A l’entrée du « village artistes » de Wacken, sur l’un des gros talus qui entourent le Saint des saints de la « cathédrale du heavy metal mondial » (Paul O’Neill), posée sur une herbe vert vif contrastant avec le masque de boue qui recouvre le reste du festival, une toile noire d’au moins 8 mètres sur 12, au message en lettres blanches : « Welcome back SAVATAGE ». Aucun doute n’est permis : le retour sur la scène du W:O:A, après 13 ans, de l’autoproclamé « plus grand groupe de metal progressif au monde » (cette fois accompagné de TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA) est l’évènement du week-end. De la scène à la conférence de presse, sacré retour, en effet…
Depuis que le running-order de l’édition 2015 du Wacken Open Air a été dévoilé, le slot consacré à TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA (TSO) et SAVATAGE alimente toutes les spéculations : sur plus de deux heures, en tête d’affiche du jeudi, il barre à la fois la Black Stage et la True Metal Stage, les scènes principales du légendaire festival allemand. Les deux groupes (frères, sinon siamois) jouant alternativement, sur une scène puis l’autre ? « Ce serait dingue ! » (Al Pitrelli). Mais, fruit du cerveau de Paul O’Neill, le projet est encore un tout petit peu plus barré que ça.
Ce n’est pas comme si l’évènement, par sa nature même, n’était pas déjà exceptionnel à plusieurs titres : reformation de SAVATAGE après plus d’une décennie, première prestation en festival et a fortiori en "open air" pour TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA – date unique en Europe pour 2015, ça va sans dire. Si bien que malgré la pluie, quasi incessante depuis plusieurs jours, jeudi à 21h45, tout Wacken est tourné vers l’immense tête de taureau enflammée qui ceint les scènes principales du festival : 80 000 personnes au bas mot, dit déjà la légende.
Au programme : d’abord côté jardin, sur la Black Stage, un set de SAVATAGE, revisitant avec orchestrations renforcées tous les classiques du groupe, de « Gutter Ballet » à « Hall Of The Mountain King » en passant notamment par « Edge Of Thorns » et « Dead Winter Dead ». Sur scène, le line-up "canal historique" : Jon Oliva à la voix et au clavier, Al Pitrelli et Chris Caffery aux guitares, Johnny Lee Middleton à la basse, Jeff Plate derrière les fûts – mais aussi des apparitions de Zak Stevens et d’autres musiciens de TSO.
Ensuite côté cour, sur la True Metal Stage, un set de TSO, entamé avec « Madness Of Men » (nouveau morceau, issu de l’album en cours de production « Letters Of The Labyrinth »). Suivent en particulier des "hits" comme « Toccata – Carpimus Noctem » ou « Beethoven », un clin-d’œil à SAVATAGE avec « Hourglass » et un autre titre inédit, « Prometheus ». Dans la féérie pyrotechnique et lumineuse, sous le déluge, la valse des musiciens est difficile à suivre : quatre guitaristes, des paires de bassistes, de claviers, de batteurs, un couple de violons se succèdent sur la scène… On ne citera pas les quarante musiciens, de tous âges et plusieurs nationalités, mais parmi la kyrielle de voix dont dispose la troupe, celle de la troublante Kayla Reeves, qui avait rejoint l’aventure TSO à 17 ans, semble avoir pris du galon.
Enfin à 23 heures, ce sont les deux scènes qui s’illuminent à la fois : pendant encore une heure, c’est un « Trans-Savatage Orchestra » qui s’offre à Wacken, TSO reprenant SAVATAGE et inversement, tous ensemble, sans se voir les uns, les autres. Spectacle total pour « Carmina Burana », « Mozart and Memories » ou encore les hymnes « Believe » et « Change », avec Paul O’Neill qui vient taper la gratouille en forme d’apothéose sur les deux derniers morceaux, « Christmas Eve (Sarajevo 12/24) » et « Requiem (The Fifth) ». Merci Wacken et bravo Trans-Savatage.
Vendredi, 16 heures : le soleil est définitivement revenu sur Wacken. La conf’ conjointe de SAVATAGE et TSO est sans contestation possible l’événement du week-end en zone de presse. Beaucoup de journalistes et encore beaucoup plus de "VIPs" prêts à tout pour un médiator de Paul O’Neill, un autographe de Jon Oliva ou d’Al Pitrelli, un selfie avec Chris Caffery ou un bisou de Kayla Reeves.
Dans une ambiance de standing ovation perpétuelle, on apprend que les musiciens ont répété pendant plusieurs mois, chaque formation dans un bâtiment séparé, pour pouvoir parvenir à jouer sans se voir à Wacken. Seule la mise en place musicale avait d’ailleurs été répétée, l’ensemble de la production (notamment 800 éclairages et 1 500 éléments pyrotechniques) ayant été conçu pour ce spectacle unique, sans test, sans filet – le tout installé sous une pluie battante, par des techniciens qui pataugeaient dans 30 cm de boue, ce dont chacun présent à Wacken entre mercredi et jeudi peut témoigner.
Tous semblent vraiment exténués, mais soulagés. Si Paul O’Neill est le concepteur de l’ouvrage, Jon Oliva et Al Pitrelli en sont les grands architectes, chacun chargé d’une scène, SAVATAGE et TSO respectivement. Pitrelli : « J’ai cru avoir une crise cardiaque quand Paul m’a décrit le projet. Entre ce moment et la dernière note du dernier morceau, hier soir, je n’ai pas vraiment respiré. » Jon Oliva est encore plus direct : « J’aimerais qu’on m’achève, maintenant ! J’ai eu tellement les jetons… ».
Après vingt bonnes minutes, Wolfgang, qui anime le début de la conférence de presse, doit finir par céder son micro à des journalistes présents dans la salle – ben oui, c’est dommage, mais on ne peut pas toujours faire que de la comm’, non plus. C’est un confrère français de Metallian le premier qui relève le gant : « J’ai adoré voir SAVATAGE super orchestré, hier soir. Mais en tant que fan hardcore, j’aimerais revoir SAVATAGE non orchestré. Est-ce que ce serait possible, dans l’avenir ? »
Paul O’Neill : « Je crois qu’on a démontré hier soir que tout était possible. Il suffit de le vouloir. Mais pas sûr qu’on le veuille. Il faut aller de l’avant. Tu imagines tout ce qu’il a fallu pour faire le show d’hier soir ? 40 musiciens, 70 techniciens, 8 conteneurs maritimes ! (…) ».
