2017. Quatorzième album pour SEPULTURA. Qui l'eût cru ? Hu ?
Plus de 20 ans après le départ du leader canal historique Max Cavalera puis quelques années plus tard de celui du frérot-batteur Igor, à peine le mollasson « Roorback » sorti, on ne donnait pas bien cher de la peau des Brésiliens. Et pourtant, le capitaine Derrick Green fraîchement débarqué en 1998 a enduré un paquet de tempêtes mais a toujours tenu bon contre vents et marées, siégeant sans sourciller à bord de l'embarcation parfois chancelante. Et le bougre a bien fait puisqu'il est désormais tout aussi légitime que son prédécesseur dreadlocké, signant ici son huitième album avec l'inoxydable duo Andreas Kisser/Paulo Jr en presque deux décennies ! Oui, deux décennies avec des hauts, des bas, mais surtout une abnégation et une fougue déployées à chaque instant par ce bon vieux Derrick qui n'a décidément rien à voir avec son illustre homonyme teuton. Ajoutez un brin de fraîcheur à l'équipage avec le moussaillon Eloy Casagrande qui, du haut de ses vingt-six ans, apporte sa patte technique et un touché destructeur qui avaient déjà fait pas mal de dégâts sur le très bon « The Mediator Between Head and Hands... ». Secouez bien fort et vous aurez un line-up qui a tout ce qu’il lui faut pour réussir. D’autant qu'il est hébergé chez Nuclear Blast depuis maintenant plus de cinq ans, signe aussi d'une reconnaissance plus large qui s'inscrit dans une vision à long-terme. Gageons que cela lui apporte l'assise nécessaire pour défendre ce nouvel album aux quatre coins du globe.
Parce qu'entre nous, le SEPULTURA cru 2017 risque aussi d'en surprendre plus d'un. Et ce, dès les premières minutes où il aborde un visage méconnaissable en lâchant un bon gros pavé mélodique, tout en nuances, presqu'aérien, qui ouvre le bal des damnés avec une classe indéniable. Est-ce le double effet Jens Bogren (préposé aux manettes sur une bonne partie de la discographie d'AMON AMARTH et KATATONIA ou des derniers DARK TRANQUILLITY) ? Cela se pourrait bien. Côté pile, une production puissante, naturelle et équilibrée qui fait ressortir le côté face, cette irrésistible vitalité typiquement nordique qui insuffle à certains riffs un sens inné de la mélodie coup de poing. A moins que ce ne soit Derrick, qui n'a jamais été aussi à l'aise sur ses lignes de chant clair, disposant désormais d'une palette complète de vocalises qui fait tout le sel de cette nouvelle galette ? Peut-être bien. Ce qui est sûr, c'est qu'entre classiques burnés qui fleurent bon la période dorée du groupe (les deux brûlôts "I am The Enemy" et "Vandals Nest", l'instru "Iceberg Dances" qui rappellera quelques bons souvenirs aux fans de l'éternel "Inquisition Symphony"), et embardées hors du cadre imposé avec brio (les violons qui ponctuent "Sworn Oath" ou "Resistant Parasites" de leurs douces mélodies plaintives ou "Alethea" et ses mid-tempos complexes et progressifs), ou une chasse en règle sur les terres d'un FEAR FACTORY (le final menaçant "Cyber God", froid et dissonant ou les cavalcades rythmiques Obsolétiennes de "Sworn Oath"), le quatuor ne se refuse rien. Il aurait bien tort de ne pas le faire d’ailleurs.
Et, s'il fallait dresser un ultime constat à l'écoute de ce « Machine Messiah », c'est bien l'omniprésence du monstre de technique qu’est Andreas Kisser qui prend ici un panard pas possible, le genre de bonhomme à balancer un solo de derrière les fagots sur chacun des dix morceaux. Oui, cela faisait belle lurette que le père Kisser n'avait pas lâché du lead à tire larigot. Depuis quand ? "Arise" ? Non. Si. Enfin pas tout à fait puisque « The Mediator Between… » avait déjà retourné la tendance en faveur du lead furieux et inspiré. La dextérité légendaire du presque cinquantenaire fait ici mouche à chaque instant, mise en valeur comme jamais par le travail ryhtmique effectué dans son sillage par le discret mais efficace Paulo Jr. Les deux font la paire et c'est bien connu, la paire y'en a pas deux.
A y regarder de plus près (enfin pas trop non plus), le seul bémol que je mettrai au sujet du nouveau SEPULTURA restera son artwork, proche de ce que Mick Riddick a proposé pour le « Deflorate » de THE BLACK DAHLIA MURDER. Oui, on peut le dire sans jeter un quelconque discrédit sur son travail habituel, ce patchwork de couleurs ingrates sans fil directeur signé de l'artiste Philipinne Camille Della Rosa est loin de la qualité et de l'extravagance de ses oeuvres habituelles, un brin mystiques et plus portées sur l'enchevêtrement de détails anatomiques avec une précision redoutable. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas paraît-il. Alors n’y allons pas par quatre chemins : « Machine Messiah » est le meilleur album que SEPULTURA ait sorti depuis le Cavalera Clash.
Et cela ne se discute pas non plus…