EVERGREY... Ce nom parle certainement à bon nombre à d'entre vous, mais ce groupe jouit-il vraiment de la reconnaissance qu'il mérite ? Voilà une question qui se doit d'être posée tant le statut de semi-second couteau du metal qu'il traîne depuis quelques années est autant injustifié qu'irritant. Et ne me dites pas que mon constat est exagéré. Comment expliqueriez-vous, sinon, que le groupe joue les invités - de luxe, certes, mais invités quand même - de DELAIN à Paris en novembre prochain ? Ces jeunes Hollandais sont certainement très sympathiques, et le piercing nasal de Charlotte du plus bel effet, mais bon...
Et pourtant. Qui (à part l'abruti au fond, toujours le même !) pourrait avancer que la musique proposée par le groupe n'est pas suffisamment intéressante ? Mélodique, technique, tantôt grandiose (« In Search Of Truth » - 2001) ou glaciale (« The Inner Circle » - 2004), toujours empreinte de mélancolie, l'oeuvre d'EVERGREY, à la croisée du prog', du gothic et du metal le plus classique, est à même de fédérer de nombreux publics metal. Et ce n'est pas « The Storm Within » qui va changer la donne. Cet album va même plus loin que tout ce qu'a fait le groupe jusque là, c'est dire !
Le disque s'ouvre sur quelques notes de piano avant qu'un gros riff ne déboule pour laisser place à un couplet et un refrain prenants. Première claque nommée "Distance". À l'instar de nombreux autres morceaux d'EVERGREY, la mélancolie sous-jacente de la chanson lui donne des faux airs de ballade. La fin est sublime, avec ces choeurs d'enfants qui confèrent au titre un caractère quasiment mystique ! Là encore, ce n'est pas la première fois qu'EVERGREY s'essaye à ce genre d'ambiance, mais la magie opère toujours ! "Passing Through" surprend avec ses éléments électro avant que "Someday" ne remette l'auditeur en terrain un peu plus connu. Le refrain est fédérateur et risque de faire de gros dégâts en concert !
Au bout de trois titres seulement, le constat est simple : Tom S. Englund et ses potes se sont surpassés ! L'identité EVERGREY est conservée bien sûr, mais comme magnifiée. Tous les éléments qui font le charme des Suédois sont ici poussés à leur paroxysme, comme si le groupe avait voulu se libérer de chaînes qu'il s'était lui-même trop souvent imposées. On se souvient encore du très moyen « Monday Morning Apocalypse » (2006), dont l'aspect dépouillé n'allait décidément pas au groupe. Depuis, « Torn » (2008), « Glorious Collision » (2011) et « Hymns For The Broken » (2014), avaient rectifié le tir, bien sûr, mais il manquait à chaque fois, sur le dernier cité surtout, ce petit plus qui fait un grand album, et ce petit plus - l'inspiration ? - est bien présent sur « The Storm Within » !
"Astray" envoie du bois et, avec son riff thrash, fait partie des morceaux les plus violents de l'album. Il est suivi d'une ballade, "The Impossible", qui, grâce au chant du sieur Englund surtout, prend véritablement l'auditeur aux tripes. Certes, les fans ne seront guère surpris, mais c'est tellement bien exécuté que l'on en reste sur son séant ! J'en oublie même d'être grossier, c'est dire ! Et ce n'est pas "My Allied Ocean" (thrashisant lui aussi) ou "In Orbit", hit single en puissance avec Floor Jansen (NIGHTWISH) invitée au chant, qui me feront retrouver la mémoire ! Crotte ! Flûte !... Oh, et puis merde ! Ce nouvel album d'EVERGREY est magnifique ! J'en veux pour preuve également "The Paradox Of The Flame", d'une indéniable puissance évocatrice, à tel point qu'on la jurerait tirée d'une B.O. ! Carina Englund supplée son chanteur de mari sur fond de violon et de piano pour un résultat époustouflant !
J'en entends déjà certains, parmi vous, dire que tout ceci est un peu exagéré, que ma raison vacille à force d'être malmenée par tant d'émotion, et par là même insinuer que sous ma carapace de gros métalleux se cache en fait une âme de midinette dont la sensiblerie est mal assumée. Ce à quoi je vous répondrai : "Allez écouter NAPALM DEATH et faites pas chier !" Ben oui quoi ! On n'est plus dans le 5ème paragraphe ! Vous résisteriez, vous, à des soli magistraux comme ceux de "The Last Monarch" ou de "Disconnect" (la paire Englund/Danaghe y fait des merveilles !) ou à un morceau aussi poignant que "The Storm Within", dont les sonorités de claviers ne sont pas sans évoquer MARILLION ?
EVERGREY fait preuve, sur ce « The Storm Within », d'une classe et d'une maîtrise absolues. Au bout de 20 ans de carrière, ils viennent même peut-être de sortir leur meilleur album. Gageons donc qu'avec un disque de cette trempe ils repartent de plus belle pour 20 autres années de succès discographique. Ce qui ne serait que justice car, entre vous et moi, la scène actuelle regorge de besogneux autrement plus cotés...