19 avril 2015, 21:10

HARDCORE SUPERSTAR : "HCSS"

Album : HCSS

Les Suédois HARDCORE SUPERSTAR nous ont d'emblée habitué à l'excellence avec un fabuleux "faux" premier album officiel en 2000, le redoutable "Bad Sneakers And A Pina Colada", manifeste difficilement égalable de sleazy punk-glam réunissant le meilleur des deux mondes, la flamboyance et l'urgence de l'esprit west-coast californien et l'authenticité Crüe scandinave (et notamment paru après un premier jet introuvable, "It's Only Rock'n'Roll"). Derrière, le quatuor a engrangé les très bons albums : l'énorme "No Regret" - plus pop glam-rock rétro -, ainsi que "Hardcore Superstar" chez Bad Reputation, recueil stéroïdé d'hymnes potentiellement taillés pour les stades. Une personnalité attachante (principalement le noyau du chanteur Jocke et du batteur Adde), une communication sympathique, une attitude hyper cool, un look des plus rock'n'roll et une rare expertise dans le songwriting qui tue. Cependant, si HARDCORE SUPERSTAR a considérablement durci le ton avec ses dernières réalisations (le groupe est dans la vie autant fanatique de heavy-rock que de thrash bien épicé !), c'était au détriment d'une certaine constance dans la qualité de ses chansons lors des deux-trois derniers albums que l'on qualifiera de plus dispensables, anecdotiques et interchangeables, d'autant plus en comparaison avec une première partie de carrière assez excitante. Hélas, à force de vouloir à tout prix se montrer plus vociférant que nature, les Suédois ont certes gagné une certaine légitimité auprès de la frange plus métallique de leurs nouveaux fans, mais se sont quelque peu fourvoyés dans une formule dénuée de tout charme, malheureusement plus commune et consensuelle - pourvu qu'il y ait du décibel.

Avec ce 10ème album plus acronyme qu'éponyme, non seulement retrouve-t-on l'essence même d'HARDCORE SUPERSTAR, mais avec davantage d'audace, d'originalité et de chansons fabuleusement troussées.
Si la première partie de l'album ne déroutera en aucune mesure les habitués aux formats précédents, la deuxième est une claque incroyable. C'est véritablement avec "sa face B" que "HCSS" décolle vraiment, à commencer par un premier virage entamé avec la ballade "Fly", répondant aux échos d'une vieille composition retrouvée par un fan qui leur rappela leur première démo antédiluvienne et qui servit de matrice à la conception de cet album tout bonnement exaltant, frais et surtout diaboliquement F.U.N. Sous ses parfums explicitement psychédéliques et vaporeux, cette power-ballade enfumée, à l'ancienne, alterne la nostalgie nébuleuse de ses couplets avec un refrain stellaire et illuminé de choeurs majestueux et accrocheurs, nous emmenant tous dans un trip aux frontières des seventies, tout en se mariant avec la modernité des grands disques récents d'AEROSMITH.
Et derrière cette envolée, une succession de mandales attend l'auditeur : cramponnez-vous, vous allez être servis ! "The Ocean", après une intro atmosphérique trompeuse, s'installe comme un gros hit potentiel, candide et classique, porté par un riff monstrueux, une mélodie sous forme de comptine coquine et un chorus pour gorges déployées et décomplexées.

Plus fort encore : "Touch The Sky" repose sur un beat electro-funky, grosse caisse post-glam pompeuse et tonitruante, et basse over-saturée pour s'assurer que vous bougez bien TOUS vos petits culs - elle pourrait paraître un brin putassier sous ses aspects heavy-discoïdes mais c'est juste irrésistible, le genre de tube imparable qui réunirait MÖTLEY CRÜE (et sa période "Generation Swine"), MARILYN MANSON (ère "Mechanical Animal") et un PRODIGY avec des canines limées. A ce stade, la température est déjà bien étouffante : vous êtes tous à poil, ne vous inquiétez pas, tout va bien.
Avec une intro aussi bien rétro-futuriste prog' façon PINK FLOYD, une B.O de films d'horreurs italiens voire la cold wave des 80's, "Growing Old" fait le pont entre BUCKCHERRY et les débuts mêmes de HARDCORE SUPERSTAR, avec un son de gratte rappelant parfois celui de Daron Malakian dans les "Hypnotize" / "Mesmerize" de SYSTEM OF A DOWN ; mais au-delà, cette petite merveille sleazy-rock évoque carrément ce qui représente pour moi l'un des meilleurs groupes de pop-rock sleazy-psychédélique heavy-fusion alternatif (oui oui, rien que ça !) du début du millénaire : les méconnus et trop éphémères ANYONE. Personne ne se rappelle de cet extraordinaire groupe de freaks de L.A. signés chez Roadrunner autour de 2000 - et bien pourtant, l'esprit est bien là au sein de cette nouvelle pépite incontournable.

Je vous avais dit que ça allait de plus en plus fort : "Glue" fait à nouveau péter le mercure. Du heavy-glam surboosté par un riff élémentaire répété en boucle, des maracas, une cowbell forcément accrocheuse, des effets de pédales mortels sur la guitare, et surtout un refrain de malade mental : si une partouze réunissant le génie de SKID ROW, RATT, BUCKCHERRY et AEROSMITH avait lieu sur une banquette de velours pourpre quelque part dans un coin de l'Olympe, "Glue" en serait-elle assurément la bande-son idéale - ou en tout cas l'un de ces morceaux diaboliquement stupres qui succèderait idéalement aux "Girls Girls Girls" et autres  "Crazy Bitch" sur les cat-walks de tous les strip-clubs de L.A et Vegas.

Voilà : si sa première partie est invariablement bonne avec son lot de chansons pourtant sans surprise, ce sont quasiment les cinq dernières de l'album qui nous ont radicalement scotché (la n°10, "Messed Up For Sure", brûlot certes fougueux et orageux, revient aux standards des toutes premières, sans décevoir pour autant mais sensiblement en-deçà des morceaux sur lesquels nous venons de nous attarder avec un enthousiasme non feint.
Et le plus surprenant dans l'histoire, c'est que cette dixième galette historique, si singulière et exceptionnelle a été mise en son par l'intrépide et incorruptible Joe Barresi, célèbre producteur et mixeur aux goûts sûrs et affirmés plutôt habitué aux QUEENS OF THE STONE AGE, TOOL, FU MANCHU, KYUSS, WOLFMOTHER, CLUTCH, L7, EVERY TIME I DIE, MELVINS, CHEVELLE ou autres productions plus alternatives et rugueuses - et notamment de leurs frères ennemis BACKYARD BABIES. Autant dire que la patte assez iconoclaste de ce bidouilleur de légende a apporté une toute nouvelle dimension au rock complètement décomplexé des mecs de Göteborg : vu d'ici, et pour l'heure, "HCSS" tourne en boucle dans la platine depuis pas loin de deux mois, accompagnant notre programme minceur d'avant l'été en nous secouant comme des shakers électriques. Et l'on est pas loin de l'associer à "Bad Sneakers And A Pina Colada" comme leur autre album ultime.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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