BLACK BOMB A célèbre ses 21 ans sur scène avec un document live massif, le CD/DVD « 21 Years of Pure Madness – Live Act », plongée en profondeur dans l’univers du groupe culte le plus détonnant de la scène metal française, depuis le tournant du millénaire. A l’occasion de leur atomisation du Petit Bain, à Paris, le 12 avril dernier, rencontre avec des musiciens insatiables, généreux et particulièrement attachants.
Il est à peine plus de 16 heures et sur la barge amarrée au pied de la bibliothèque de France, l’adrénaline pulse déjà à plein régime. Poun, Arno, Snake, Jacou et Hervé terminent leur balance, peaufinent leur son. Une routine pour ces vétérans de la scène, même si c’est leur premier Petit Bain. Pourtant, dès le soundcheck, la débauche d’énergie paraît surhumaine. On pense à un boxeur qui aurait besoin de démolir consciencieusement un dernier sparring partner, seulement quelques heures avant le combat du siècle.
Un moment plus tard, dans la loge dont le hublot donne, de l'autre côté de la Seine, sur les quais de Bercy, une discussion à bâtons rompus s’engage avec Poun, Arno et Jacou, d’abord autour de ce beau cadeau fait aux « kids », sous la forme d’un CD/DVD live bourré de bonus, de clins d’œil et de moments d’intimité avec le groupe – et ses amis. « Le contenu est cool, il est authentique : ça vient du cœur » lance Poun à propos du long concert filmé et enregistré le 28 novembre 2015 au Noumatroff de Mulhouse. Si le CD ne présente que le set principal de BLACK BOMB A (18 morceaux quand même), le DVD contient en plus une série de reprises jouées avec les potes (TAGADA JONES, LOFOFORA, LOUDBLAST) et des anciens du groupe (Djag, Shaun et Etienne). Au programme, "Roots" de SEPULTURA, "Out Of Hand" d’ENTOMBED, "War Inside My Head" de SUICIDAL TENDENCIES, "We’re Only Gonna Die" de BAD RELIGION et "Beat The Bastards" de THE EXPLOITED : un véritable tour d’horizon des influences de BLACK BOMB A, le tout joué « sans filet », selon Poun, et de manière totalement spontanée, d’après Jacou, qui précise : « Comme on le voit sur le documentaire présent sur le DVD, les répètes des reprises se sont faites dans les loges : on faisait pas trop les malins… » Pourtant le résultat est bluffant, à l’image de l’ensemble de la release.
Quand on demande aux musiciens ce qui les motive encore, après 21 ans, la réponse fuse, en chœur : « La thune ! », avant un immense éclat de rire collectif. Arno est le premier à reprendre son sérieux. « C’est toujours intéressant de rencontrer des gens nouveaux et aussi de voyager ». Quant au line-up du groupe, il semble bel et bien stabilisé, même si les trois garçons, superstitieux, refusent de trop s’étendre sur le sujet. « On ne va pas parler de ça, parce qu’à chaque fois qu’on le fait, quelqu’un se barre » estime Poun, même si, précise-t-il, « les départs ne se font jamais dans l’animosité. Il faut juste accepter les changements de vie de chacun. Tous les musiciens savent que la vie de tournée est difficile. Mais là, on est tous les cinq, et c’est cool. »
BLACK BOMB A ne s’est jamais considéré comme un groupe politique – plutôt enragé qu’engagé, selon l’expression consacrée – mais il ne faut pas pousser beaucoup les musiciens pour les lancer sur l’actualité. Poun : « Trump, même si on ne croit pas à son élection, humainement, il reste hyper flippant. C’est quand même aberrant qu’on laisse un mec s’exprimer comme ça. » Arno enchaîne : « Si t’écoutes les propos du mec, pendant ses meetings, et que tu remplaces les "Chinois" ou les "Mexicains", dans son discours, par "Juifs" ou "Arabes", tu te rends compte que le mec, c’est Adolf Hitler. Plus généralement, c’est vrai qu’on vit dans une ambiance hyper tendue. Il y a une forme de pornographie, quand tu vois qu’un type comme Balkany a encore des responsabilités… Politiquement, le foutage de gueule est poussé à l’extrême. » Alors oui, tout cela inspire BLACK BOMB A, mais seulement « indirectement », d’après Poun, car « la musique permet surtout de relâcher la pression face à ce climat. » Arno confirme : « On n’a pas de message, même s’il nous arrive de lancer une ou deux flèches, dans nos textes, au second degré. Qui on est pour dire aux gens quoi penser ? Ce serait super prétentieux. ». Jacou conclut, philosophe : « Mais ça ne nous empêche certainement pas de réfléchir .»
Par ailleurs, les musiciens de BLACK BOMB A, dont le nom fait subtilement référence à une mythique résine de cannabis indienne, coupée à l’opium, selon la légende (Black Bombay) et dont le titre "Mary" est devenu un hymne pour de nombreux fumeurs de joints, admettent être proches du CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique), qui milite pour la fin de la prohibition des drogues douces. Heureusement, ce tour de piste avec l’association de Jean-Pierre Galland ne leur a jamais causé le moindre souci avec les autorités. « Nous ne sommes pas d’assez gros poissons » analyse Poun.
Pour la saison des festivals qui va s’ouvrir, BLACK BOMB A a déjà 5 ou 6 dates prévues, mais il ne faut pas espérer les voir au Motocultor, ni cette année, ni les suivantes a priori (si toutefois l’aventure du Motocultor se poursuivait au-delà de 2016). Arno embraye : « C’est vrai qu’on ne l’a jamais fait et on ne le fera pas encore cette année. » « Je crois que le directeur du Motocultor ne nous aime pas… » tente Poun. « On nous a dit plusieurs fois qu’on n’était pas intéressant pour ce festival » ajoute Jacou. Poun reprend la parole : « Sérieusement je m’en fous, mais je trouve ça très dommage que le programmateur d’un festival spécialisé rejette un groupe, comme ça, alors qu’il a un public qui correspond totalement à celui de l’événement. On n’arrive quand même pas de nulle part. » Jacou, encore : « C’est vrai qu’on nous pose souvent la question, pour le Motocultor. On nous demande aussi pourquoi on n’a jamais été réinvité au Hellfest alors qu’en 2012, ça s’était super bien passé. On n’a pas de réponse, ni dans un cas, ni dans l’autre. Mais c’est comme ça. ».
Sur le front des projets personnels en dehors de BLACK BOMB A, Poun rappelle tout d’abord son implication auprès du BAL DES ENRAGÉS. Arno, de son côté, prépare un projet top secret, sous forme de « all star band », dont il ne dira rien de plus pour l’instant – sans doute par superstition, de nouveau. Jacou, pour sa part, évoque son studio d’enregistrement, un projet « assez cochon », qu’il continue de développer depuis l’enregistrement des guitares, des basses et des voix du dernier album studio du groupe (« Comfortable Hate », 2015 chez Verycords).
Avant de quitter les musiciens et de les laisser se préparer pour le concert, comme la date n’est pas tout à fait sold-out, on leur propose d’enregistrer un petit message vidéo à l’intention des fans qui traineraient sur les réseaux sociaux, histoire de les motiver pour venir faire la fête avec BLACK BOMB A : il n’en faut pas plus pour qu’Arno, Jacou et Hervé, qui passait par là, ne décident instantanément d'inviter deux lecteurs de HARD FORCE au concert – voir vidéo ci-dessous.
Quelques heures plus tard, après une prestation remarquée des vétérans québécois du groupe ANONYMUS, le Petit Bain était quasi-complet et bien, bien chaud, prêt pour la grosse secousse atomique : fidèle à sa réputation, BLACK BOMB A a mis un feu d’enfer à Paris.