Onze minutes. C’est le temps que dure la vidéo “Racism in metal” qu’a postée Robb Flynn sur la chaîne YouTube de MACHINE HEAD. Face à la caméra, le chanteur/guitariste s'adresse à Phil Anselmo suite à son “dérapage” au Dimebash 2016, rendez-vous annuel des amis de Dimebag Darrell (mais auquel son frère Vinnie Paul ne participait pas). Au moment de quitter la scène, l’ex-chanteur de PANTERA, passablement bourré, se fend d’un salut nazi avant de gueuler « White power ! ». Silence gêné dans la salle. Le fan qui a filmé la reprise de “Walk” a commencé par poster sa vidéo sur YouTube en coupant la fin. Avant de se raviser. Il s’est fait incendier mais, d’une certaine façon, a levé l’omerta qui a permis à un musicien de la notoriété d'Anselmo de tenir des propos racistes à de nombreuses reprises au cours de sa carrière sans que jamais une seule protestation ne s’élève (ce n'est pas Varg Vikernes non plus). Ni chez les fans, ni chez les autres musiciens.
Car il restera à tout jamais la voix de l’un des plus formidables groupes de metal de tous les temps, un des “patrons”, et que l’on ne peut (ne pouvait ?) s'empêcher d'éprouver un certain respect pour lui. Même si depuis de trop nombreuses années, ses différentes addictions lui ont flingué la voix et qu’il n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut dans les années 90. Y compris au niveau scénique. Et puis au fond, personne n’a vraiment envie de se mettre la communauté des métalleux à dos – du moins ceux qui ont pris le parti du chanteur et se foutent ouvertement des “chochottes” qui ont été scandalisées par une attitude qui leur paraît “acceptable” – ni de se retrouver « five minutes alone » avec lui. Attaqué sur Internet suite à cette mise en ligne qui fait mal, Anselmo a tenté une pirouette en affirmant que c’était juste de l’humour et qu’il faisait tout simplement référence au vin blanc qu’il avait bu backstage. C’est sans doute ça qui fait que Robb Flynn a vu rouge…
« J’étais là et je peux vous garantir qu’il n’y avait ni Chardonnay, ni Pinot Grigio backstage. La seule chose que tu as bue, Phil Anselmo, c’était de la Beck’s – de la bière allemande. C’est peut-être de là qu’est venue ta vanne, hein ? Bière allemande. White power. Qu’est-ce qu’on se marre… » Flynn fait remarquer, à juste titre, que si certaines têtes de turc (il cite, “au hasard”, Lars Ulrich, Chad Kroeger de NICKELBACK ou Justin Bieber) s’étaient permis ce genre de sortie, ils auraient aussitôt été crucifiés en place publique. « J'entends déjà les arguments stupides : “Pourquoi un Noir peut-il dire : “Black power” et un Blanc n'a-t-il pas le droit de dire : “White power” ? » On va faire une petite révision d'histoire. Les Blancs ne sont pas opprimés par les Noirs, ici en Amérique. Les Noirs ont connu l'esclavage mais ils ont aussi été opprimés à tous les niveaux : national, régional, même au niveau du voisinage. J'ai acheté il y a quelques années une résidence secondaire en Californie que je loue aujourd'hui. Elle date des années 1950 et on peut lire sur le contrat établi à l'époque : “Aucun nègre n'aura le droit d'habiter dans cette maison ni dans ce quartier”… »
Flynn raconte qu’il s'éclatait vraiment à cette soirée jusqu'au moment où il a un peu discuté avec Anselmo, déjà passement cuit, puisqu’ils devaient jouer deux reprises de PANTERA ensemble. « Ça ne faisait pas 30 secondes qu’on parlait quand il m’a dit qu’il haïssait littéralement notre “période nègre” en faisant référence à notre troisième album, « The Burning Red » (…) Je lui ai ri au nez et je lui ai demandé s’il allait me faire un procès pour la musique que je jouais et le look que j’avais à l’époque… »
« J’étais sur scène avec toi pour jouer “A New Level” et, comme d’habitude, tu as fait le salut nazi après le chorus « and (white) power ». Tu l’as toujours fait et personne n'a jamais fait le moindre commentaire. Aucun fan, aucun groupe. »
« Je ne pense pas qu’il faille réclamer ta tête. Nous vivons aux Etats-Unis. Le pays de la liberté d’expression. Tu es libre de dire “white power” et de faire tous les saluts nazis que tu veux, mais cela ne te donne pas la liberté d’échapper aux critiques. Parce que c’est n’importe quoi. Il y a ceux qui disent : “Oh… si ça vous choque, blah blah blah…” Si ça ne vous choque pas, alors allez vous faire foutre ! ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! Il n’y a pas de place pour ce genre de propos dans le metal. Et s’il y en a, eh bien moi je me casse. »
« Au revoir, Phil Anselmo. Je ne jouerai plus jamais de ma vie un titre de PANTERA. »
Avant-hier, Christian Lamet postait sur la page Facebook de Hard Force : « On connait le bonhomme, musicalement, un puriste du metal. Il nous fait rire souvent et nous irrite parfois. Il n'est pas toujours en état de conduire et sa voix a pris un sérieux coup ces dernières années, mais c'est LE Phil Anselmo. Maintenant, doit-on tout lui pardonner, y compris le pire des dérapages ? Votre avis nous intéresse ! » C'est triste à dire mais ce qui aurait pu être l'occasion d'une discussion constructive ("Peut-on tout passer aux musiciens dont on est fan ?”) s'est transformé en règlement de comptes envers les journalistes du site qui, entre deux insultes, ont été accusés de faire du Voici (l'équivalent du « Toi même ! », summum de la vanne des (toutes petites) cours de récré). Car c'est bien la question : peut-on vraiment continuer à apprécier autant l'œuvre d'un musicien quand il véhicule des idées nauséabondes ?
Il nous a semblé intéressant de vous faire partager la vision sensée de Robb Flynn, un musicien qui, s'il n'est pas toujours facile avec les médias, est en tout cas un indigné qui ose s'élever contre “l'intouchable” Anselmo. Pour l'instant, aucun des autres musiciens présents à la soirée n'a émis le moindre commentaire…