10 mars 2022, 20:00

KING'S X

"King's X" - (1992 - Rétro-Chronique)

Album : King's X

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Tout un chacun a ce que l’on appelle des madeleines de Proust, vous savez ces petites choses qui vous ramènent droit à un souvenir précis, une fragrance, une émotion, un moment figé dans le temps et dans votre mémoire. Et dans le domaine des Arts, il en est de même. Et qui un film, qui un livre ou un disque nous transportant illico à ces sensations et à ce qu’elles nous ont fait ressentir lorsque vécues sur le moment. Et comme vous très certainement, j’ai un énorme paquet de madeleines dans mon placard à gourmandises mémorielles. Ce « King’s X » éponyme de l’un des plus grands groupes – sous-estimés – de la planète, paru le 10 mars 1992, en fait partie. Quatrième de cordée dans la discographie du trio composé de Doug Pinnick au chant et à la basse, de Ty Tabor au chant et à la guitare et de Jerry Gaskill au chant également et à la batterie. Il inaugure la première sortie sur leur nouveau label Atlantic Records, après avoir quitté celui de feu Jon Zazula, Megaforce. Il se pose à ce jour comme l’un des disques les plus solides que KING’S X ait sortis dans toute sa carrière, qui en compte à ce jour douze en studio, avant l’arrivée imminente du prochain qui ne saurait tarder après une attente de quatorze ans !

« King’s X » se veut plus direct que ses prédécesseurs avec des chansons calibrées radio pour la plupart (durant environ 4mn) bien que cela n’ait pas servi à grand-chose au final, peu de médias s’étant jamais vraiment intéressés à la démarche artistique du groupe, à de rares exceptions près. Ces nouvelles compositions sont également plus rock, moins atmosphériques qu’ont pu l’être certaines des trois premiers albums, et on dira même plus accessibles quelque part. Car, et c’est bien ce qui a pêché dans son chemin vers le succès, l’univers musical de KING’S X est singulier et ce mélange de guitares rock et metal saupoudrées de passages atmosphériques sur lequel se greffent les chants harmonisés des trois chanteurs à la manière des BEATLES n’a jamais joué en sa faveur. Trop compliqué d’accès certainement pour le consommateur de base américain qui ingurgitait principalement tout ce que la heavy rotation de MTV pouvait diffuser à longueur de journée (comprendre matraquage en règle) tout en n’étant pas assez mis en avant en Europe.
Trente ans plus tard, KING’S X peut tout de même s’enorgueillir d’un succès d’estime auprès d’une fan-base solide et d’un énorme respect de la part de ses pairs musicaux comme lot de consolation. En ce qui concerne la partie metal donc, j’appelle à la barre "The World Around Me" qui percute l’auditeur d’entrée de jeu en moins de 3mn, et pour l’atmosphérique est appelée à comparaitre "Prisoner". On zappera volontiers "The Big Picture" pour en arriver alors à ce que je considère comme la meilleure bouchée de cette madeleine de Proust, "Lost In Germany" et son riff alambiqué, écrite en écho à ce qu’a vécu Doug lorsqu’ils étaient en tournée en Allemagne (tiens donc ?) et que les kilomètres dans le tour-bus s’enchaînaient avec toute la promiscuité que cela implique, donnant alors une seule envie, celle que tout s’arrête. Ses paroles sans équivoque retranscrivent d’ailleurs bien l’état d’esprit qui était le sien sur le moment (« En déplacement, entassés dans un autobus sans confort / Écouter tout ce charabia autour de moi / Je m’demande bien combien de temps je vais pouvoir le supporter »). Et ce, sans compter sur l’ajout de fortes tensions entre le groupe et le producteur historique Sam Taylor (ce sera d’ailleurs sa dernière contribution pour eux), le trio ayant été, selon ses dires, très fortement floué sur les rentrées d’argent et, tandis que le management claquait sans compter, les musiciens eux, crevaient de faim et n’avaient pas un kopek. Les fans pointus à l'oreille attentive (ou l'inverse si on parle de Spock) noteront deux ans plus tard la scission sonore entre ces quatre premiers disques, tous enregistrés avec ce même producteur aux Rampart Studios situés à Houston, d’avec « Dogman » paru en 1994 et mixé par Brendan O’Brien depuis les studios Southern Tracks à Atlanta. Mais ceci est une autre histoire... à retrouver en cliquant sur le titre de l’album.


Unique single officiel sorti pour la promotion du disque, "Black Flag", qui n’a aucun lien avec l’ancien groupe de Henry Rollins, se classe à la 17e position des charts US Mainstream Rock. Une incompréhension quand on note que le disque ne parvient qu’à se hisser péniblement à la 138e position du Billboard Top 200 Albums. Question de réflexe de consommation sûrement, les singles mis en avant sur MTV prenant le pas sur un tout pourtant parfois plus convaincant qu’un unique titre isolé. Doug Pinnick en parle dans la biographie consacrée à KING’S X signée Greg Prato, expliquant que de gros moyens avaient été débloqués, l’époque des clips battant encore son plein mais qu’ils ne referaient pas la même chose aujourd’hui : « Si on nous donnait aujourd’hui 250 000$ pour tourner, on en dépenserait 5 000 et on garderait le reste pour nous ! »
Pour le reste des compositions figurant sur l’album, il y en a malheureusement quelques-unes qui sont en deçà de beaucoup d’autres issues de leur discographie, ou du moins suffisamment différentes de celles que l’on a connues jusque lors, pour faire échouer cet album à l’obtention d’une médaille de bronze. Faute de mieux, on le classera quatrième. La faute à des "Chariot Song", "Ooh Song" et même "Dream In My Life", chantée par Ty Tabor, qui ne parviennent pas à se hisser au niveau des tentatives précédentes du même chanteur ainsi qu’en témoigne la formidable "It’s Love" sur « Faith Hope Love ». Constatons enfin que le morceau "Junior’s Gone Wild" ne figure que sur la version vinyle et pas sur les éditions Europe et US du format CD (seul le Japon y aura droit) ni sur cassette audio, à considérer comme un titre-bonus qui était paru un an plus tôt sur la très "metal" bande originale du film Bill And Ted’s Bogus Journey, deuxième de la série de films interprétés par le duo Keanu Reeves et Alex Winter. A noter une prise de risque artistique avec ce choix de ne pas faire figurer le nom du groupe sur la version CD de l’album (et en général, les responsables de maisons de disques refusent ce type de demande), mettant ainsi uniquement en avant la très belle illustration signée Randy Rogers, avec qui KING’S X collaborera à nouveau par la suite. Une prise de risque commerciale surtout, le trio n’ayant jamais vendu des palettes de disques. S’ensuivra une tournée conséquente dans son pays d’origine et dont on trouve un témoignage 18 ans plus tard sur le double live « Tales From The Empire » pour lequel vous retrouverez quelques détails ci-après.


Pour aller plus loin :
« Out Of The Silent Planet » (1988) : OVNI à sa parution, il le reste encore aujourd’hui pour un groupe, LE groupe peut être même, le plus sous-estimé du monde metal. Incontournable et culte !
« Gretchen Goes To Nebraska » (1989) : suite presque logique de « Out Of... », ce deuxième album assied encore plus fermement le style et le son KING’S X. Si les BEATLES avaient pu faire du metal à leur époque et sous quelque substance dite douce (il faut savoir que Doug est un prosélyte du cannabis), ils se seraient sans aucun doute appelés KING’S X
« Faith Hope Love » (1990) : le plus gros succès commercial d’un album long et complexe, très progressif (la chanson-titre culmine à 9mn) et dont le single "It’s Love" a fait les beaux jours de MTV ainsi que ceux du groupe. A noter la présence aux chœurs sur deux chansons de leurs potes de GALACTIC COWBOYS
« Dogman » (1994) : produit par Brendan O’Brien (Bruce Springsteen, PEARL JAM, j’en passe et des meilleurs), un album très puissant et heavy en diable sur lequel on compte bon nombre de classiques, encore une fois, estampillés de leur sceau sonore si particulier
« Live All Over The Place » (2004) : premier témoignage live officiel sous la forme d’un double CD avec une partie électrique et une autre acoustique, un must-have tout simplement qui commence par la bien-nommée "Groove Machine"
« XV » (2008) : dernier album en date – et très réussi – dont on espère que son successeur, à paraître en 2022, sera à la hauteur de notre longue attente, avec quatorze ans qui se seront alors écoulés entre les deux
« Tales From The Empire » (2010) : Pas facile à trouver car vendu alors uniquement en VPC sur le label Molken Music, il s’agit d’un double CD live du concert donné par le groupe à Cleveland dans l’Ohio le 26 juin 1992. Une interprétation sans faille et une set-list mes amis, une set-list...
« Live Love In London » (2010) : Londres a été la première ville européenne visitée par le groupe et dans laquelle ils ont été accueillis avec la plus grande des ferveurs au début des années 90, pas étonnant donc que le trio ait choisi la capitale Anglaise pour ce deuxième live officiel, disponible en double CD audio et DVD.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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