Les pochettes d’albums, surtout pour ceux qui ont vécu la grande époque du vinyle, étaient ce qui nous poussait parfois à aller vers un groupe plutôt qu’un autre. Ainsi, j’ai moi-même découvert HELLOWEEN en flashant sur la pochette de « Keeper Of The Seven Keys Part I ». Et je suis sûr que vous aussi avez, à un moment ou à un autre, vécu cette expérience. Véritable prolongement, et commencement surtout, de l’écoute d’un disque, certaines illustrations sont passées à la postérité de par l’impact qu’elles ont laissé. Les Derek Riggs (IRON MAIDEN), Larry Carroll (SLAYER), Ed Repka (MEGADETH), Uwe Karczewski (HELLOWEEN) ou, plus récemment, Zbigniew M. Bielak (GHOST) et Eliran Kantor (TESTAMENT, LOUDBLAST...) ont tous contribué au succès des formations pour lesquelles elles ont mouillé leur pinceau. Forcément subjectif, le 3e art est soumis à l’appréciation et au ressenti de chacun. En voici quelques exemples, subjectivement choisis donc, par quelques membres de l’équipe HARD FORCE. Et vous, quelles sont les pochettes que vous pouvez regarder inlassablement comme s’il s’agissait d’œuvres exposées au Musée d’Orsay ?...
IRON MAIDEN - « Live After Death »
Qui dit double album dit pochette ouvrante (ou gatefold pour les puristes). Et Derek Riggs de se taper deux fois plus de travail sans avoir deux fois plus de temps pour le faire. Le dessinateur alors attitré de MAIDEN se fend une fois de plus d’un dessin auquel la version vinyle rend hommage et sur laquelle ce brave Edward revient d’entre les morts. Riggs a d’ailleurs dû en baver pour arriver au bout de l’illustration, une tombe à son nom étant visible au dos de la pochette. On lui en est reconnaissant, offrant un écrin sublime à l’un des meilleurs albums live de tous les temps.
(Jérôme Sérignac)
MEGADETH - « Rust In Peace »
Illustré par Ed Repka qui collaborera en tout à six reprises pour MEGADETH, l’élégamment vêtu Vic Rattlehead attire le regard et l’on distingue derrière lui de célèbres figures du monde politique d’alors. Si Gorbatchev et George Bush Senior sont reconnaissables, tout le monde ne peut se targuer d’avoir reconnu au premier coup d’œil John Major, alors Premier ministre du Royaume-Uni, son homologue japonais Toshiki Kaifu ainsi que le Président de la RFA puis de l'Allemagne réunifiée, Richard Von Weizsäcker. Le "club des cinq" est assis dans ce qui semble être le mythologique Hangar 18, situé dans l’ultrasecrète Zone 51, où serait stocké tout ce qui a trait à une (éventuelle) vie extraterrestre.
(Jérôme Sérignac)
AC/DC - « If You Want Blood »
Nom précurseur d’une chanson que l’on retrouvera sur « Highway To Hell » en 1979, le titre de ce live est ni plus ni moins que l’exacte retranscription de ce qu’il se passe sur bandes et de ce qui a surtout eu lieu sur scène à Glasgow en 1978. « Vous voulez du sang… en voilà ! » L’impressionnante captation donne réellement l’impression que le groupe joue devant nous. Et, côté visuel, Angus d’être transpercé par sa Gibson SG avant d’être laissé pour mort, gisant sur scène avec le manche lui dépassant du dos. Une iconographie gore qui marqua les esprits autant que les oreilles, une parenthèse sanguinolente dans les pochettes plus convenues d’AC/DC, mais qui sied parfaitement au contenu.
(Jérôme Sérignac)
ANATHEMA - « Eternity »
De toute beauté et appelant à un sentiment d’infini profond, la pochette de l’album « Eternity » d’ANATHEMA est comme un plongeon dans un univers envoûtant auquel personne n’échappe. L’ange blanc semble saisir une étoile brillante au milieu de galaxies sombres et incandescentes et nous invite à la réflexion. C’est peut-être la lumière qui viendra peu à peu éclairer la musique d’ANATHEMA, sortant de son doom death originel pour faire place à des mélodies progressives d’une grande inspiration.
(Aude Paquot)
MAYHEM - « The Dawn Of The Black Hearts »
Même si on ne peut pas vraiment parler d’un album de MAYHEM puisqu’il s’agit d’un live non officiel, « The Dawn Of The Black Hearts » est emblématique d’une part car il s’agit d’un des seuls enregistrements du groupe avec Dead au chant et d’autre part car sa pochette a fait couler autant d’encre que de sang. En effet, y figure une photo du précité Per Yngve Ohlin qui vient fraîchement de se suicider, avec tous les détails que je passerai ici. On ne fera guère plus malsain par la suite, mais il semble que le voyeurisme ait de l’avenir.
(Aude Paquot)
GRAVEWORM - « As The Angels Reach The Beauty »
Un peu plus de légèreté et de beauté avec ce fabuleux artwork sur la pochette du non moins génial « As The Angels Reach The Beauty ». Le groupe de black/death mélodique italien a choisi de poser sur son deuxième album un dessin du fascinant Luis Royo. On y voit une jolie jeune femme dévêtue appuyée sur le bouclier d’un squelette de guerrier dont l’épée est fièrement plantée à ses côtés. Les reflets dans le lac, les couleurs froides et les lumières scintillantes en font une œuvre marquante, pour l’art mais aussi pour le metal.
(Aude Paquot)
IRON MAIDEN - « Killers »
De l'année 1981, « Killers » est certainement la pochette la plus marquante et si elle reste aujourd'hui un must de l'imagerie heavy metal, c'est bien parce qu'elle renferme un trésor du genre. Derek Riggs propose ici un Eddy monstrueux qui incarne parfaitement l'horreur de la situation. Un meurtre violent avec une hache ensanglantée dans les rues d'une ville encore éclairée en début de soirée à la nuit tombée. D'ailleurs, on peut légitimement se demander si cet album aurait eu un impact aussi fort sans une telle pochette ?
(Bruno Cuvelier)
METALLICA - « ...And Justice For All »
En 1988, c'est un METALLICA endeuillé qui est de retour et qui ne rendra pas justice à son nouveau bassiste, Jason Newsted. Il s'agît bien d'injustice comme le montre la pochette. On y voit la Justice s'effondrer, un bandeau sur les yeux et tirée par des cordes,. L'injustice c'est ce que dénonce l'album comme dans le clip "One". Derniers mots du serment d’allégeance au drapeau des Etats-Unis, les points de suspension pourraient tout aussi bien se placer après le titre et nous interroger sur l'avenir. L'injustice c'est aussi ce que dénonce le metal par son anticonformisme.
(Bruno Cuvelier)
OPETH - « Blackwater Park »
En 2001, OPETH signe un de ses albums les plus emblématiques. Si c'est le premier incorporant du chant clair, « Blackwater Park » est le quatrième disque des Suédois. Sa pochette fait écho à celle de « Morningrise », sorti cinq ans plus tôt. On imagine d’ailleurs assez bien qu’elle pourrait provenir de la forêt qui se trouve à l'arrière-plan. A qui appartiennent ces silhouettes que l'on devine dans la brume au milieu des arbres ? Cette pochette représente une facette de ce qu'est le metal : une musique riche, énigmatique et mystérieuse.
(Bruno Cuvelier)
FAITH NO MORE - « Angel Dust »
« The Real Thing » a bousculé le monde dogmatique du metal avec son album fusion ultime. FAITH NO MORE offre « Angel Dust » au visuel cygne des temps trompeurs, et cette succession de titres d’anthologie n’a pas fini de nous faire tourner héron... Le thrash le dispute au groove et au clavier classique, la voix de Patton oscille entre death et Sinatra. Nos sens sont tous sollicités dans une "Land Of Sunshine", chaque instrument apporte une contribution spécifique pour un rendu unique. Une cacophonie savamment orchestrée, le must du metal fusionné. L’album à l’indémodable félicité !
(Christophe Scottez)
RAGE AGAINST THE MACHINE - « Rage Against The Machine »
Aussi enflammé que le moine de sa pochette le premier album de RAGE AGAINST THE MACHINE est une tuerie révolutionnaire. Il n’y a pas que le premier titre qui soit un "Bomb Track". Mon dieu, jamais déclamation rap n’avait été aussi... Metal ! L’enchaînement est rythmé, énervé, empreint de cette dualité groove et lourdeur. La guitare défie les genres, Zack De La Rocha invective et fait jumper l’auditoire. Du jamais vu dans le metal ? En tout cas du jamais vécu avant !
(Christophe Scottez)
TESTAMENT - « Practise What You Preach »
Un album que l’on achète d’abord pour sa pochette. Sobriété biblique de statues figées pour un thrash exemplaire. Comme un chant ultime du cygne en ces temps de changements, l’aube des années 90. L’alchimie est parfaite, le classicisme d’un style canonique imprègne chaque titre. Une œuvre magistrale aux guitares à la lourdeur exemplaire. Les plages, dont "The Ballad", interpelle par leurs riffs lourds et cette basse qui claque si sèchement sur "Envy Life". TESTAMENT grave dans le vinyle une œuvre testament d’un genre à son apogée. Technique et épique !
(Christophe Scottez)
OBITUARY - « Cause Of Death »
Après un premier album très (école) primaire en terme de qualité visuelle, OBITUARY corrige le tir de la plus belle des manières avec cette pochette sublime signée Michael Whelan (SEPULTURA, CIRITH UNGOL, cartes Magic: The Gathering) qui déstructure les éléments macabres que sont l’œil de la bête, les crocs du loup, la lune favorable aux forces du mal, le corps enveloppé de toile et l'arbre sacrificiel imbibé du sang et pire encore des âmes tourmentées. A signaler que le groupe BENEDICTION s'est largement inspiré de cette pochette sur son « Grand Leveller » paru l'année suivante.
(Crapulax)
THE SPUDMONSTERS - « Stop The Madness »
Dans la mouvance de SUICIDAL TENDENCIES très en vogue à l'époque sortait en 1994 le premier album de cette formation originaire de Cleveland dans l'Ohio, doté de cette pochette humoristique que l'on doit au légendaire Andreas Marshall (une centaine d'illustrations à son actif dont ceux de SODOM, KREATOR, ORDEN OGAN, RUNNING WILD, OBITUARY...). On y voit une troupe d'orques brandissant les têtes décapitées des chanteurs Steven Tyler, Axl Rose, Bon Jovi et Vince Neil avec en arrière-plan le dictateur irakien Saddham Hussein qui se bastonne sévère avec le président américain Bill Clinton. Il fallait oser !
(Crapulax)
MERCYLESS - « Abject Offerings »
La pochette de l'album a connu une seconde version qui fait bien pâle figure face à l'originale et pour cause : elle représente la partie haute du tableau « Christ de St Jean de la Croix » du génial Salvador Dalí. Loin de ses élucubrations surréalistes qui l'ont rendu célèbre, le peintre semble avoir ici voulu passer par l'étape du sacré comme nombre d'artistes prestigieux avant lui. Et quoi de plus classique que le thème de la crucifixion ? Une œuvre brillante de réalisme, de construction par rapport à la lumière, de perspective et d'audace. Un choix parfait !
(Crapulax)