8 juin 2022, 18:59

W.A.S.P.

"The Crimson Idol" (1992 – Rétro-Chronique)

Album : The Crimson Idol

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Le 8 juin 1992, les fans de metal s’étant rendus dans les grandes enseignes d’alors pour voir ce qui était arrivé dans les bacs ont eu la très bonne surprise de découvrir deux albums marquants et qui ont changé le paysage musical ambiant d’alors. D’un côté, FAITH NO MORE et son « Angel Dust » et de l’autre pour ce qui nous intéresse ici, W.A.S.P. avec « The Crimson Idol », alors l’album le plus ambitieux de la carrière du groupe qui avait démarrée, discographiquement parlant, en 1984 avec l’éponyme « W.A.S.P. ». Cinq ans plus tôt donc, on découvrait un groupe brut de fonderie avec des musiciens patibulaires mais presque (j’avais toujours voulu la caser celle-là, c’est fait !) bardé de cuir et de clous et dont le chanteur-bassiste Blackie Lawless (qui permutera avec la guitare en 1986 à partir de l’album « Inside The Electric Circus ») jetait littéralement de la viande en pâture à un public avide qui n’en demandait pas tant, surtout les végétariens... Quelques années plus tard et après le référentiel « The Headless Children » paru en 1989, W.A.S.P. revenait armé d’un album qui allait leur faire monter une marche supplémentaire au panthéon des groupes de première division avec le monolithe « The Crimson Idol », concept-album dont la qualité a su perdurer au fil des ans, s’élevant trente ans après au rang d’incontournable du genre.

Un effort de groupe certes bien qu’il était prévu initialement que le disque sorte sous le seul nom de Blackie Lawless en tant qu’album… solo. Le management et les fans ayant obtenu gain de cause (et pour une meilleure assurance quant aux futures rentrées d’argent générées par les ventes, le nom de W.A.S.P. étant fondamentalement plus vendeur), c’est donc un disque estampillé du logo du groupe qui sortit finalement. Il aura fallu à Lawless trois ans pour mettre sur pied et en notes l’histoire du jeune Jonathan Aaron Steele, mal-aimé de ses parents lui préférant son frère Michael. Le jour où ce dernier décède dans un accident de voiture causé par un chauffard en état d’ivresse, Jonathan s’enfuit de chez lui, tombe dans les turpitudes des vapeurs d’alcool et de la poudre d’ange avant de se retrouver nez à nez devant un magasin de musique qui arbore en devanture une guitare électrique de couleur rouge cramoisi (crimson en anglais). Il s’engage alors à devenir une rock star, tout cela après avoir brisé la vitrine et s’être emparé de la dite guitare. Après avoir fait la rencontre du dirigeant d’un label important en la personne de ''Chainsaw'' Charlie, il se fait manager par un certain Alex Rodman qui lui apporte l’argent et la célébrité. Jonathan pourtant ne rêve que d’une chose, être accepté par ses parents. Dans une utlime tentative de réconciliation avec eux lors de laquelle il leur passe un coup de téléphone avant son concert, les derniers mots venant d’eux sont « nous n’avons pas de fils ». Jonathan monte ensuite sur scène, enlève les cordes de sa guitare pour en faire un nœud coulant et se pend avec. Fin.


​Si l’histoire paraît simple et ne s’encombre pas de circonvolutions inutiles car devant coller au minutage et format d’un disque, elle n’en est pas moins efficace, amenée à la vie par la musique composée par Blackie Lawless. Le musicien est en effet d’une redoutable efficacité lorsqu’il s’agit de faire passer des émotions et de s’approprier un rôle, de rentrer dans la peau du personnage qu’il a créé et dont on découvrira le cheminement de vie en chansons. Personnage inventé de toutes pièces ? Pas sûr justement quand on se penche sur la justesse des situations et mots choisis pour raconter cette histoire. Sans être autobiographique, du moins dans une grande partie et spécialement la fin du héros, on se doute que Blackie a quand même mis une grande part de lui et de sa sensibilité dans cette épopée dramatique, avouant plus tard lors d’une interview être tombé en dépression à la suite de l’écriture du disque. Côté musique, on retrouve aux côtés de Blackie deux fines gâchettes (dont deux baguettes !) en la personne du regretté guitariste Bob Kulick disparu en mai 2020 et du regretté lui aussi batteur Frankie Banali, parti la même année trois mois plus tard. Le nom du premier parle en partie à nos mémoires en raison de son patronyme, frère qu’il est de Bruce Kulick qui a officié au sein de KISS, tout comme… Bob, plus brièvement cependant, et qui a sorti en 1991 un unique mais excellent disque avec le groupe SKULL, « No Bones About It », que nous ne saurions trop vous conseiller de découvrir si tant est que vous n’ayez jamais posé les oreilles sur cette pépite hard. A noter que Bob Kulick fut connu également comme musicien de session pour tout ce que comptait de groupes et artistes majeurs à cette époque. Le second lui, était déjà connu des fans de W.A.S.P. pour avoir pris ses marques sur leur précédente réalisation, « The Headless Children » et on l’avait entendu précédemment après son passage par les rangs de QUIET RIOT notamment. Au niveau des musiciens additionnels, on retrouve bien que non crédité le talentueux guitariste Doug Aldrich au CV conséquent (DIO, WHITESNAKE, THE DEAD DAISIES) pour un solo sur le morceau ''Arena Of Pleasure''. Enfin, les parties de batterie sont cosignées par Stet Howland qui restera ensuite en place dans la formation en remplacement de Banali. Pour le contenu musical proprement dit, on ne va pas refaire le match de compositions connues sur le bout des doigts par tous les fans, juste rappeler que si ce disque est un classique de par sa nature de concept-album, quelques titres continuent d’être interprétés à chaque concert de W.A.S.P. de nos jours, "Chainsaw Charlie (Murders In The New Morgue)" et parfois la sublime balade ''Hold On To My Heart'' en tête. La phrase musicale que l’on retrouve tout au long des morceaux et qui  fait office de fil rouge (cramoisi) prend une autre dimension lors de ''The Idol'' et la finale ''The Great Misconceptions Of Me'', chansons épiques pour le moins, culminant à près de 9 et 10 minutes respectivement.

La réédition de 1998 inclut un (long) titre bonus acoustique et narré de seize minutes, ''The Story of Jonathan (Prologue To The Crimson Idol)" qui aurait dû figurer sur l’album tant il est indispensable dans la compréhension de l’histoire de Jonathan Steele. Sur le deuxième disque, on retrouve douze morceaux où priment deux inédits ("Phantoms In The Mirror" et "The Eulogy" à retrouver en fin de chronique) qui auraient là encore mérités d’être inclus au disque original. Au programme également, une étonnante et convaincante reprise de LED ZEPPELIN, ''When The Levee Breaks'' extraite de l’album « IV » (ou « Led Zeppelin ») même si ultra fidèle aux arrangements du titre original, se voulant surtout une nouvelle illustration de l’amour que porte Blackie pour le rock anglais des années 70 si on se remémore leur version du ''The Real Me'' de THE WHO qui figure sur « The Headless Children ». Mais le plat de résistance réside dans l’inclusion du concert intégral donné par W.A.S.P. au festival des Monsters Of Rock à Donington le 22 août 1992 où le groupe livra une prestation ramassée de sept morceaux seulement mais tous plus implacables les uns que les autres. Vingt ans plus tard, en 2018, sortit la version 2.0 de ce classique sous le nom de « ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol », revisité et surtout réenregistré pour l’occasion, ce qui fit couler beaucoup d’encre de la part de détracteurs qui n’ont pas accepté que l’on touche au sacro-saint et qui de toute façon lui avait fait son procès avant même d’en avoir entendu la moindre note. Pourtant, et la chronique faite à sa sortie sur le site HARD FORCE en atteste, l’entreprise s’est avérée une réussite totale de la part du contremaître et ingénieur en chef, permettant de redécouvrir ce chef d’œuvre avec des oreilles neuves, agrémenté de titres complémentaires pour l’occasion et de nouveaux musiciens par ailleurs. W.A.S.P. était alors venu en France quelques mois précédant la sortie de ce disque pour une tournée-hommage/promotion qui célébrait les vingt-cinq ans de l’album original, où la rédaction de HARD FORCE était bien évidemment présente lors de la date parisienne donnée le 29 octobre 2017 (live-report à retrouver en cliquant ici).

Nul n’est prophète en son pays comme on dit et « The Crimson Idol » n’enregistrera pas de ventes record aux Etats-Unis mais il fut tout de même très bien accueilli dans quelques pays européens (11eme place en Norvège et 21eme en Angleterre). Et si l’Angleterre justement aligna une douzaine de dates pour la tournée, la France, à l’instar de ses homologues européens, dut se contenter d’une unique date à l’Elysée-Montmartre de Paris le 28 octobre 1992 pour un concert « best of », une malheureusement trop fâcheuse habitude pour W.A.S.P. qui s’est ensuite souvent contenté (encore de nos jours) de la jouer façon juke-box au détriment de ses fans purs et durs qui aimeraient parfois entendre autre chose que les sempiternels mais néanmoins excellents titres élevés au rang de classiques du heavy metal. Blackie, si tu nous lis…

Pour aller plus loin :
​« W.A.S.P. » (1984) : "I Wanna Be Somebody", "L.O.V.E. Machine", "On Your Knees"…
« The Last Command » (1985) : "Wild Child", "Fistful Of Diamonds", "Blind In Texas"…
« Inside The Electric Circus » (1986) : "Inside The Electric Circus", "9.5.-N.A.S.T.Y.", "Shoot From The Hip"
« The Headless Children » (1989) : "The Heretic (The Lost Child)", "The Headless Children", "Mean Man"…
« Dominator » (2007) : "Mercy", "Take Me Up", "Heaven's Hung In Black"…
« Golgotha » (2015) : "Scream", "Miss You", "Golgotha"… Retrouvez l’interview de Blackie Lawless accordée à Laurent Karila pour la sortie de l’album ici
« ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol » (2018) : tout !



Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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