23 mai 2024, 17:23

Slash

"Orgy Of The Damned"

Album : Orgy Of The Damned

Les albums solo de Slash sont tout... sauf des albums solo ! Le guitariste chapeauté n’est, en effet, jamais aussi à l’aise que lorsqu’il s’adonne à l’onanisme avec ses pairs. Souvenez-vous : c’était déjà le cas lors de son tout premier plaisir solitaire, en 2010. Ils étaient alors nombreux à prendre part à l’orgie. Parmi eux, on ne s’étonnait pas vraiment de retrouver Lemmy, Ozzy, Asturby, mais aussi Fergie et Myles Kennedy, avec lequel il allait "conspirer" des années durant et bientôt tenter de découvrir le chemin qui mène à l’« Apocalyptic Love »... Seul rescapé de ce premier album solo : Iggy. Pop, de son nom. Pas commun, pour un album de blues.

Mais l’iguane n’est pas le seul animal à sang froid venu réchauffer l’atmosphère. Flash-back : nous sommes en 1987, un quintette originaire de Los Angeles déverse son « Appetite For Destruction » à la face du monde. À celle du hair metal, aussi, qui squatte alors les premières places des charts américains. Derrière les manettes, un certain Mike Clink capture le son des GUNS N’ ROSES. Il saura parfaitement restituer l’esprit des compositions, tout en énergie et en feeling ; fruit d’un mariage improbable entre Axl, Izzy, Duff, Steven et Slash, quelque part entre le punk et le blues. Logique, donc, que Saul Hudson ait fait appel à lui pour renouer avec ses premiers amours. Avec ses origines. Ce blues qui l’habite et qui l’a fait devenir qui il est : Slash.

D’ailleurs, « Orgy Of The Damned » aurait pu voir le jour il y a bien longtemps. Car quelques temps après son départ des GUNS N’ ROSES, le guitariste mettait sur pied le SLASH’S BLUES BALL, groupe de reprises qui n’a jamais eu d’autre ambition que de faire passer un bon moment à ses musiciens comme à ses auditeurs. Tout en rendant hommage à ceux qui ont inspiré le jeune Hudson... et qui ne l’ont jamais quitté depuis ! 25 ans plus tard, logiquement, ce sont les mêmes Teddy Andreadis (claviers, chant) et Johnny Griparic (basse) que Slash a convié pour enregistrer les 12 morceaux, dont certains étaient d’ailleurs joués en live par la même formation, de 1996 à 1998. Tash Neal (chant, guitare) et Michael Jerome Moore (batterie) ont ensuite rejoint le line-up, afin de le compléter. Signe du destin : c’est cette fois-ci un trou laissé vacant dans le planning des GUNS N’ ROSES qui a permis au groupe de se réunir, au tout début de l’année 2023.

L’idée de départ était toute simple, au diapason de la raison d’être du SLASH’S BLUES BALL : enregistrer rapidement, tout en s’amusant. Sans prétention aucune. En toute logique, Teddy Andreadis aurait donc pu se charger de toutes les lignes de chant, comme à l’époque, et puis, et puis, après réflexion... Au final, cet album, qui se voulait avant tout récréatif, accueille quelques-uns des chanteurs les plus renommés de la planète. Un casting hallucinant, totalement cosmopolite, à l’image de Slash, qui n’a jamais hésité à s’associer avec des musiciens très éloignés de son univers, à une seule condition : qu’ils soient talentueux. Et ils le sont !

Si les morceaux sont quasiment tous des classiques ayant passé l’épreuve du temps depuis belle lurette, Slash a apporté un soin tout particulier au choix de ceux qui allaient les interpréter, afin que chacun d’entre eux ressente une affinité avec "sa" chanson. Comme une évidence ; une histoire d’amour... Et c’est Chris Robinson (THE BLACK CROWES) qui déclare sa flamme le premier. Ou bien plutôt sa haine contre le "Pusher", le vendeur de drogues dures, ce monstre qui ne se soucie pas de savoir si vous allez vous en sortir... ou pas : « But the pusher don't care / Ah, if you live or if you die ». À contrario, le dealer de marijuana « vous vendra beaucoup de jolis rêves », lui... Nous sommes en 1969 et le film Easy Rider contribue à la popularité du titre de STEPPENWOLF, écrit quelques années plus tôt par Hoyt Wayne Axton. La version 2024 est moins fumeuse, certes, moins vaporeuse, mais beaucoup plus liquoreuse. C’est douillet, chaud et onctueux à la fois : savoureux. Et ça monte bien à la tête aussi, pris en étau entre une voix rocailleuse, un harmonica qui transpire de tous ses pores et une guitare lumineuse...

La suite sera du même tonneau. De bourbon, cette fois. La voix rauque de Billy Gibbons (ZZ TOP) fait monter grave la température dans "le Club des Damnés", avec son "Hoochie Coochie Man". Les filles trémoussent du popotin et les garçons binaires et genrés s’accrochent partout où il y a de "la matière"... Derrière, Slash, Gibbons et Tash Neal alternent les soli et vendent leurs âmes au diable. Bientôt, Neal lâchera le manche pour s’emparer du micro. Sa reprise de "Living For The City" rend clairement justice à son auteur : un certain Stevie Wonder. Ça groove sévère et il faudrait être aveugle (et surtout dur de la feuille) pour ne pas se rendre compte que cette cover est une p’tite merveille. Car « Orgy Of The Damned » ne fait pas que dans le blues pur et dur. La soul music et le R&B façon 70’s y sont les bienvenus. Suffit que la mélodie soit bonne. Et celle de "Papa Was A Rollin' Stone" est une invitation à la... (THE) TEMPTATIONS. C’est ici la chanteuse pop Demi Lovato qui accompagne Slash pour une performance de tout premier plan. L’échange entre la voix et la guitare est bien réel et le morceau n’en finit pas de monter en intensité, appuyé par des ghost notes et une wah-wah du plus bel effet. Tout en feeling. Classe. Jusqu’au solo, où Slash se lâche et se fait plaisir du bout des doigts. Jusqu’à en gémir. Putain, que c’est bon ! Waoouuuuuuuh...

Des moments de plaisir renouvelés à de maintes reprises, grâce à de remarquables musiciens. Notamment le "jeune" bluesman Gary Clark Jr. C’est lui qui donne de la voix sur le fameux "Crossroad Blues" et partage la six-cordes avec l’homme au chapeau. Guitare dont Slash reprend le lead sur "Oh Well", qu’il interprète avec Chris Stapleton. Si le timbre rauque de la superstar de la country, comme passé au papier de verre, fait merveille, les incessants changements de tempo de la chanson font mouche, eux. Et les accélérations fulgurantes nous font tout droit repartir du côté de DEEP PURPLE, période « Machine Head ». Étonnant... et jouissif. Hasard (ou pas) de la track-list, le morceau qui lui succède n’est autre que "Key To The Highway"... Star ? La jeune Dorothy prend possession du morceau et nous montre ses crocs. Bon point. Que dire, ensuite, de la performance de Beth Hart sur "Stormy Monday" ? La chanteuse américaine, elle, sort ses tripes et nous file la chair de poule, bien accompagnée par un Slash impérial, mais qui n’en fait jamais trop. Le guitariste possède en effet une qualité – trop – rare : être capable de laisser de l’espace à son alter-ego. Chapeau !

Et puis, bien entendu, « Orgy Of The Damned » fait la part belle à ceux que Slash écoutait dans sa jeunesse, ceux qui ont inventé le hard rock... en pliant le blues à leurs caprices. Ceux qui l’ont inspiré et marqué à vie. Quelle réussite et quel bonheur ce doit être, pour cet enfant prodige, d’être devenu l’un de leurs pairs et d’évoluer dans le même univers. Paul Rogers (FREE, BAD COMPANY) reprend ainsi le "Born Under A Bad Sign" qu’il s’était déjà approprié sur son « Muddy Water Blues: A Tribute To Muddy Waters » en 1993. Slash voulait absolument que Rogers, qu’il considère comme l’un des plus grands chanteurs de blues de tous les temps, soit présent sur son album. C’est chose faite. Autre évidence : le choix de Brian Johnson pour poser sa voix éraillée sur le "Killing Floor" de Howlin’ Wolf... l’un des bluesmen les plus appréciés par Slash. On aurait alors pu croire la joie du guitariste totale ? Que nenni ! Pourquoi se priver d’un coup de fil à Steven Tyler et lui demander d’improviser une ligne d’harmonica ? Hein ? Pourquoi ? Au final, ce ne sont pas moins que deux membres éminents d’AC/DC et d’AEROSMITH qui donnent vie à ce blues punchy, pile-poil sur le lieu du crime. Brrrrrrr... ça fait froid dans le dos !

La présence d’Iggy Pop n’était pas plus préméditée. Mais apprenant que le chanteur rêvait d’enregistrer un album de blues, Slash l’a contacté, pour connaître le titre qu’il aimerait mettre en boîte. Le "Awful Dream" de Lightnin’ Hopkins est donc l’unique morceau qui n’ait été choisi par Slash. Le résultat est étonnant. Dépouillé et épuré, car enregistré à deux : une voix et une guitare acoustique, en accompagnement. C’est bien différent du reste de l’album, mais c’est surtout beau. Fort, aussi. Et puis, nous voilà déjà arrivés au bout du voyage. L’orgie des damnés se referme sur son seul titre original : "Metal Chestnut". Une composition instrumentale inspirée et qui rappelle à tous où nous nous trouvons : sur un album de Slash. Avec tous les ingrédients qui vont bien. Ce feeling et ce toucher bien identifiables, cet état d’esprit, aussi, et puis, un son... le son. Car Mike Clink apporte beaucoup à ces 12 titres. La production est aussi claire que puissante, mais elle ne détonne en rien avec les morceaux du siècle passé. Mieux : elle leur rend pleinement justice. Mission accomplie, donc.

La parenthèse enchantée se referme, tout doucement... Slash va bientôt entamer une tournée avec ses potes pour prolonger l’orgie, se faire du bien et nous faire du bien. Il rejoindra ensuite Slash Feat. Myles Kennedy & THE CONSPIRATORS, pour un cinquième enregistrement commun. Mais on rêve surtout d’une suite aux « Use Your Illusion » I & II, derniers albums de compos originales des GUNS N’ ROSES auxquels le guitariste a pris part... avant de quitter le groupe et de fonder son SLASH’S BLUES BALL. La boucle serait alors bouclée.

Blogger : Stéphane Coquin
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Stéphane Coquin
Entre Socrate, Sixx et Senna, impossible de faire un choix… J’ai donc tenté l’impossible ! Dans un mouvement dialectique aussi incompréhensible pour mes proches que pour moi-même, je me suis mis en tête de faire la synthèse de tout ce fourbi (et orbi), afin de rendre ces éléments disparates… cohérents ! L’histoire de ma vie. Version courte. Maîtrise de philo en poche, me voilà devenu journaliste spécialiste en sport auto, avant d’intégrer la valeureuse rédaction de HARD FORCE. Celle-là même qui prit sauvagement part à mes premiers émois métalliques (aïe ! ça fait mal !). Si la boucle n’est pas encore bouclée, l’arrondi est désormais plus que visible (non : je ne parle pas de mon ventre). Preuve que tout se déroule selon le plan – savamment – orchestré… même si j’aimerais que le tempo s’accélère. Bon, et sinon, qu’est-ce que j’écoute comme musique ? Du bon, rien que du bon : Platon, Nietzsche, Hegel et Spinoza ! Mais je ne crache pas non plus sur un bon vieux morceau de Prost, Villeneuve ou Alonso… Comment ça, Christian, faut tout réécrire !?!
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