3 avril 2020, 18:00

Joe Satriani

• "Shapeshifting"

Album : Shapeshifting

En découvrant ce nouvel album de Joe Satriani, allions-nous assister à une métamorphose, à l’instar de ce que signifie le titre de l’album en anglais ? Faut pas rêver, Satch, comme on le surnomme, n’est pas homme à sortir de ses sentiers battus. Chantre de la guitare instrumentale rock niveau 1 000, cela fait trente-six ans que l'auteur-compositeur aux doigts d’or nous régale de joutes guitaristiques dont lui seul a le secret. Après un exceptionnel « What Happens Next » où il était accompagné d’un duo de luxe en la personne de Glenn Hughes (BLACK COUNTRY COMMUNION et ex-DEEP PURPLE entre autres) à la basse et Chad Smith (RED HOT CHILI PEPPERS) à la batterie, que donnent les treize nouveaux morceaux de « Shapeshifting » ?

L’éponyme titre d’ouverture ne nous emmène pas loin, tout juste sur le sentier que l’on a l’habitude d’emprunter avec lui et ses fidèles Ibanez signature, histoire de retrouver nos repères. Et on est bien à se balader à nouveau en sa compagnie. "All For Love", un morceau très court d’à peine plus de 2 minutes sous forme de ballade, est une première surprise (il y en a d’autres, vous allez voir). Joe Satriani a indiqué avoir voulu construire son album tel le scénario d’un film, partant de rien ou du moins d’une page blanche, ce qui est peu on en convient. "Ali Farka, Dick Dale, An Alien And Me" est une piste en hommage à des guitaristes qu’il admire et qui a des consonances africaines bien entendu, tandis que le surf rock cher à Dale est moins prégnant. En parlant de surf, Joe nous entraîne sur plusieurs vagues et spots qu’il connaît. Le blues de "Teardrops", le rock légèrement boogie de "Perfect Dust" dans sa rythmique, cassée en plein milieu par une nappe mélancolique, en sont deux exemples. On apprécie que le guitar-hero qu’il est n’en fasse pas des tonnes sur ce titre (bon OK, il est largement au-dessus de la majorité des guitaristes de la planète sur ce qu’il y joue).

Choisi comme single, "Nineteen Eighty", et son intro frénétique, est une ode aux années 80, à l’année 1980 plus précisément, à une époque où le guitariste découvrait, défrichait, où tout semblait tellement plus simple qu’aujourd’hui comme il l’a dit dans une interview. Cette chanson nous ramène vers le travail de « Surfing With The Alien », son deuxième album et celui qui l’a fait connaître du grand public. Si Joe Satriani a toujours joué un rock instrumental assez hard dans son ensemble, il ne s’était jamais (ou à peine) aventuré aussi loin que sur "Spirits, Ghosts And Outlaws", au riff heavy et agressif. Une facette qu’on lui connaît peu, bien qu’il ait déjà tapé dur par le passé ("War" entre autres sur « The Extremist », album paru en 1992). Une ambiance feutrée pour "Falling Stars", nous vous l’avions dit, c’est un album surprenant, chaque titre étant totalement différent de l’autre. Loin de nuire à son homogénéité, au contraire, il instaure des ambiances qui changent au fil des plages, un peu comme un long métrage dont les situations et personnages diffèrent au gré de l’histoire. Un effet voulu comme expliqué plus haut et une mission accomplie de main de maître, exigeant parfois une certaine retenue et application de celle-ci sur la délicate "Waiting".
Voulant préserver le meilleur pour la fin, c’est sur des ambiances caribéennes et reggae que Joe surfe tel l’alien qu’il est avec "Here The Blue River". On ne parle pas ici d’un mix à la THE POLICE mais bien d’une rythmique syncopée et fort bien jouée, ce qui n’est pas souvent le cas des musiciens rock venant s’aventurer en terres jamaïquaines. « Bwoy, gwaan Joe! », patois du cru que l’on peut traduire par « Whaou, vas-y Joe ! ». Véritable générique de fin, sautillant et joyeux, le disque s’achève sur un "Yesterday’s Yesterday" qu’un sifflotement accompagne presque tout du long.

En espérant ne pas avoir trop spoilé le scénario de ce film musical, « Shapeshifting » est un album qui réinvente le genre et le style que s’est forgé Joe Satriani au fil du temps et tous ses fans y trouveront, soit des ambiances qu’ils aiment à retrouver sur chaque disque mais aussi des moments de vraies nouveautés, permettant de renouveler sans cesse le plaisir de découvrir les disques de ce jeune homme de 63 ans, toujours barré d’un large sourire derrière ses inamovibles lunettes noires et ses six-cordes magiques.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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