14 février 2016, 16:50

TRIVIUM

+ KAUSTIK @ Los Angeles (Roxy)

C’est en toute simplicité qu’on sautait dans un avion il y a des petites semaines pour aller passer un week-end prolongé à Los Angeles, entre potes. Arrivés sur place, on se jette sur le L.A. Weekly, sorte de Pariscope format XL, hebdomadaire gratos ultra rock ’n’ roll et underground qui liste TOUS les concerts du moment, salle après salle, club après club, bar après bar. Sauf que cette semaine-là, il ne se passait hélas pas grand-chose : notre délire associé à tant de vanité était certes exceptionnel, mais récompensé par l’absence d’événements marquants dans les clubs de Sunset Boulevard et d’ailleurs. C’est bien sûr une fois que nous allions repartir loin d’ici que les soirées allaient pleuvoir sur la mégalopole, avec pas moins de deux dates au Forum pour BLACK SABBATH et deux nuits consécutives au Whisky A Gogo avec Michael Monroe et HARDCORE SUPERSTAR. Bref.

On se console tout de même en allant au Rainbow Bar & Grill tous les soirs et en optant pour le concert de TRIVIUM, situé à deux pas de là : littéralement “deux pas” puisque le Roxy se trouve en face du célèbre club-restaurant – il n’y a qu’à traverser l’allée qui mène vers le parking arrière du bloc. Le concert est complet-complet-complet ce soir, mais nous allons user de tous nos stratagèmes, en bons Français, de surcroit journalistes rock prétentieux, pour y rentrer à l’œil ! Nous n’avions absolument pas prévu d’aller à ce concert et par conséquent aucunement fait de demandes d’accréditations au préalable. Cette fois, nous allions devoir nous démerder nous-mêmes.

On tente d’abord de convaincre les vigiles à l’entrée du Roxy, qui n’ont strictement rien à faire de nos mésaventures : on a beau leur demander de nous trouver le tour-manager du groupe, ils nous laissent en plan avec une indifférence non feinte. Le plan justement, c’est de trouver le boss de la tournée et de lui rappeler qu’on soutient le groupe depuis le début (on était déjà là à la première date du groupe à la Boule Noire il y a dix ans !) et surtout qu’on a réalisé une bien belle interview de Matt Heafy et Corey Beaulieu pour METAL XS à la rentrée 2015 dans le cadre de la promo de leur nouvel album : nous avions tous passé un bon moment et ils nous l’avaient bien fait savoir, en se montrant chaleureusement satisfaits de ce moment ensemble. Un peu bredouilles, on retourne au Rainbow boire quelques bières et s’armer d’une nouvelle stratégie : par chance, on tombe sur un roadie lorsqu’on en sort, et après nous être présentés, il rentre dans le tour-bus en parler aux gars. Le tour-manager en ressort avec un grand sourire, nous annonçant que nos deux noms sont sur la guest-list, en nous remerciant, nous. Good job !

On rentre enfin dans le Roxy, salle culte ayant reçu en plus de quarante ans tout le gratin du rock ’n’ roll – ce soir en mode gros son, puisqu’une bande de joyeux thrashers fous sont en train de foutre le boxon à l’intérieur, jouant hyper fort un thrash-metal académique super bourrin et très proche d’EXODUS qui nous colle rapidement une gentille banane : même avec le nom ridicule de KAUSTIK, ce quartette hyper efficace semble jouir à domicile d’une reconnaissance plutôt aisée et enthousiaste. Robert “Robbo” Madrigal fait le show à lui tout seul, bassiste-frontman-hurleur old school assez imposant qui semble récolter les fruits d’une présence assez accrue dans différents bouges de la côte californienne.

Place à TRIVIUM qui ne monte sur scène qu’après avoir fait monter l’ambiance avec comme introduction le “Run To The Hills” d’IRON MAIDEN : on sait les quatre garçons assez ambitieux et rêvant de devenir un jour les dignes successeurs des plus grands monstres du heavy metal. La route vers la montagne – déjà les collines – sera longue, mais l’intention est louable : ce soir, TRIVIUM, que l’on aime ou pas leur musique, aura au moins démontré sa puissance, sa robustesse et toute son assurance sur scène, jouant il est vrai devant un public de vrai fans hardcore. Un Roxy plein comme un œuf de dingues passionnés réunis pour ovationner le groupe et péter un plomb à la moindre occasion. Ca sera le cas pendant près d’une heure trente, TRIVIUM étant bien fier de présenter quelques titres choisis de son nouvel album, « Silence In The Snow », dont la chanson éponyme vient entamer le concert.

TRIVIUM pratique aujourd’hui un heavy metal classique mais robuste : de son septième album plutôt homogène, le groupe ne distille que quelques extraits (le morceau éponyme donc, mais aussi “Dead And Gone” et “Until The World Goes Cold”), préférant jouer la sécurité avec des extraits équitablement issus de chaque album de sa discographie, ou autant de riches pépites très très attendues par les connaisseurs. Ceux-ci sont particulièrement chauds-bouillants ce soir, donnant l’impression de n’être constitués que du fan-club local, qui répondront avec une rare ferveur hystérique aux annonces de chaque titre à venir. Matt Heafy, franchement remonté et complètement à l’aise, multiplie les poses et les grimaces (il tire mille fois sa langue façon masque polynésien ou guerrier en plein haka), et a su faire fructifier toute son expérience sur la route : il est désormais un frontman confirmé que rien n’effraie, plutôt habile et communicatif, portant son public dédié à bout de bras. Avant “Becoming The Dragon”, il se fendra d’un speech sincère, remerciant bon nombre de leurs amis et famille présents ce soir, et dédiera le morceau à Nikki Sixx. Nikki Sixx ? On apprendra très vite que le bassiste de MÖTLEY CRÜE était dans la salle, venu saluer et encourager le groupe – groupe qui nous a donc invités, mais pas à rentrer dans leur tour bus puisque tous les musiciens étaient avec la légende de L.A. !

Jusqu’à “Silence In The Snow”, TRIVIUM a été fort critiqué pour avoir régulièrement changé son fusil d’épaule, basculant de style d’un album à l’autre, oscillant selon l’humeur entre metal mélodique à tendance épique et gros metal-core vénère et musculeux : la set-list de ce soir pioche dans le meilleur des mondes, le public ayant autant l’occasion de donner de la voix sur des refrains clairs et puissants, que de se laisser aller à des circle pits assez intenses dans la fosse réduite du Roxy. Fosse en pleine ébullition que viendront rejoindre deux Tyrannosaurus Rex en mousse, deux espèces de mascottes fantasques jouées par des roadies facétieux et plutôt furieux pendant un pogo de cinq minutes qui provoquera l’hilarité du groupe et du public, qui viendra plus intensément encore se défouler et se projeter sur eux pendant le très attendu “Pull Harder On The String Of Your Martyr”.

​Tiré de ce même album, « Ascendancy », disque de la révélation en 2005, “Like Light To The Flies” provoque une assez dingue frénésie dans la petite fosse comprimée, tandis que les autres “Insurrection”, “Strife”, “Rain” ou encore “Built To Fall” incarnent autant de moments forts de la soirée. Cela faisait des années et des années qu’on n'avait plus vu TRIVIUM sur scène, mais là, pourtant assez modérément amateur de leur metal sur disque, on se laisse carrément prendre au jeu, ce soir franchement séduit par leur puissance de frappe et par le professionnalisme bien carré, super efficace à défaut d’être original ou empreint de folie. Pour la folie, on laisse faire le public, une dernière fois : TRIVIUM revient clôturer la soirée avec le redoutable « In Waves », sur lequel un wall of death sépare le public avant de le laisser s’entrechoquer dans un terrible fracas. Et pour ça, les Américains savent bien s’y prendre.


Blogger : Jean-Charles Desgroux
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