie, le fait de s’auto-détruire comme des animaux. On peut être extrêmes sur scène et passer une soirée très calme ensuite. Tout est plus facile aujourd'hui, on contrôle tout. Nous avons commis beaucoup d'erreurs, mais également réalisé de superbes choses. Nous sommes tellement heureux d'en être où nous sommes que nous avons déjà commencé à écrire un nouvel album, avant-même que celui-ci ne sorte, c'est dire !

"On a réussi à surmonter la folie, le fait de s’auto-détruire comme des animaux. Nous avons commis beaucoup d'erreurs, mais également réalisé de superbes choses." - Dani Filth


Je voudrais revenir sur votre tournée avec BUTCHER BABIES l'an dernier. Vos univers sont plutôt différents : comment cet attelage original s'est comporté sur la route ?
On partage rarement un tour-bus avec plusieurs groupes, mais en Europe, il existe des bus vraiment gigantesques. On était 22 à l'intérieur. Ce sont vraiment des gens adorables. Cela aurait pu être une expérience un peu spéciale, mais je les aime beaucoup. J'apprécie également le fait de tourner avec un groupe assez différent de ce que l'on fait nous-mêmes. C'est quelque chose d'assez commun aux États-Unis, mais en Europe, on recherche plutôt des groupes qui correspondent exactement à ton style.

Si je te parle de la France, quelle est la première chose qui te vienne à l ?
Mon premier souvenir en France, c'est un voyage scolaire : j'avais été logé chez un élève qui habitait à Laval. J'avais 13 ans, je venais juste de commencer à écouter du heavy metal et c'était vraiment génial. J'y suis récemment retourné avec ma compagne et ses parents, on a également visité Saint-Malo, le Mont Saint-Michel... Pour ce qui est de CRADLE, à l'époque de « Cruelty of the Beast » et « Median », nous avons eu un gros gain de popularité en France. J'y ai de très nombreux souvenirs de concerts géniaux et ça me rend heureux d'y repenser à chaque fois. Et puis, il y a également mon père qui vit dans les Pyrénées.

Puisqu'on a dérivé de la musique, j'ai également lu que tu étais fan de football, et plus particulièrement du club de QPR ?
Ma famille vit à Londres. Cette passion vient particulièrement du côté de mon père. Quand j'étais plus jeune, j'ai été la mascotte du club et j'entrais sur la pelouse avec les joueurs. Mon frère l'a fait aussi. Il est d'ailleurs de retour à Londres ces jours-ci pour un grand repas de famille et il sera au match ce soir contre Derby (entretien réalisé le 14 février, NDLR), qui ironiquement est l'équipe que nous avions battue il y a quelques années pour monter en Premier League. Vraiment, toute ma famille s'intéresse au football.


Pour conclure sur CRADLE OF FILTH, tu mentionnais tout à l'heure l'ébauche d'un prochain album, mais quels sont les autres projets sur le feu dans les prochains mois ?
Il y a un événement à venir avec une maison de couture. Ils avaient utilisé des costumes de CRADLE OF FILTH et ça avait bien fonctionné donc ils le refont, ce dont je dois dire que je suis assez fier. On peut faire ce qu'on veut, on est un groupe de black metal, c'est ce qui est génial ! Le mariage des extrêmes, sexe et mort, c'est une grande inspiration. Parmi les autres projets, j'ai aussi mon auto-biographie de prévue, même si je ne sais pas encore quand elle sortira.
 

CRADLE OF FILTH sera en tournée aux Etats-Unis pour un plateau extrême de la mi-avril à la mi-mai. Il faudra se déplacer en Europe pour le voir durant l'été, en festival ou en tête d'affiche, car aucune date française n'est pour l'heure sur le tracé.



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