Les plus américains des Danois reviennent dans les bacs avec « Seal The Deal & Let’s Boogie », le second album de l’ère Caggiano et le premier de la période post-Anders Kjølholm, le bassiste historique et adoré des fans, qui a quitté l’aventure en novembre 2015, sans vraiment d’explication. Si le groupe a officialisé, il y a quelques jours, l’intégration de Kaspar Boye Larsen comme bassiste attitré, après une mini-tournée US réussie en sa compagnie, c’est Rob Caggiano qui a posé les basses que l’on entend (pas beaucoup) sur « Seal The Deal… » - et qui a coproduit l’album avec le chanteur et guitariste Michael Poulsen et le maître producteur habituel de VOLBEAT, Jacob Hansen.
Album de transition, par la force des choses ? Est-ce pour mieux nous préparer à un virage que VOLBEAT affirme si radicalement sa marque de fabrique, avec "The Devil’s Bleeding Crown", premier extrait et piste inaugurale de l’album ? Ce morceau n’a évidemment dépaysé aucun fan : du propre aveu de Jon Larsen, batteur du groupe, il est ultra-typique, quasiment la signature sonore de VOLBEAT, avec sa cavalerie lourde de riffs (recyclés) et de progressions (caractéristiques). Un titre souvent jugé prometteur, pourtant, après un « Outlaw Gentlemen & Shady Ladies » (2013) ayant peiné à susciter un enthousiasme comparable à celui qui avait accompagné ses aînés, ceux qui avaient ouvert grandes à Poulsen et ses amis les portes des grosses tournées américaines, avec METALLICA et consorts.
Deuxième extrait de « Seal The Deal… », "For Evigt" et sa lyric video nous offrent un petit cours de Danois en compagnie de Michael Poulsen et son vieux pote Johan Olsen, ce qui nous rajeunit de presque dix ans, à l’époque de "The Garden’s Tale", jusqu’à ce clin d’œil, transparent, aux deux-tiers du morceau… Pour aborder cet album, il faut donc accepter de tomber parfois dans les petites embuscades musicales que VOLBEAT nous a tendues : ici c’est le Harlem Gospel Choir qui reprend la ligne de chant de Poulsen ("Goodbye Forever"), là c’est une cornemuse ("The Loa’s Crossroad") qui jaillit pour quelques mesures, puis retourne définitivement au silence. Ailleurs, les riffs d’intro se font orientaux ("The Gates Of Babylon"), comme ils s’étaient faits reggae sur "Still Counting" – sans toutefois approcher l’état de grâce du prélude au désormais légendaire décompte des trous du cul de Michael Poulsen, dont on attend encore le successeur, mais encore avait-il été composé par Thomas Bredahl , le prédécesseur de Rob Caggiano, parenthèse fermée. Rien d’incongru, pourtant, au contraire, mais comme une volonté esquissée d’explorer de nouveaux horizons, sans toutefois s’aventurer trop loin des territoires connus – y compris ce détour amusant par le skate punk, avec le très court "Rebound".
Car mises à part ces touches de "fantaisie", VOLBEAT se paraphrase souvent ("For Evigt", on l’a un peu vu, mais aussi "Marie Laveau", "Let It Burn", "Mary Jane Kelly", "You Will Know", "Seal The Deal"), parfois jusqu’à la caricature. C’est alors dans les solos de Rob Caggiano que l’on retrouve un peu d’intérêt, que l’on perd le sentiment « d’avoir déjà entendu ça » – ce riff, ce plan, cette tournerie de Jon Larsen, cette ligne de chant, les paroles « forever », « for evermore », « forever and ever »… Parmi ces solos qui sauvent ou relancent un morceau, citons aussi ceux de "Let it Burn" et "Black Rose" (chanté par Michael et Danko Jones). Sur la reprise de "Battleship Chains" (THE GEORGIA SATELLITES), en revanche, si on n’est pas fan hardcore de rockabilly à la base, il n’y a vraiment rien à sauver…
Concernant Rob Caggiano, que HARD FORCE a rencontré très récemment dans le cadre de la promotion de l’album et de la tournée, notons également qu’il "signe" (« It’s one of the songs I brought to the table* ») incontestablement l’un des morceaux les plus réussis de « Seal The Deal… », et sa conclusion : "The Loa’s Crossroad", un titre bien énervé sur lequel semble flotter par moments le fantôme du regretté Lemmy et qu’il serait intéressant de voir porté en live – davantage en tout cas que le morceau "Seal The Deal", par exemple – et tant pis pour la cornemuse.
Alors, réponse : non. « Seal The Deal… » n’est pas un album de transition. Difficile d’ailleurs, à ce stade, d’imaginer ce vers quoi VOLBEAT pourrait bien évoluer. Si l’influence de Rob Caggiano y est peut-être plus sensible (ce n’est d’ailleurs pas forcément l’avis du premier concerné), « Seal The Deal… » se trouve dans la parfaite continuité des précédents : les chiens aboient, la cavalcade de riffs passe, imperturbable – au moins la parenthèse "pop" que certains avaient pu percevoir avec « Outlaw Gentlemen… » semble-t-elle close.
VOLBEAT reste donc un groupe profondément agaçant, et pas (seulement) à cause de la personnalité de certains de ses musiciens : si cette chronique paraît sévère, par le caractère prévisible et désormais officiellement stéréotypé qu’elle met en avant, en faisant abstraction des moments où le sentiment « ils se foutent vraiment du monde » pourrait prédominer, « Seal The Deal & Let’s Boogie » n’en reste pas moins fort agréable à écouter. Il en résulte une forme de frustration, que le titre "Goodbye Forever" illustre et résume assez bien : à une intro et un couplet bien convenus, avec gratte sèche et « yeah-eah ! » à gogo succède un refrain étrangement hypnotique souligné par une guitare obsédante. Alors faut-il aimer ce morceau ou pas ?
* C’est l’une des chansons que j’ai apportées dans la discussion.