4 octobre 2016, 18:07

FAITH NO MORE

Rééditions « Introduce...», « King For... » & « Album Of... »

Amusant de constater qu'à un mois près, la réédition du premier album de FAITH NO MORE, « We Care A Lot » avec le chanteur Chuck Mosley, voit le jour après des années d'absence dans les bacs – ou à prix d'or, le disque n'ayant jamais été réédité depuis sa parution en 1985. Une bien belle aubaine d'ailleurs tant cet opus est encore fort méconnu, à l'exception du morceau-titre culte, d'ailleurs repris par le même line-up sur l'album suivant « Introduce Yourself », puis quasi-systématiquement en live depuis l'ère Patton.



Encore bancal, « We Care A Lot » est pourtant un postulat assez impressionnant compte tenu de la jeunesse du groupe, et surtout de l'époque, peu perméable à de telles expérimentations et à des orientations aventureuses qui ne trouveront pas vraiment leur public à ce moment-là, sauf au sein des scènes underground en périphérie des mouvements de masse, et qui se développaient alors avec aplomb et un refus total des catégorisations. FAITH NO MORE faisait alors partie des groupes de l'ombre de la Bay Area, trop iconoclastes et talentueux pour oser faire des concessions, préférant bâtir lentement mais sûrement une identité incroyable qui attendait son heure. Partout le cul entre deux chaises où qu'il se produise, la faute à une intégrité rare et un je-m'en-foutisme qui en agaceront plus d'un jusqu'à ce que les bien-pensants retournent leur veste au moment voulu, FAITH NO MORE dévoile donc dès la moitié des années 80 les bases inamovibles de ce qui allait constituer son univers si riche : metal, funk, groove, hip-hop, jazz, – on retrouve non pas tour à tour tous ces éléments au sein de titres comme "Mark Bowen", "As The Worm Turns" ou "Arabian Disco", mais bien la somme et les enchevêtrements de tous ces ingrédients dans une formule bien plus pimentée que certains autres nudistes porteurs de chaussettes.
Outre la (re)découverte des dix morceaux de l'album, le CD est augmenté de neuf autres inédits, remixes habituels, quatre démos ("Greed", "Mark Bowen", "Arabian Disco" et un intro), ainsi que deux lives captés à San Francisco en 1986, "The Jungle" et "New Beginnings". Soit d'heureux bonus si vous n'étiez pas encore convaincu de devoir vous accaparer ce disque méconnu et mésestimé, certes imparfait et encore loin des chefs-d'œuvre à venir, mais attachant, inventif, déjà décomplexé et qui permet surtout de comprendre bon nombre des fondations du son FNM des années 90.
 

Après avoir savouré les rééditions Rhino/Warner du catalogue originel Slash Records l'an dernier, malgré des bonus que tous les fans pouvaient posséder à l'époque, on retrouve ici les deux derniers disques majeurs de la discographie du groupe avant leur split, dans la lignée des « The Real Thing » et « Angel Dust » sur la forme : doubles CDs digipacks Deluxe, livrets avec liner-notes et photos des maxis correspondants, et surtout la totalité des titres bonus enregistrés à l'occasion. 

Bien qu'ayant découvert le groupe en 1989 à la sortie de « The Real Thing » et étant tombé immédiatement et inconditionnellement diiiiingue du groupe, c'est pourtant « King For A Day », sorti en 1995, qui a toujours eu ma préférence, l'année de mes 20 ans, et depuis, invariablement. Ce n'était lié ni à mon âge de jeune homme ni au fait qu'à ce moment-là, FAITH NO MORE passait sur bon nombre de radios françaises ; de plus les disques précédents n'avaient pas vraiment à souffrir en comparaison, loin de là. Peut-être était-ce dû au fait que j'allais les voir pour la toute première fois de ma vie sur cette tournée (Bordeaux, la Médoquine en juin 95), et que je m'identifiais complètement à l'album, du premier au quatorzième titre. De l'uppercut "Get Out" en entrée, en passant par le hit "Digging The Grave" et jusqu'à la folie scatophile et coprophage de "Cuckoo For Caca", je ne trouvais AUCUN temps mort à « King For A Day », qui malgré sa longueur, allait balayer tous les spectres de leur talent et de leurs influences directes, imperceptibles tant elles furent digérées en un tout unique. Allons : punk, ballades épiques, metal hardcore, bossa nova, big band, metal tribal menaçant, psychédélisme, lounge et enfin gospel, pour un final époustouflant et complètement inédit dans la sphère étriquée du hard/metal de l'épique. "Just A Man" ? Probablement une de mes chansons préférées de tous les temps, tout groupe, tous genres confondus, le truc qui me fait chialer, me tord les tripes et me fait sentir à la fois comme un conquérant – et comme un homme simple.


En sus de ce disque in-croy-able, roller-coaster d'émotions et de sensations auditives inouïes, on retrouve donc un deuxième CD bien rempli, un panorama complet de toutes les B-sides et bonus qui venaient illuminer les multiples singles parus autour de ce cinquième album, ou autres chansons disponibles sur certains best-of parus par la suite (notamment le fameux « The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection » chez Rhino), ou des éditions étrangères – japonaises entre autres. Bien sûr, si comme certains vous aviez collectionné tous ces CDs maxis, vous avez presque tout ce qui trouve ici. A savoir deux versions alternatives du tube "Evidence" (irréprochablement chantées par Mike Patton, ce crooner fou, ici en espagnol et en italien – une langue qu'il affectionne tout particulièrement pour les besoins de ses expérimentations vocales folles), des inédits des sessions de l'album ("Absolute Zero", "I Won't Forget You", "Instrumental", "Hippie Jam Song" – sorte de stoner psyché groovy funky !), une panoplie de  reprises aussi dingues qu'improbables ("I Wanna F**k Myself" du pape keupon junkie-scato G.G. Allin, "Greenfields" de The Brothers Four, le sirupeux "Spanish Eyes" popularisé par Elvis Presley au cours de ses années guimauve, ou encore le single "I Started A Joke", splendide version d'un tube des BEE GEES aussi kitsch que lyrique, certainement sorti dans l'optique de réitérer le succès de "I'm Easy"). Si ce n'était pas assez, deux versions live de "Digging The Grave" et du fabuleux "The Gentle Art Of Making Enemies" complètent cette superbe réédition, ainsi qu'une interview qui n'était alors disponible que sur la version 45 tours de l'album (!!!), oui, disponible à sa sortie dans un coffret de sept vinyles 7'', un format incroyablement osé et collector en 1995... 

Deux ans après sortait un sixième album plus contrasté, aventureux mais animé par une baisse d'inventivité, de motivation et surtout d'un songwriting sensiblement plus faible. En 1997, FAITH NO MORE est toujours aussi admiré, mais « Album Of The Year » est loin de convaincre la majorité de ses fans, même les plus aveuglément fidèles. De bons morceaux, deux classiques ultimes (comme par hasard les singles "Last Cup Of Sorrow" et "Ashes To Ashes"), mais surtout beaucoup de baillements déclenchés au cours d'un disque inégal et au final peu excitant au regard de ses prédécesseurs – le groupe, déjà distordu par des tensions plus vives que jamais, le savait-il déjà en nommant ainsi ce disque avec ironie ?


La réédition suit néanmoins la logique des trois disques précédents et ne propose qu'un "petit" disque supplémentaire, trop pourvu en remixes inutiles (quatre ici, toutefois moins que le second CD bonus qui accompagnait déjà l'album à sa sortie, symptomatique de toutes ces séries de remixes par des DJs quelconques proposés à tort et à travers à l'époque). On retrouve néanmoins un live de "Collision", ainsi que trois morceaux "inédits", à savoir "Light Up And Let Go", "The Big Kahuna", et surtout cette reprise toute aussi mémorable du "This Guy's In Love With You" du compositeur Burt Bacharach, une idole de Patton, toujours avide de crooner sur des classiques lounge tout en cherchant la provocation, un certain degré d'ironie auprès du public et l'expérimentation inattendue. 

Que peut-on espérer de plus ou de mieux aujourd'hui ? Pour collectionner des dizaines de bootlegs de radio de FAITH NO MORE depuis 25 ans, croyez-moi, il existe des dizaines de sacrés live disponibles sur le marché parallèle et qu'il serait louable de diffuser officiellement tant le groupe en concert est époustouflant et imprévisible (le Hellfest 2015 avait a-to-mi-sé le reste de la programmation !). Sinon, il reste encore « Introduce Yourself », le deuxième album de 1987, à réhabiliter (et pourquoi pas à coupler avec les bandes d'un des concerts qu'a donné Chuck Mosley avec le groupe il y a quelques mois !?), avant bien sûr d'attendre une hypothétique suite au splendide « Sol Invictus », le grand album du retour l'an dernier. 

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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