
ALICE COOPER
« Welcome To My Nightmare »
(sorti en 1975 - Warner Music)
Par Hugo Tessier
Première escapade solo du chanteur du fraîchement séparé ALICE COOPER GROUP, «Welcome To My Nightmare» raconte l’histoire du jeune Steven, garçon tourmenté plongé dans un cauchemar dont il ne parvient à s’échapper. Pièce maîtresse de la carrière du Coop’, «Welcome To My Nightmare» renferme des morceaux intemporels comme «Only Women Bleed», «Department Of Youth» ou encore le terrifiant «Steven» (sans parler du titre éponyme) qu’Alice Cooper joue toujours sur scène aujourd’hui du haut de ses 68 ans. Orchestré à la manière d’une pièce de théâtre par le producteur Bob Ezrin, à qui l’on doit l’explosion du ALICE COOPER GROUP en 1971 avec «Love It To Death», «Welcome To My Nightmare» reste aujourd’hui une référence absolue en matière d’album concept-rock dans le monde de la musique. L’association des guitaristes Steve Hunter et du regretté Dick Wagner, empruntés à Lou Reed à l’époque, donne naissance à des duos de guitare absolument magiques comme sur «The Black Widow» (ce final !) ou encore «Devil’s Food». «Welcome To My Nightmare» est une création incroyablement riche et variée (il n’y a qu’à écouter «Some Folks» et «Years Ago» à la suite pour comprendre) qui reste aujourd’hui inégalée pour une grande partie des fans (surtout pas par sa suite gentillette «Welcome 2 My Nightmare» parue en 2011). Oh, on en avait presque oublié la participation du monument de l’horreur : Vincent Price ! «On l’a fait bien avant Michael Jackson !» s’en vante toujours Alice Cooper aujourd’hui. Culte !

DREAM THEATER
"Dream Theater"
(sorti en 2013 - Roadrunner Records)
Par Laurence Faure
Depuis plus de vingt-cinq ans, DREAM THEATER traverse les époques sans se soucier des modes ou des tendances du moment. Certes, au fil des années et des albums, le ton s'est parfois légèrement durci, le côté progressif a pu être accentué ou la verve instrumentale mise davantage en avant, mais jamais au grand jamais les New Yorkais n'ont fait le moindre compromis. C'est ce qui a permis au groupe de devenir LA référence en matière de Metal progressif, un titre honorifique parfaitement illustré par la dernière production du quintette. De "False Awakening Suite", qui ouvre l'album avec ses trois mouvements magistralement orchestrés, à la pièce maîtresse que représente "Illumination Theory", en passant par des compositions plus Metal et moins alambiquées, DREAM THEATER nous propose avec ce douzième album studio rien moins qu'un tour d'horizon non exhaustif des multiples facettes que possède le groupe. Mike Mangini, as de la batterie et remplaçant de Mike Portnoy, a désormais trouvé sa place auprès des quatre autres musiciens et son jeu, bien que très riche, n'en est que meilleur. D'ailleurs, paradoxalement, la complexité des parties instrumentales et les nombreuses mesures composées qui jalonnent l'album n'altèrent en rien l'extrême efficacité des chansons (le single "The Enemy Inside", "Behind The Veil", "Along The Ride")... Un fait suffisamment rare pour le souligner. Bien sûr, l'extraordinaire dextérité des musiciens est, comme d'habitude, mise en avant, mais toujours dans la mesure et jamais dans la démonstration. J'en veux pour preuve l'instrumental "Enigma Machine", parfaite illustration de ce que peut donner un mélange savamment dosé de technique et de feeling. A ce titre, on notera la place de plus en plus importante occupée par le claviériste Jordan Rudess qui signe ici un travail remarquable. Ses influences progressives et les mélodies ou harmonies parfois proches de RUSH qu'il place ça et là au fil des morceaux ("The Looking Glass") viennent adoucir et surtout enrichir les nombreux riffs "metallisés" de John Petrucci, principal auteur-compositeur, mais également producteur et porte-parole du groupe depuis le départ de Mike Portnoy. Certains apprécieront, d'autres moins, mais une chose est sûre : avec cet album éponyme, on peut dire que DREAM THEATER a définitivement clôturé le long chapitre qui avait vu le batteur-leader prendre les commandes du groupe... C'est pourtant vrai que personne n'est irremplaçable !

MASS HYSTERIA
"L'Armée des Ombres"
(sorti en 2012 - Verycords)
Par Vincent Todeschini
Ce septième album, enregistré à Paris, préfigure quelque chose de majeur chez MASS HYSTERIA... Une maturité de son, tout d'abord, illustrée ici côté mastering par le boulot impressionnant accompli à New York par Ted Jensen (PANTERA, DEFTONES, NICKELBACK,...). Certains morceaux sonnent carrément parfois comme du MACHINE HEAD ou FEAR FACTORY. La batterie de Rapha est parfaite, les riffs excellement choisis, la voix de Mouss se pose là où il le faut avec cette justesse identifiable entre mille et toujours la présence de quelques samples bien sentis.
Côté texte, on sait le "plouc de plus monté à la capitale", relativement énervé contre un tas de choses, il évoque pèle-mêle les Rolex, les guerres, les banques, le pétrole et un clin d'oeil à Gainsbourg "la nostalgie camarade" ! Ici ou là, une intro un peu indus sur "L'homme s"entête", du piano sur celle de "Même si j'explose". On comprend mieux, sur "Comedia Dell Inferno", cette pochette énigmatique où dans un monde d'obscurité des mercenaires sans visage composent une armée des ombres qui s'avance... Un album qui a pris tout son sens live, parce que MASS y avait privilégié finalement la lourdeur à l'originalité. La dernière piste "Vertiges des mondes" rappelle la cadence de "P4". Chaud ! "L'Armée des Ombres" marque une forme de renouveau pour MASS HYSTERIA qui sera acclamé ensuite en tournée, avec le climax que l'on sait à l'Olympia... Mais qui pouvait se douter qu'il s'agirait d'un simple marche-pied avant le définitif "Matière Noire" ?

FIVE FINGER DEATH PUNCH
"The Wrong Side of Heaven, The Righteous Side of Hell Vol. 2"
(sorti en 2013 - Prospekt Park)
Par Christophe Droit
Comme son nom l'indique, "The Wrong Side of Heaven, The Righteous Side of Hell Vol. 2" fait suite au premier volume sorti quelques mois auparavant et qui faisait la part belle aux featuring prestigieux (Maria Brink, Max Cavalera, Rob Halford pour ne citer qu'eux). Il était vraiment nécessaire pour FIVE FINGER DEATH PUNCH d'enregistrer ces 12 titres, composés dans l'urgence des sessions d'écritures, et sans attendre sagement l'année suivante. Ensuite, le choix de publier un second album plutôt qu'un double sur une seule date de parution est certainement une question de marketing. Mais une décision confortable, car elle permet de savourer, un hors-d'oeuvre, une mise en bouche consistante avant d'attaquer le plat de résistance, suite logique du menu 2013. Ce "Volume 2" force au respect. Certes, il ravive certains souvenirs et sonorités. Réminiscences de certaines lignes de chants et rythmes lourds au groove des meilleures formations de hardcore "crossover" du début des années 90. FIVE FINGER DEATH PUNCH, c'est plus que ça. Tous les éléments qui déclenchent une émotion sont ici utilisés et surtout assemblés intelligemment pour au final offrir à l'auditeur ce dont il a besoin. Parce que le but est bien de ne pas avoir envie de quitter la lecture de ce disque sous aucun prétexte pendant plus de 40 minutes. C'est donc une suite logique dans le principe : une cohérence entre agressivité et mélodie des compositions. Avec une évolution notable. Il n'est pas le reflet exact de la première partie. Ici, pas d'invités (on reçoit au déjeuner mais pas forcément au dîner). Véritable montagne russe dans les genres, la volonté du groupe n'étant pas de proposer un album avec des titres agressifs et un autre composé de chansons mélodiques en mid-tempo. FIVE FINGER DEATH PUNCH a brassé une nouvelle fois tous les titres restant pour équilibrer le confort d'écoute et on rentre dans le vif du sujet dès les premières notes de "Here To Die" au rythme à la fois militaire, rapide et saccadé qui n'empêche pas l'intrusion d'un pré-refrain au chant clair mélodique et d'un solo des plus heavy. Même recette pour "Weight Beneath My Sin". La confession s'accentue avec le destructeur "Wrecking Ball". Le premier single aux initiales BB est touchant par son intro en arpège, très simple mais d'une efficacité redoutable dans ses harmonies, ouvrant le chemin à un « Once Upon a Time... », belle chanson. Futur classique annoncé dans la catégorie hit single pour "Battle Born" ! L'écoute de ce "Volume 2" est identique au premier : pas la moindre envie de sauter un titre pour passer au suivant. On apprécie dans la continuité. Rythmes soutenus, guitares imposantes et dosées comme il se doit ("Cradle To The Grave" / "Matter Of Time"), chant à la fois en colère mais aussi apaisant sur l'introduction de "Cold" (après la pause instrumentale "The Agony Of Regret"), qui est à l'image des plus grandes ballades de nos chers METALLICA... Tous les ingrédients sont habilement dosés. C'est le savoir-faire de FIVE FINGER DEATH PUNCH : thrash et hardcore ("Let This Go"), Hard Rock et Heavy Metal ("My Heart Lied" / "A Day In My Life"), ficelés pour mettre en exergue et sublimer l'émotion de l'écoute. « The Wrong Side Of Heaven And The Righteous Side Of Hell - Volume 2 » referme ses portes (du pénitencier) avec le légendaire "The House Of The Rising Sun" repris avec un talent qui n'est plus à prouver au final de ces 2 CD. En vérité, je vous le dis, bande de petits jeunes et vous les anciens, n'oubliez pas l'existence de FIVE FINGER DEATH PUNCH et le fait qu'ils sont indissociables... comme les cinq doigts de la main.

BLACK STONE CHERRY
"Magic Mountain"
(sorti en 2014 - Roadrunner Records)
Par Jean-Charles Desgroux
- Et si on les tenait, finalement ?
- "Qui ?" demandent-ils, interloqués.
- Ben ceux qui reprendraient la relève, fièrement, avec des couilles, de l'allure et du talent, tiens !
- "Mais la relève de quoi ? La relève de qui ?"
- Andouilles. Abrutis. Fuckers. La Relève. LA RELEVE, BORDEL ! La relève tant attendue, fantasmée, si désespérément.
L'honorable magazine britannique Classic Rock (une de mes sources élémentaires de recherche de disques depuis le n°1, fin '98) ne choisit en général pour sa couverture du mois qu'un ou deux jeune groupes PAR AN. Chez nos confrères anglais, la découverte d'une nouvelle cassette BASF d'une démo basic-tracks de LED ZEPPELIN à Headley Grange mérite systématiquement sa couv' avec dossier de quatorze pages et interviews des roadies. Ou encore la commémoration de la tournée "Flick Of The Switch" d'AC/DC, allez, douze pages de reportage from the inside. Blague à part, cet excellent et monumental magazine de référence, s'il n'oublie pas de favoriser chaque mois les groupes d'aujourd'hui et leur actualité, pousse rarement autant en avant ce qu'il considère, avec le métier, comme le gros potentiel de cette même RELEVE. A la sortie de "Magic Mountain", sa flamboyante couverture consacrée à BLACK STONE CHERRY avec reportage gonzo à Edmonton, Kentucky, n'a rien d'opportuniste : les journalistes ont tout bonnement craqué pour ce groupe en qui ils placent donc tous leurs espoirs, après un numéro un peu alarmiste sur la mort imminente des géants du rock et sur leur impossible succession. Alors, amis de l'ancienne garde et jeunes insolents, vieux râleurs nostalgiques et petits branleurs métalleux, voici de quoi vous aimer les uns les autres, avec ce qui pourrait ainsi être le pitch comparatif ultime : BLACK STONE CHERRY atteint les cimes ultimes avec "Magic Mountain", son quatrième opus le plus abouti, ou la rencontre parfaite et alchimique entre le Classic Rock des 70s, et une vision moderne, dynamique et plutôt effrontée du heavy-rock d'une génération Y complètement décomplexée par le poids des ancêtres. Décomplexée, mais pas irrespectueuse, loin de là ! Les quatre garçons ont fait mijoter mille savoureux ingrédients dans leur chaudron magique : l'âme southern-rock de LYNYRD SKYNYRD (aussi bien l'ère sacrée mid-seventies que la trique retrouvée des deux derniers albums studio), la sexualité turgescente du "Pump" d'AEROSMITH, la classe impériale de LED ZEPPELIN, la lourdeur nécessaire de BLACK SABBATH, avec l'énergie positive d'ALTER BRIDGE, le metal graisseux de BLACK LABEL SOCIETY, la profondeur tourmentée de SOUNDGARDEN, la touche un peu sale et sleazy de BUCKCHERRY, mais aussi l'aspect un poil putassier du genre THEORY OF A DEADMAN ou du metal chromé radiophonique et inoffensif de leurs potes d'HINDER. MAIS avec beaucoup de personnalité, une digestion parfaite de toutes ces références, une fougue imparable, une énergie live rarement captée sur disque, et surtout un sens du songwriting particulièrement aigu.
Les BLACK STONE CHERRY n'ont d'ailleurs jamais été aussi excitants depuis qu'ils ne font pour ainsi dire quasiment plus de compromis : leur précédent opus "Between The Devil And The Deep Blue Sea" était bon, souvent très bon même, mais bien trop formaté NICKELBACK pour être réellement 100% honnête... D'emblée on sent ici que le ton a durci et que du poil a poussé sur les mentons des gosses : non seulement les poignets se sont musclés sur des riffs particulièrement costauds, mais ils ont été supervisés par Monsieur Joe Barresi (TOOL, QUEENS OF THE STONE AGE), un choix de production très étonnant mais pour le moins hyper efficace sur tout l'ensemble de ce quatrième album purement énorme, et qui, à une petite chanson et demie près, ne souffre d'aucune longueur ni de remplissage facile. Avec "Holding On... To Letting Go" qui ouvre "Magic Mountain", cette prod se montre en effet super heavy et musclée : cet up-tempo high energy rock'n'roll donnant donc le la, entre intro wah-wah typiquement Voodoo Chile et rythmique quasi-stoner : gros tube en puissance qui n'égalera pourtant ni le single évident "Me & Mary-Jane", ode bienvenue à la ganja avec talk-box et refrain qui tue, ni "Dance Girl" qui pourrait franchement remplacer le "Crazy Bitch" de Buckcherry comme hymne définitif des strip bars, fort longtemps après un certain "Girls, Girls, Girls", ici dans la droite lignée de leur précédent hit "Blame It On The Boom Boom". Autre ambiance : si Cliff Burton avait jadis grandement initié METALLICA à LYNYRD SKYNYRD, voici ce que cela donnerait si en sus Rob Zombie et ses coquins venaient jammer sur des sessions du "Black Album" : boum, "Fiesta Del Fuego" pourrait idéalement incarner la bande-son de la future série que Robert Rodriguez met en place, adaptation de son propre "From Dusk 'Til Dawn" -à suivre ! Sinon les inconditionnels du premier album retrouveront bien les inévitables power-ballads pour cow-boys on the road, bien couillues et viriles comme du Bob Seger reprit par James Hetfield (l'excellente "Blow My Mind"), voire plus sudistes, hantées et poussiéreuses ("Sometimes"), ou autres power-songs électro-acoustiques sympathiques entre potos ("Hollywood In Kentucky"). Non seulement tous ces morceaux sont-ils incroyablement accrocheurs (voire même bourrins ? "Never Surrender" ne fait en effet aucun compromis, bien énervé comme du STONE SOUR de la bonne époque !), mais les musiciens ont atteint un niveau de jeu ahurissant, ainsi qu'une immense confiance en eux -Chris Robertson étant tout particulièrement convaincant, avec une voix proche d'un Chris Cornell amplement plus buriné et traité au Jack Daniels -from Kentucky, you got it.
Bon, il ne leur manque que deux trois choses, au final : peut-être canoniser quelques groupies à l'aide de squales boueux de taille raisonnable, balancer quelques écrans plats de la fenêtre de leurs piaules -moins drôles car non-cathodiques, et donc ridiculement peu explosifs-, et surtout s'acoquiner avec le Malin, s'enveloppant ainsi dans un joli nuage de soufre et enfin créer une bonne aura mystérieuse, à l'ancienne. Ce qui est hélas trop peu probable, les jeunes gens étant plutôt copains avec le bon Dieu : si les filles n'auront donc pas le cul boueux, ces culs-terreux sont donc aussi des culs bénis et manquent ainsi leur chance de voler la vedette à LED ZEPPELIN. Et c'est aussi un peu ce qui manque aujourd'hui, non ? Du sexe, de la drogue, et du rock 'n' roll - la relève est peut-être là, mais bien trop sage...

A la semaine prochaine pour une nouvelle sélection d'albums dans l'opération partenaire "Metal Matters"
Warner Music France • Rock Hard • MetalXS • Hard Force