13 décembre 2015, 12:15

RIVAL SONS

Interview Scott Holiday - Part 3

...Entretien fleuve retranscrit en intégralité avec l’une des futures légendes du classic-rock de demain, un guitariste immense aussi modeste que franc et ambitieux, bardé d’humour et de passion complètement contagieux. Magnéto. (Part 3)


De nombreux magazines (dont Classic Rock qui vous soutient depuis le début donc), beaucoup de journalistes et de fans craignent en effet l’extinction des grands noms du classic-rock, ces légendes remplissant les arènes et les stades et qui sont aujourd’hui encore là pour leurs quelques dernières années. Croyez-vous franchement représenter leurs dignes successeurs, les élus de demain ? 
C’est une question à double tranchant. Si je réponds : « Oui », on va me prendre pour un trou du cul. Est-ce que je peux décemment affirmer que mon groupe peut remplacer complètement mes héros ? Non. Bien sûr que non. Mais est-ce que je crois qu’il existe un vide dans le monde du rock que l’on pourrait raisonnablement combler ? Oui, définitivement oui. Parce que c’est notre sang et notre sueur et que l’on adore le rock’n’roll. Et que nous sommes des fans. Comme tous ces groupes qui avaient eux-mêmes leurs héros. Comme les STONES ont amené leur amour pour le blues dans les 60’s avec leurs reprises de Howlin’ Wolf ou de Muddy Waters. Et pareil avec d’autres artistes comme Eric Clapton qui ont offert toute leur crédibilité à des artistes plus obscurs tout en créant tout un style de musique. Je les aime profondément et ils méritent tout ce succès, parce qu’il y a une connexion évidente ici. Et j’espère pouvoir cimenter le même genre de connexion à notre tour, entre les vieux fans et les plus jeunes. Ça serait la seule bonne raison de dire : « Oui, quelqu’un doit faire ça ! ». Pourquoi devrions-nous nous tenir à l’écart ? On veut participer à la fête. On peut toujours prendre du plaisir, de cette façon, oui. Est-ce que je vais me mesurer à eux et me retrouver épaules contre épaules avec eux ? Je ne crois pas, ce serait une manière très ignorante et égocentrique d’aborder la question… Je suis toujours dans leur ombre et tout ce que j’espère, c’est de donner le meilleur de moi-même en restant auprès d’eux. 

Je fais partie d’une grande majorité de fans de rock et de magazines tels que Classic Rock qui vous soutiennent et croient en vous depuis le début, mais tout cela en dépit de l’état actuel de l’industrie du disque ? Cela doit être difficile d’être dans cette situation, ou plus rien n’est possible comme autrefois malgré le talent et les opportunités…
Oui, c’est dur pour tout le monde mais heureusement, nous venons du fin fond alors que cela commençait à dégringoler. Lorsque toutes ces énormes corporations ont commencé se casser la gueule, les barreaux de ces échelles étaient si hauts ! Lorsque tu commences à la base, l’impact n’est pas si grand pour toi. Nous avons dû nous habituer à ce nouveau rythme et avons adapté notre business à ces nouvelle situations. S’il y a bien un conseil que je pourrais donner aux jeunes autres groupes qui veulent persévérer dans cette voie, c’est : « Les kids, gardez tout. Gardez vos droits sur vos albums, gardez tout. Il y a un moyen pour les businessmen de se faire de l’argent avec vous. Pas sur vous. Ne vendez rien, c’est la seule façon que vous aurez de survivre. La seule. » Tu vois, on paye pour cette tournée. On paye pour toutes ces tournées. Et si on voit de l’argent arriver en contrepartie, et bien tant mieux ! Si tu as besoin d’argent, pars en gagner. Et si tu rêves d’en avoir plus, au moins tu auras conservé tes droits sur tes œuvres. C’est comme ça qu’on gère notre business et si tout le monde le faisait ainsi, tout irait bien ! Tout se restructure, il existe encore des labels de merde qui volent aux artistes, mais cela ne nous arrivera pas. 

Vous êtes très loyaux envers votre label Earache… J’imagine que des mecs en costard sont venus frapper à votre porte depuis…
Ils ont toujours été bons envers nous, même s’il y a certaines choses que nous aurions rêvé de faire mais qui n’étaient pas à notre portée ; mais ils ont bossé super dur, ils ont ouvert des portes pour nous comme nous leur avons ouvert des portes – c’est une excellente relation jusqu’à aujourd’hui, j’en suis très fier, au même titre que tout le catalogue qu’ils ont construit.
 

« Je sais qui sont les fans les plus loyaux sur Terre : les fans de country music et les fans de metal. Ils seront là pour toujours. Et les fans de metal probablement encore plus, ils dédient leur vie à leurs groupes. Je me sens tellement reconnaissant et si à l’aise avec eux parce que je suis des leurs.  » – Scott Holiday



Au beau milieu de la tournée BLACK SABBATH, vous serez toujours en leur compagnie chez nous, en Europe, pour bon nombre de festivals cet été, comme chaque année. Le Download, le Hellfest : principalement des événements metal. Vous n’êtes vraiment pas un groupe de heavy metal, mais la plupart de vos fans appartiennent à cet univers. En plus d’avoir été signés sur un label de metal extrême, vous tournez en plus énormément avec de gros groupes affiliés au genre. N’avez-vous pas parfois la sensation d’être coincés dans une case avec laquelle vous ne vous reconnaissez pas tant que ça sur un point de vue artistique ?
Je trouve ça extraordinaire. Au tout début quand c’est arrivé, j’étais plutôt étonné, confus. Pourquoi devions-nous accepter ça ? Pourquoi devions-nous partir en tournée avec JUDAS PRIEST ? Pourquoi jouer au Hellfest ? Ça nous paraissait complètement bidon, voire régressif de devoir accepter ces premiers compromis. Et j’avais complètement tort. Ces fans n’attendaient qu’une chose : du rock’n’roll. Je me rappelle de notre Hellfest, c’était extraordinaire. Je connais ces mecs, parce que j’ai été un fan de metal moi-même. Et je sais qui sont les fans les plus loyaux sur Terre : les fans de country music et les fans de metal. Ils seront là pour toujours. Et les fans de metal probablement encore plus, ils dédient leur vie à leurs groupes. Je me sens tellement reconnaissant et si à l’aise avec eux parce que je suis des leurs. 

Et bien j’étais d’ailleurs là sous cette tente au Hellfest en 2012, à vous soutenir ; j’avais même trouvé le concert si bon que l’article que j’ai dû écrire sur tout le festival était illustré d’une photo des RIVAL SONS parce que, selon moi, vous aviez vraiment été le meilleur groupe de cette année-là…
Waow, c’est grâce à des gens comme toi qu’on en est là aujourd’hui ; vous faites un si bon boulot, c’est la seule manière qu’ont les gens de pouvoir être informés de notre existence… 

De retour sur vos débuts, tu avais dû lutter pour persuader Jay Buchanan de rejoindre le groupe. Le chanteur, alors dans une formation folk, n’était pas vraiment dans un mode rock’n’roll ni dans tout ce cirque. Comment s’est-il adapté à ce monde aujourd’hui ? Qu’est-ce qui l’a aidé à s’y sentir à l’aise ? Le succès ? L’ego ? La confiance en soi ? La connaissance plus approfondie de cet environnement ? Ou tout simplement votre musique ? 
Oh, en fait je ne peux pas trop parler à sa place mais je crois que cela a été exagéré, je n’ai pas trop eu à “lutter” pour qu’il nous rejoigne dans le groupe. J’ai dû passer quelques coups de fil mais ça n’a pas été une poursuite incroyable. Dès qu’on a commencé à parler ensemble, on a discuté de blues, principalement, ce qui est intrinsèque au rock’n’roll, et on immédiatement accroché. On a pas eu à le forcer ou à le convaincre : on était sur la même longueur d’onde. Il a grandi sur du rock, tout autant que moi. Je pensais fermement que le rock avait besoin d’une source de vie bien fraîche, j’aime tant le rock et j’avais une telle envie de le revitaliser. Et selon moi, il était tout destiné à ce qu’on le fasse ensemble, lui et moi ! Point à la ligne ! Ni lui ni moi n’étions intéressés dans l’idée de trouver quelqu’un d’autre ! La première fois que nous avons pu jouer ensemble fut fantastique ; on en a reparlé, on a rejoué une nouvelle fois, et c’était fait ! On s’est trouvé de façon complètement innocente et naturelle. La connexion entre nous quatre fut évidente et réelle. Rien ne fut préfabriqué, ce fut profond et rapide, et on parlait d’ores et déjà de bâtir quelque chose de différent et de nouveau. Donc ce ne fut pas une chasse à l’homme ; il était juste dans un autre univers à cette époque, et il est si naturellement rentré dans cette peau de rock-star, ce frontman incroyable qu’il est ! Un chanteur, un compositeur, que ce soit folk, blues, rock… Ça pourrait être prétentieux ou arrogant d’affirmer ça, mais il ne lui a fallu qu’une minute pour trouver ses marques…

Il est tellement lui-même sur scène, avec une telle intensité. Quand on l’observe pour la première fois ou pour la énième fois sur scène, Jay évoque parfois les postures de Robert Plant, de Jim Morrison ou de Janis Joplin, mais tout en étant lui-même, sans poses excessives ou artificielles… 
Je pense que pour ces gens-là tout était si honnête à leur époque : leur attitude, leurs poses et tout le reste étaient pour elles tellement naturelles – et pourtant, on peut vraiment parler de postures ! Quand tu observes un mec comme Jim Morrison, blindé de substances comme personne d’autres, et bien pourtant tout parait si innocent et si peu réfléchi ! Aussi défoncé fut-il, il était vraiment là ! Pareil pour Hendrix avec des fringues parfois ridicules et des shows décousus : bon sang quelle présence ! Je ne sais pas si je peux dire qu’on est le groupe qui reflète notre époque, mais au moins puis-je te dire que l’on est honnête dans ce que l’on fait et dans ce que nous sommes, sur scène et à l’extérieur. Et je crois que Jay fait ça vraiment très bien.
 

« Tout le monde dans le groupe a des appétits musicaux assez vastes. On écoute de tout, du jazz gypsy à de la musique electro moderne, de la soul, du metal, de la musique classique. » – Scott Holiday



Je vous ai vu pas mal de fois en concert en France depuis quatre ans maintenant… On ne compte d’ailleurs plus les fois où vous avez donné des concerts dans notre pays. Pays, la France, qui pour de nombreux autres groupes ne vaut pas le coup d’être visité car il n’est pas un marché assez sû, et pas assez doté d’une culture rock’n’roll. Quels sont vos sentiments envers notre pays ? 
Pour les Américains, la France est un pays à part entière, unique, pas comme les autres et assez indépendant, du genre : « Nous n’avons pas besoin de vous ! » Et comme vous avez raison ! C’est tellement rafraîchissant et même pour un Américain, de venir en France et de sentir ça ; ça fait du bien, et vous savez quoi ? Qu’on aille se faire foutre ! Vous avez votre propre truc et ça je le capte. Pareil en Scandinavie. Et cependant, on espérait qu’il y aurait une petite partie d’entre vous qui viendrait nous accepter ici. D’où nous en sommes, aujourd’hui, cela a largement dépassé nos espérances. Ça a été bien plus rapide et plus gros que ce à quoi nous nous attendions chez vous. Nous sommes plus que flattés. On adore venir chez vous ; sur la dernière tournée, on a fait genre neuf dates françaises, ce qui est énorme pour un groupe américain… Et on est tous tombés amoureux de votre pays. Vraiment. J’adore Paris, mais toutes ces villes de province, ces petits marchés dans le sud, waow c’était fabuleux. J’espère pouvoir continuer à venir jouer chez vous, d’autant que le public est magnifique et si poli… et si rock’n’roll.

Pour un groupe originaire de Los Angeles, vous passez certainement la moitié de votre temps sur les routes, principalement européennes : vous avez une très forte expérience avec le Vieux Continent. Est-ce que cela modifie votre perception de votre propre pays ?
On avait particulièrement apprécié le Sud de la France, peut-être à cause du climat parce que chez nous en Californie, il fait toujours chaud, alors on s’est un peu plus sentis comme à la maison – et le climat influence à peu près tout ! Après, partout autour du monde tu observes des différences parfois complètement opposées les unes aux autres, et ça te fait réaliser à quel point tu dois t’adapter où que tu sois – ça peut être drôle, ou cool, et en même temps, d’un point de vue politique, cela peut être incroyablement décevant ! Tu te dois de faire très attention à ce que tu dis lorsque tu te trouves dans tel ou tel pays européen et que la conversation tourne autour de la politique ! Tu ne vas pas gueuler : « Je suis américain !!!! » (rires) ! Non non, chut chut, on se calme, parce que personne dans cette pièce ne nous aime, nous et notre politique ! Mais nous ne sommes que des artistes, des musiciens qui représentent les grands espoirs de ce à quoi croient les Américains…

Pour finir, et comme je ne savais pas encore que vous étiez déjà rentrés en studio pour boucler votre nouvel album, je voulais savoir si, à l’instar de la grande richesse artistique du précédent, vous alliez poursuivre cette tendance à vouloir explorer de nouveaux territoires musicaux ? On vous sait déjà si avides de hard-rock, de blues, de soul, de garage psychédélique, de folk, et de toutes ces racines ancrées dans les années 60 et 70…
Oh oui ! Plein ! Et en même temps on se doit d’être très prudents de façon à ne pas aliéner l’auditeur. Tout le monde dans le groupe a des appétits musicaux assez vastes. On écoute de tout, du jazz gypsy à de la musique electro moderne, de la soul, du metal, de la musique classique. Alors oui, il y a bien sûr des choses que l’on aimerait incorporer à notre son, mais on doit être bien conscients de ce que l’on s’apprête à faire. Si on veut aller si loin dans une direction, peut-être le faire différemment. Sur le prochain album que l’on vient donc d’enregistrer, et comme les précédents, on a essayé de repousser un peu plus loin certaines limites sans pour autant risquer d’entendre dire : « Oh mon dieu, ils viennent de nous pondre un disque d’electro ! C’est des conneries ! Ce n’est pas ce que je voulais entendre chez ce groupe ! » (rires) Et je ne peux qu’être relativement d’accord avec ce point de vue. Alors on a essayé d’étendre nos horizons, tout en étant réalistes et honnêtes.


Part 1
Part 2

Photos : 2015 © Hard Force / Christian Ballard - DR


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