
En France, lorsque tu fais partie d'un groupe de metal et que tu as le style vestimentaire qui va avec, au pire, tu te vois convoquée par la maîtresse d'école de ta petite dernière parce que ce cher petit ange a été surprise la main dans le sac, creusant un bac à fleurs à la recherche de gens morts. Comme maman ! Le fait que maman, en plus d'être hurleuse dans un groupe de metal, soit archéologue, aurait malencontreusement échappé à l'instit' à courte vue (merci à Agnesh de HÖLY GHÖZT pour l'anecdote).
Ailleurs, ça peut être plus compliqué ; comme en Iran où deux membres du groupe de thrash/nu metal CONFESS ont été arrêtés en novembre 2015 et accusés de blasphème, propagande anti-système, écriture de paroles anti-religieuses et anarchistes et autres crimes hautement sentencieux. En même temps, intituler un morceau "I'm Your God Now" ou “Thorn Within (Hands Of Your God)” (ils ne nous feraient pas une petite fixette là ?), dans un pays connu pour son inégalable laïcité... Le chanteur Nikan "Siyanor" Khosravi et le DJ sampler Arash "Chemical" Ilkhani ont été libérés sous caution (30 000 $, quand même) le 5 février dernier. Ils risquent entre six mois et six ans de prison pour l'ensemble des charges qui pèsent contre eux, sauf celle de blasphème. Pour le blasphème, c'est la peine capitale...
Aussi dingue que cela puisse paraître, la musique metal est plus implantée dans le monde que la k-pop et ça c'est rassurant. Aussi dingue que cela puisse paraître, des groupes de metal sont recensés dans des pays tels l'Iran, l'Irak, l'Afghanistan, la Jordanie, la Syrie, l'Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis (on a bien essayé d'en trouver en Libye ou au Yémen, mais il semblerait qu'ils soient bien cachés). Des musiciens et musiciennes, risquent leur vie tous les jours pour pratiquer leur art. Les principales mouvances concernent le death et le black (on a même trouvé du depressive black metal).
Certains groupes bénéficient d'une certaine tolérance comme ACRASSICAUDA, groupe de thrash irakien formé à Bagdad en 2000. Ils ont été les premiers à sortir une démo en Irak. A quel prix... “The Youth Of Irak”, titre écrit à la gloire de Saddam avec interdiction du headbanging sous prétexte de ressemblance avec les mouvements de tête des Juifs orthodoxes durant le culte (prions ensemble mes frères et sœurs...). En 2003, Vice initie un reportage sur ACRASSICAUDA. En 2006 commence le tournage de Heavy Metal in Bagdad des Canadiens Eddy Moretti et Suroosh Alvi qui se poursuivra durant trois ans, suivant le groupe qui quitte Bagdad et ses bombardements pour Erbil en Irak, puis Beyrouth au Liban pour finir à Damas en Syrie. A la suite du documentaire, les musiciens voient leurs vies menacées et sont obligés de fuir en Turquie et de demander le statut de réfugiés. Conscients de leur reponsabilité, les réalisateurs de Vice organiseront le transfert du groupe aux Etats-Unis où ils vivent et continuent de jouer actuellement. Depuis, d'autres groupes ont émergé en Irak, tels DOG FACED CORPSE, JANAZA (oui, du heavy metal anti-islamique en Irak, ça existe...) ou DARK PHANTOM.
En Jordanie, la vie est plus rose pour les métalleux, enfin si l'on peut dire, vu qu'apparemment ils aiment beaucoup le depressive black metal, surtout dans la ville de Zarqa (voici venu, le temps, des rires et des chants, dans l'île aux enfants c'est tous les jours le printemps...). BILOCATE – groupe de dark metal oriental – a ainsi entendu son premier album « Dysphoria », paru en 2005, sur les ondes de Jordan FM, radio gouvernementale, qui leur a même consacré un reportage de cinq heures. Malgré les pressions et menaces en tous genres pour dissoudre le groupe, l'annulation d'une tournée européenne en 2010 due à des « difficultés d'obtention de visa », le groupe a fini par signer en 2012 chez Code666, label européen qui a assuré la distribution de son troisième album studio, « Summoning The Bygones ». Le groupe a quand même eu diverses occasions de se produire en Egypte, au Liban, aux Emirats Arabes Unis et même en Lituanie et en Allemagne. Pour ce qui est de la Jordanie, les conditions ne sont pas impossibles mais un concert peut être annulé au moment de monter sur scène pour d'obscures raisons de sécurité. Actuellement – d'après leur page Facebook – ils font partie des quatre ou cinq groupes qui peuvent se produire en concert et ont une possibilité réelle d'enregistrements en studio.
En ce qui concerne l'Afghanistan, DISTRICT UNKNOWN, créé en 2008, semble être le seul groupe recensé. A leurs débuts, les musiciens répètent et se produisent en secret et masqués afin d'échapper aux Talibans. Entre 2011 et 2012, l'ambiance étant plus détendue, les DISTRICT UNKNOWN tombent le masque, et forment GHOST en Europe histoire de... (nooon, je plaisante). En 2012, ils se produisent à visage découvert au Sound Central Festival de Kaboul, festival rock qui aura lieu durant deux ans. Ils jouent alors essentiellement des reprises et quelques compos pas très abouties. En 2014, ils sortent leur premier album mêlant du doom, du metal progressif et psyché à des sonorités arabisantes ; au final, un assez joyeux mélange. « Anatomy Of a 24 Hours Lifetime » comporte quand même de nombreuses parties instrumentales (ça passe mieux au pays des mollahs). En juin 2015, ils remportent - avec le documentaire Martyrs Of Metal de Travis Beard - le Global Metal Award aux Metal Hammer Golden Gods Awards de Londres.
En Syrie, on trouve encore les noms de groupes de metal qui se produisaient en concerts et festivals jusqu'au début de la guerre. Depuis 2012, quasiment aucun n'a d'actualité si ce ne sont celles engendrées par les assassinats, flagellations, destruction de matériel, etc. Les musiciens doivent se cacher ou fuir. Les groupes se retrouvent éclatés dans divers pays, prisons, centres de réfugiés... Monzer Darwish, cinéaste et musicien syrien, a filmé son propre exode. Syrian Metal Is War devrait voir le jour en 2016. Metal syrien en exil, un reportage de l'émission Nouvo de la Radio Télévision Suisse, lui a été consacré en octobre 2015.
Enfin, en Arabie Saoudite, AL NAMROOD fait de la résistance, depuis 2008, avec un black metal en langue arabe, ou le oud et le qanum côtoient la guitare saturée. C'est beau et surprenant à la fois. Le groupe compte trois membres dont deux sont multi-instrumentistes. Aucune photo, des pseudos pour noms, Mephisto, Ostron et Humbaba n'ont jamais joué en concert : c'est illégal et cela pourrait leur valoir la peine de mort. Leurs propres familles, leurs amis ne savent pas qu'ils s'intéressent au metal. Les répétitions et les enregistrements sont secrets. On n'ose imaginer le peu de moyens dont ils disposent, les risques qu'ils prennent et on ne comprend pas comment ils obtiennent malgré tout une telle qualité. Leur cinquième (!) album, « Diaji Al Joor », est sorti le 27 novembre dernier sur le label canadien Shaytan Productions.
Il semblerait néanmoins qu'une oasis existe au Moyen-Orient pour les métalleux. Les Emirats Arabes Unis ont organisé de 2004 à 2009 le Dubai Desert Rock Festival qui a vu passer des artistes de renommée mondiale comme KORN, SEPULTURA, IRON MAIDEN, Robert Plant, MEGADETH et MOTÖRHEAD, puis en 2013 et 2014, le Dubai Rock Fest. Des concerts sont organisés assez régulièrement, BILOCATE s'y est produit plusieurs fois, MÖTLEY CRÜE est passé par Abu Dhabi pour son Final Tour 2015. Il semble que le black metal n'y soit pas encore répandu, mais qui sait, un jour...
P.S: Je cherche toujours un groupe de metal au Vatican. Si quelqu'un a des infos, veuillez contacter Hard Force. Merci !