5 novembre 2016, 16:31

MÖTLEY CRÜE

"The End - Live in Los Angeles"

Album : The End - Live in Los Angeles

Voilà. "This is the end...", comme dirait l'autre, sur ce ton un peu fataliste.

Nous, à l'image du gros Vince Neil biotoxé mais pas défatté dont la larmichette finale sur "Home Sweet Home" est suffisamment zoomée pour apporter une dimension dramatique à l'évènement, hé bien ouais, on verse nous aussi notre petite larme.
Parce que Mötley, quoi.

Passé quinze ou seize ans on se doutait bien que des trucs ne tournaient pas vraiment rond chez eux, et à la lecture de "The Dirt", on avait enfin compris que chacun dépendait des autres pour que l'alchimie soit là, à n'importe quel prix, fut-il celui de l'honnêteté et de leur santé mentale. Parce que le Crüe, c'est une équation bien compliquée à quatre inconnues ; un truc vachement trop complexe malgré l'apparente naïveté affichée, un problème qui n'avait nulle autre solution que de jeter l'éponge. Tout en faisant trainer le truc, genre pendant 18 mois de tournée, quitte à multiplier les dépenses (valait mieux investir dans quatre limos, quatre tour-bus, voire quatre hôtels différents à chaque étape, tant ils ne peuvent plus se blairer), mais au final pour mieux récupérer les montagnes de cash généré par cette vraie tournée d'adieux, contrat à l'appui signé en conf' de presse archi-médiatisée. Juré juré, Mötley c'est fini, terminé, craché, on peut plus se supporter, limite on se sauterait à la jugulaire les uns les autres au moindre regard en biais. Au bout de 34 ans ensemble, on allait pas faire durer le supplice plus longtemps - hey, on est pas Aerosmith, pire, les Stones !

Mais voilà, même si quasiment plus personne n'est dupe, et que cette tournée est venue célébrer à la fois toute une carrière et donc son achèvement, on rentre complètement dans l'histoire, et on applaudit, on frissonne, on sourit, on a le coeur qui bat, on chante, on danse, on reprend tous ces refrains par coeur comme on le fait quasiment chaque jour depuis trente ans sous sa douche, ou au volant de sa Corvette - ou de sa 206.

L'an dernier, certains d'entre-vous se sont déplacés à droite à gauche pour aller les accompagner une dernière fois sur une scène d'Europe - la plupart étaient à Monaco le 12 novembre 2015.

Moi, c'était le lendemain. Le 13. A Munich. Parti, décollé pour l'Allemagne, pour ne jamais vraiment atterrir pendant les shows d'Alice Cooper puis du Crüe, jusqu'à ce que je me crashe, que je m'effondre, quasiment au premier rang, retourné par mille SMS vrombissant lors du premier refrain du rappel - "Home Sweet Home". Justement. Moi aussi Vince j'ai eu ma larme. Plein même.

Après, je n'ai jamais pu écrire mon article sur ce concert. Indécent. Impossible de vous faire partager ce que j'ai innocemment ressenti cette soirée-là. Alors je l'ai gardé pour moi, n'en distillant que quelques bribes ci et là, en privé, terriblement mal à l'aise.

Un an plus tard, je profite donc de cette sortie, « The End », pour remettre enfin en avant à quel point un concert de MÖTLEY CRÜE est un évènement extraordinaire : tout est là, dans ce live CD+DVD qui sort aujourd'hui pour boucler la boucle, ultime témoignage de ce qu'il s'est passé aux quatre coins du monde quasiment soir après soir lorsque Tommy Lee, Mick Mars, Vince Neil et Nikki Sixx sont venus dire au-revoir à leurs fans, dans un déluge de pyrotechnie et de lights qui feront bouillir de jalousie KISS et RAMMSTEIN réunis. Vraiment. Gene Simmons à six mètres de haut qui crache du feu ? Fluke qui baigne dans un chaudron d'étincelles ? Ah ah ah ah ! Attendez de mater un peu le solo roller-coaster façon Six Flags rock'n'roll de Tommy Lee, même si la machine plante au-dessus de 20000 personnes en pleine DERNIERE soirée ever au Forum de Los Angeles - soit chez eux, devant tous leurs fans, les premiers qui ont acheté le pressage Leathür Records, qui les ont vu au Starwood, et même devant leurs potes, leurs gonzesses, et leurs mômes (même toi Brandon, même si ton père t'a écrit et nous a infligé la pire chanson de toute leur discographie).

Non, cet ultime show de MÖTLEY CRÜE est incroyable, surpassant de loin tout ce que vous avez pu voir de fort toutes ces dernières années : il n'y a pas à dire, le feu sur scène est ce qui exalte le plus les passions ; on préfèrera toutes ces bombes, colonnes de flammes, explosions d'artifices, pluie d'étincelles, gerbes de feu crachées par une basse pyromane, bouquets finals répétés à chaque refrain plutôt qu'un monstre en carton pâte animé par un mec en échasses pendant, oooooh, trois folles minutes devant des backdrops en tissu qui défilent par un jeu de cintres. Mais je ne vise personne. Bref, pour moi, un concert de hard ça doit pétarader de partout, tel un festival de pyrotechnie qui vient soutenir chaque power-chord, chaque cymbale qui crashe, ces explosions gourmandes venant illustrer toute la folie, la violence, le grotesque, la dramaturgie wagnérienne, la mise en scène de ce péplum de décibels.
Et MÖTLEY CRÜE, c'est ça, visuellement. Et quand en plus il y a des choristes que l'on croit sorties d'une session chez Playboy, c'est encore mieux.

Et pour les yeux, et pour les oreilles. Merci mesdemoiselles de nous donner vos poumons (allons...) sur tous ces refrains universels parce que, comment dire, le père Vince Neil est quand-même encore à la ramasse. On est d'ailleurs prêts à parier qu'il n'y a ici AUCUN overdub sur les pistes vocales. Ou alors les choeurs sont-ils un poil plus mixés en avant. Parce que si Vince Neil est revenu en studio pour refaire CA... comment dire... vocalement l'homme régresse : essoufflé, il bouffe les paroles (ce qui n'arrange en rien son surpoids), et ce ne sont pas ces quelques syllabes distillées bon gré mal gré qui nous font reconnaitre les paroles, mais bien le pouvoir complètement dingue de toutes ces mélodies, de tous ces tubes. C'est simple, à côté David Lee Roth dans le dernier live "Tokyo Dome - In Concert" de VAN HALEN, c'est Glenn Hughes incarné. Non, jamais Vince Neil n'a-t-il été capable de vraiment s'appliquer à chanter, mais on l'excuse, parce que c'est Vince Neil, au même titre qu'Ozzy : c'est parce qu'ils sont eux-mêmes, avec cette identité si forte, qu'on les aime tant.

Ce soir du 31 décembre 2015, à L.A., il avait l'air de faire très chaud. Pas seulement à cause de ces pyros justement, ou du fait qu'en Californie du Sud tu peux fêter la St Sylvestre en bikini, non : à cause de cette ambiance de folie générée par le groupe. Il n'y a qu'eux, malgré ces fractures, malgré cette haine fratricide, qui peuvent créer une telle osmose, cataclysme de rancoeurs et de talents, une boule d'énergie faite d'atomes contraires qui ricoche dans tous les recoins du Forum, et dans les moindres tissus de votre corps. Vibrer avec la basse de Nikki Sixx et s'accaparer TOUS ces refrains est une expérience exceptionnelle - et pour la dernière fois, ils étaient tous là : "Girls Girls Girls", "Wild Side", "Smokin' In The Boys Room", "Looks That Kill", "Live Wire", "Dr. Feelgood", "Same Ol' Situation"... et ce "Shout At The Devil" si menaçant qui voit littéralement l'Enfer investir les planches sous le sceau d'un pentagramme en feu, nourri par l'arme fatale de Nikki. Quant au final, il est dantesque : c'est encore plus sur "Kickstart My Heart" que la frénésie du show MÖTLEY CRÜE atteint son paroxysme, dans un déluge biblique de feu et de détonations. Si vous avez vu KISS, payez vous ça : le bordel foutu par Neil, Mars, Lee & Sixx, aidés par une armada de roadies mercenaires qui balancent la purée comme s'il s'agissait du tout dernier show de l'Humanité. En même temps, c'est absolument vrai.

Et enfin, "Home Sweet Home", idéalement susurrée à la maison, à Los Angeles, où Vincent craque enfin, petite boule de frime esthétiquement ratée mais qui réalise enfin l'ampleur de ce qu'ils vivent, là, tous les quatre, pour les deux-trois dernières minutes de leur carrière, devant 20000 fans hystériques. L'émotion, palpable. Déjà que cette chanson débile, matrice de toutes les power-ballades à venir après 1985, venait déjà nous soulever les tripes à chaque chorus, là, ouais, c'est les boules. MÖTLEY CRÜE n'est plus, rideau, merci les gars. Grâce à vous, on a bien grandi. Enfin non, on n'a pas vraiment grandi parce que vous nous avez aidé à refuser de devenir des vieux cons. Mais peut-on imaginer un monde sans vous, vos conneries, vos chansons ???

« The End », qui sort donc sous les différents formats habituels, est donc un des produits les plus bandants jamais diffusés, une sorte de quintessence absolue de tout ce qui nous fait jouir dans le heavy-metal, dans un esprit festif complètement contagieux. Pour ne rien gâcher, tous les moyens techniques ont été fournis pour nous offrir des images extraordinaires, aussi belles que puissantes, sexy et d'une force évocatrice éblouissante, parfois renforcée de quelques montages en slow-motion. Quant au son, vous y êtes : c'est la claque, magistrale. Osez monter le son sur "Primal Scream", où les détonations viennent se calquer sur les semonces rythmiques : waaaaaah.

Enfin, si la formule DVD s'impose tout particulièrement, les collectionneurs seront peut-être tentés d'aller provoquer un rapide héritage familial s'ils veulent acquérir LA pièce de circonstance : le coffret en forme de pierre tombale, qui regroupe bien évidemment le live en multiples versions, son livre, des goodies, ainsi que les vinyles des meilleurs albums du groupe.

Voilà, on se remate ça, encore et encore, on fait toujours chier les voisins avec autant de boucan, et on rumine nos souvenirs personnels, heureux ou bouleversants.
So long guys, on vous aime tellement.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications

2 commentaires

User
UncleFester
le 06 nov. 2016 à 08:24
\m/
User
UncleFester
le 06 nov. 2016 à 16:25
au fait Mick Mars devait pas sortir un album ?
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