25 janvier 2021, 18:00

SOEN

• "Imperial"

Album : Imperial

S’il y a bien un groupe qui a décidé de ne pas se reposer sur ses lauriers, et ce, dès le premier confinement mondial de mars 2020, c’est bien SOEN. En effet, les Suédois ont décidé de mettre à profit ce temps, qui aurait dû être consacré à la tournée pour défendre leur excellent dernier album, « Lotus », sorti début 2019. Ils sont donc retournés en studio, à défaut de pouvoir rester sur la route. Le groupe a effectivement été obligé d’interrompre la partie sud-américaine de sa tournée pour rejoindre son pays au plus vite, au milieu de la confusion et de l’affolement général.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les musiciens n’ont pas chômé. « Imperial » est leur cinquième album, et porte merveilleusement bien son titre. SOEN délivre ici une perle rare, un joyau unique, un diamant facetté, aux mille reflets fascinants. Dès les premières notes de "Lumerian", on reconnait la signature musicale du groupe. Il est à noter que les musiciens prennent un malin plaisir à commencer leurs chansons par des intros qui rappellent les morceaux des précédents albums ("Lumerian", "Deceiver"). Mais il s’agit d’une démarche volontaire de la part du groupe, et non d’un auto-plagiat. Il ne faut donc point se laisser berner par ces premières notes déjà entendues, qui donnent la sensation qu’ils se répètent et ne cherchent pas à se renouveler. Car, si la patte du groupe est bien marquée, les compositions sont, elles, toutes différentes les unes des autres, travaillées dans les moindres détails, avec des mélodies peaufinées, et sublimées par la voix exceptionnellement chaude et puissante de Joel Ekelöf.

En huit titres, on passe de l’ombre à la lumière, de rythmes puissants et ravageurs ("Monarch", "Antagonist", "Dissident") à la plus grande douceur ("Illusion", "Fortune"). Et même si les thèmes abordés sont le sombre reflet de cette société qui s’entre-déchire, ainsi que le constat des ravages que le pouvoir et les abus de pouvoir peuvent générer (« Diviser pour mieux régner » serait la devise idéale pour évoquer la réflexion qui a mené  à l’écriture des textes des chansons), ils sont aussi dictés par la volonté de ne pas se laisser imposer des choix qui ne nous appartiennent pas, et guidés par la lumière au bout du tunnel ("Modesty", "Fortune"). SOEN est un groupe de metal progressif, tout à la fois technique, philosophique, émouvant et lumineux. Plusieurs écoutes sont souvent nécessaires pour discerner toutes les subtilités que recèlent ses morceaux.

Revue de détails : "Lumerian", qui ouvre l’album, est un titre superbe, rythmiques et guitares en avant, accompagnées d’un refrain de toute beauté (« I believe that in the end we could be something more ») qui s’insinue dans la tête et le cœur sans difficulté. "Deceiver" est sans doute le morceau le plus classique et le plus "Soenien" mais efficace en tous points. Il n’est pas sans rappeler "Martyrs" sur le précédent disque. Encore une fois, la batterie de Martin Lopez et la basse du nouvel arrivant, Oleksii "Zlatoyar" Kobel, qui remplace Stefan Stenberg, parti pour d’autres aventures, sont parfaitement à l’unisson, et les guitares et claviers de Lars Enok Åhlund et Cody Ford apportent la mélodie et le côté tranchant. "Monarch", choisi comme deuxième single, surprend plus, avec son intro de batterie galopante et ses sirènes d’alarme. Le morceau en mid-tempo se fait heavy et  la voix de Joel Ekelöf est sensible et forte, portant la mélodie dans des tonalités légèrement différentes de ses habitudes.

Première ballade de l’album et 3e single, "Illusion" est une véritable merveille avec une fois de plus un texte très fort (« Here we are, blaming failure on the other... Do we care just enough to aid our brother ? »), avec des claviers aériens et des guitares déchirantes ainsi qu’un solo sublime. Joel Ekelöf y est émouvant au plus haut point, sa voix est juste et bouleversante, à faire verser des larmes sans pouvoir se retenir. "Antagonist" est fait d’un autre acabit. C’est un morceau revendicateur, un coup de poing dans la gueule, un cri de rage, un appel à la révolte, pour ouvrir les yeux et ne pas accepter bêtement ce que les gens de pouvoir nous imposent, pour se faire sa propre opinion et ne plus se comporter comme un mouton qui suit sagement le troupeau. « Fire up your guns ! » mais aussi, « Life isn’t just to survive » sont des paroles qui remuent les tripes.

"Modesty" est un autre joyau, très différent de ce que SOEN a fait jusqu’à présent, porté magistralement par le chanteur, qui sort de son registre habituel en donnant une intensité à nulle autre pareille, et une mélodie superbe où l’on ne peut qu’admirer les talents de l’excellent Cody Ford. Et, une fois encore, un texte qui touche l’âme dans ce qu’elle a de plus profond : « Follow me, follow us, ‘cause there’s no one coming to help us ». Le morceau le plus lumineux de l’album. "Dissident" possède une construction plus classique, mais a des sonorités metal bien agressives et teintées de djent. Un titre très ryhtmé qui fait taper du pied et headbanger sans complexe, même si c’est en pyjama dans le salon. (Après tout, puisqu’il n’y a pas de concert, pourquoi se priver de ces petits plaisirs ?) Pour clore « Imperial », SOEN a choisi la chanson la plus mélancolique de cette nouvelle cuvée, un peu comme "Lunacy" refermait « Lotus », nous laissant une impression poignante et diffuse, comme le constat amer d’une vie ratée, mais avec une lumière au bout, tout au bout de ce tunnel sombre, pour peu que l’on en trouve la sortie. « And one day I know you’ll understand that your happiness depends on you », « There’s nothing to fear, I’ll keep your path clear » chante Joel Ekelöf, qui transcende son texte de manière magistrale, et l’émotion nous submerge, tant cette chanson est exceptionnelle. La beauté à l’état pur.

SOEN possède le don de transmettre, à travers sa musique et ses mots, toute une palette d’émotions, posant les questions justes, nous amenant à réfléchir et avancer de nous-même. Un groupe que l’on a souvent - et bien malheureusement - qualifié d’intello, alors qu’en réalité, c’est un groupe à l’intelligence rare, doté d’une musicalité profonde et instinctive, doublé de musiciens extrêmement talentueux. « Imperial » est un album majestueux et riche qui vous amènera sur des territoires que vous n’avez jamais abordés. Laissez-vous porter. La musique fera le reste.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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