14 juillet 2016, 16:12

TWISTED SISTER

@ Saint-Julien-en-Genevois (Festival Guitare en Scène)

“You Can’t Stop Rock'n'Roll” les fanatiques, les lâches, les dégénérés, les forcenés de la haine, les sous-remugles de déchet de l’humanité. A la fin de l’ultime concert français de TWISTED SISTER, la voix blanche d’indignation, Dee Snider a annoncé au public du festival Guitare en Scène la survenue de l’attentat de Nice, avant de relancer une toute dernière fois “We’re Not Gonna Take It”, repris avec fièvre et colère par un splendide chœur gaulois, tendu comme un seul doigt, bien haut sous le nez de Daech. « C’est d’autant plus beau que c’est inutile » aurait lâché Guy Lux à Simone. Inutile et beau, c’est vrai, mais d’abord sacrément réconfortant. Le rock'n'roll maintenant ; la crise de stress post-traumatique, plus tard.



 

Sous un ciel changeant, la piscine de l’Hôtel InterContinental de Genève se reflète en scintillant dans les verres miroirs qui cachent les yeux de Dee Snider. C’est le 14 juillet et dans quelques heures, TWISTED SISTER passera la frontière toute proche pour donner son dernier concert en France, après 40 années de route ; ROCK HARD FRANCE et METAL XS ont donc rejoint l’homme à l’éternel pied de micro rose dans ce cadre paradisiaque pour de longs entretiens décontractés, fréquemment ponctués par les grands éclats de rire de cet immense showman. Les sujets de conversation ne manquent pas, de la sortie du DVD live en hommage à A.J. Pero, ce 22 juillet, à celle du troisième album solo de Dee, prévue pour septembre, en passant, pourquoi pas, par Donald Trump. Mister Snider n’aurait probablement pas été mécontent de terminer sur la Mainstage du Hellfest la partie française de son aventure avec TWISTED SISTER, mais il semble très heureux de revenir jouer à Saint-Julien-en-Genevoix, sous un chapiteau dont la jauge ne dépasse pas 5 500 spectateurs, pour "Bastille Day". Personne n’imagine alors que l’actualité va rendre ce concert un tout petit peu plus inoubliable encore, pour le groupe comme pour son public.

Aux yeux des fans présents à Saint-Julien, c’est d’abord l’opportunité d’assister à un tout dernier concert de la putain de Frangine Tordue dans un contexte relativement intime, mais luxe : en lever de rideau, Steve Vai a démontré à ceux qui découvraient le festival l’excellent potentiel du chapiteau de Guitare en Scène, en matière de son comme en termes de lightshow.

La fête promet donc d’être complète quand résonnent vers 22h30 les premiers accords de “It’s a Long Way To The Top (If You Wanna Rock n’Roll)”, annonciateurs depuis toujours de l’entrée en scène de TWISTED SISTER, sur les non moins immuables riffs de pure adrénaline qui ouvrent et parcourent “What You Don’t Know (Sure Can Hurt You)”. Le chapiteau n’est pas entièrement plein, mais la fosse est dense, bruyante, chargée de bière locale au génépi, bien remontée. Au fond de la structure, sur les gradins, de nombreux "handicapés" se sont assis : Dee Snider, Reine thaumaturge du fuck metal, définitivement ennemi du politiquement correct, finira par les faire se lever. Et nul doute qu’à ce moment-là, les plus anglophones de nos amis à mobilité réduite, de leur plateforme PMR, ont joint leurs applaudissements et leurs rires à ceux de la foule en toute connaissance de cause.



Le début du set, enchaînant “The Kids Are Back”, “Burn In Hell” et le très martial “Destroyer”, est le même qu’au Hellfest. “Like a Knife In The Back”, morceau tiré de « You Can’t Stop Rock’n’Roll » (1983), le second album de TWISTED SISTER, dont il paraît légitime de se demander si sa ligne de chant aurait pu inspirer celle de “For Whom The Bell Tolls” de METALLICA (« Ride The Lightning » est sorti en 1984), n’avait en revanche pas été joué à Clisson. Forcément plus attendu, le titre “You Can’t Stop Rock’n’Roll” mobilise les premiers chœurs vraiment massifs de la soirée.

“The Fire Still Burns” suit. Autour de lui, Jay Jay French, Eddie "Fingers" et Mark "The Animal" honorent formidablement, une nouvelle fois, le crédo formulé si souvent par leur frontman Dee Snider, et répété de nouveau dans l’après-midi : finir au top, ne pas risquer de faire la tournée de trop, jouer chaque concert comme si c’était le premier, comme si c’était le dernier. Sans surprise, derrière les fûts, le remplaçant qu’A.J. Pero avait lui-même désigné pour le remplacer en cas de pépin, l’immense Mike Portnoy alimente impeccablement le feu sacré légendaire des drag queens new-yorkaises, qui réchauffe une dernière fois la terre de France.



Autre nouvel ajout à la set-list par comparaison au Hellfest, “I Am (I’m Me)” précède le point d’orgue du set, “We’re Not Gonna Take It”, sans doute le morceau le plus connu de TWISTED SISTER, hymne à la rébellion sur-popularisé par Donald Trump au début de sa campagne pour l’investiture républicaine à l’élection présidentielle américaine – jusqu’à ce que Dee Snider, découvrant progressivement les idées du candidat, lui demande d’arrêter de l’utiliser en ouverture de ses meetings. Tout comme au Hellfest, apparemment, le groupe et le public reprennent le morceau après un court discours de Dee Snider honorant la mémoire des victimes du 13-Novembre, en particulier celles du Bataclan, et celles d’Orlando, le 12 juin dernier. We’re not gonna take it any more. Non, on ne va plus tolérer ça, plus jamais.

Pourtant, au même instant, vers 23h30, les premières notifications des applis d’info font vibrer les smartphones de certains festivaliers : un camion fou à Nice, un possible attentat terroriste, pas encore de bilan. Se levant des écrans de poche, les premiers regards inquiets s’échangent. Mais c’est peut-être une fausse alerte : profiter encore, tant qu’il est temps.

“The Price”, “I Believe in Rock’n’Roll”, “Under The Blade” s’enchaînent encore, jusqu’à un “I Wanna Rock” d’anthologie. Yes, we still wanna rock! A la fin du morceau, plutôt que de quitter la scène pour être rappelé, Dee Snider demande au public s’il en veut encore. Une clameur gigantesque lui répond et TWISTED SISTER envoie “Shoot’em Down”. Le morceau se termine de manière étrangement abrupte et Dee Snider annonce : « Attendez, c’est très grave, ça recommence : à Nice, ce soir, 40 morts. Alors on va faire un truc pas prévu : je veux toute votre colère pour reprendre “We’re Not Gonna Take It” . ». Face à cet abominable (demi-)bilan, il n’y a plus de mots pour décrire un concert de rock. En quittant la scène, quelques minutes plus tard, Dee Snider offrira ces dernières paroles de réconfort : « Stay tall, France. Stay fuckin’strong !* ».

* Reste debout, France. Reste putain de forte !


Photos © Hard Force - Christian Ballard
Retrouvez sur le site l'interview de Jay Jay French.
 

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Naiko J. Franklin
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