2017, l'année décisive pour SVART CROWN ? Cela en a tout l’air : entre un quatrième album, « AbReaction » qui s’annonce grandiose, une tournée aux Etats-Unis avec MARDUK et INCANTATION qui fera place dans la foulée à une dizaine de dates aux quatre coins de la France avec BENIGHTED puis REGARDE LES HOMMES TOMBER, il y a de quoi avoir le moral ! C’est donc avec un Jean-Baptiste le Bail (guitares et vocalises) gonflé à bloc que nous avons pu échanger juste avant qu'il n’embarque pour son American dream à lui...
Salut JB ! Est-ce que la pression commence à monter quelques jours avant de vous envoler avec MARDUK et INCANTATION pour une tournée de treize dates qui va sillonner une bonne partie du sud et de l’est des Etats- Unis ?
Salut Clément ! Et bien nous sommes tout simplement gonflés à bloc puisque cette série de dates aux Etats-Unis va nous permettre de tester quelques titres de notre nouvel album en compagnie de groupes que nous connaissons bien puisque ce n’est pas la première fois que nous partageons l’affiche avec MARDUK. En effet, ceux-ci étaient déjà à nos côtés lors de la dernière tournée réalisée pour la promotion de « Profane » en Europe. D’ailleurs, celle-ci a été une vraie réussite avec des souvenirs de tournée mémorables, notamment dans les pays de l’Est et les Balkans ! Inutile de te préciser que nous avons vraiment hâte de prendre la route et d’en découdre sur scène, c’est là où notre musique prend toute son ampleur, au contact du public.
Quatre années séparent « Profane » du nouvel album, « AbReaction ». Peux-tu nous dire ce qu’il s’est passé pour SVART CROWN pendant ce laps de temps ?
Beaucoup de choses et surtout un paquet de dates à travers l’Europe mais aussi aux Etats-Unis ainsi qu’une date au Japon, à Tokyo ! D’ailleurs, nous avons respecté quasiment à la lettre le planning fixé à la sortie de « Profane ». L’objectif était de stabiliser le line-up du groupe et surtout de lui faire franchir une étape, tout du moins en Europe. Evidemment, tout ne s’est pas forcément passé comme prévu, ce serait trop simple, puisque nous avons connu quelques galères en 2015 et que cela nous a demandé du temps pour restructurer le groupe autour de nouveaux membres impliqués à fond dans SVART CROWN. Mais ce qui fait au chaud au cœur, c’est tout de même d’avoir assuré près de deux-cent concerts en presque quatre ans et d’avoir pu échanger avec de nombreux fans qui nous ont apporté tout leur soutien, et là, l’objectif a été atteint haut la main !
Nous avons pris aussi pas mal de temps pour composer, que ce soit pendant les différentes tournées, à gauche et à droite, afin de faire mûrir nos premières idées pour l’album. Enfin et pour finir sur une bonne nouvelle, nous avons également signé chez Century Media.
Voilà une bonne nouvelle pour le groupe ! Cette signature devrait vous ouvrir encore plus de portes, non ?
Oui en théorie, mais tu sais, Century Media ne nous a fait aucune promesse à ce sujet. Et je pense d’ailleurs qu’un label sérieux et honnête ne peut pas en faire. Nous avons, encore une fois, des objectifs, des attentes, mais au-delà de ça et même avec toute la meilleure promotion du monde, au final seul le public décide. Century Media a des bureaux en Europe, aux Etats-Unis, ils s’occupent de la promotion et nous donnent une assise financière qui devrait nous aider à passer un cap, mais la relation ne va pas que dans un sens. Charge à SVART CROWN de donner le maximum, de passer du temps en tournée, à échanger avec les medias, les fans, pour remplir sa part du contrat.
Ce qui est intéressant, avec le recul, c’est que nous avons aussi pensé l’année dernière à revenir dans une plus petite structure puis pourquoi pas de trouver un distributeur via nos réseaux pour diffuser l’album et renouer au passage avec nos racines de débrouille. Mais une opportunité avec un label de l’envergure de Century Media ne se refuse pas.
En parlant d’envergure, Nuclear Blast est lui en passe de devenir LE label metal au vu de ses dernières signatures, rien ne semble arrêter l’ogre de Donzdorf…
Cela n’est pas surprenant lorsque tu y regardes d’un peu plus près. Depuis quelques temps, le marché de la musique et plus particulièrement du metal se restructure, il retrouve aussi un certain attrait pour les grosses structures plus généralistes, c’est une niche qui prend de la valeur. D’ailleurs, comme à l’instar de nombreux secteurs aujourd’hui, de plus grosses boîtes rachètent de plus petites et disposent ainsi d’une taille critique qui leur permet de continuer à investir et de signer des groupes. Prends l’exemple de Monte Conner qui est passé il y a quelques années du mythique label Roadrunner, sur le déclin à Nuclear Blast, c’est un signe qui ne trompe pas ! Voilà qui montre que le label se place dans une stratégie plus globale et diversifiée que celle qu’il suivait auparavant.
Après il faut relativiser, pour ce qui est du metal extrême, nous sommes encore bien loin d’une telle effusion ! J’ai cependant le sentiment que c’est différent chez Century Media, qui a encore un catalogue extrême et progressif en visibilité. Les personnes qui travaillent pour ce label savent bien comment ce type de groupes fonctionne et ne tablent pas que sur des noms déjà établis. La preuve : ils ont signé SVART CROWN !
Oui, enfin avec douze années d’existence quand même, vous n’êtes plus si jeunes que cela !
Tu n’as pas tort (rires). Et bien, parlons plutôt de groupes à taille plus réduite alors ! Le temps passe trop vite mais nous sommes encore jeunes dans nos têtes.
En parlant du groupe, vos deux nouvelles recrues, Kevin Paradis aux fûts et Kevin Morlay à la guitare, au-delà du fait que les deux aient joué pour AGRESSOR…
Oui ?
Ils s’appellent tout les deux Kevin. C’est donc un impératif désormais de s’appeler Kevin pour jouer dans SVART CROWN ?
C’est juste une coïncidence (rires) ! J’imagine que c’est juste parce que leurs prénoms étaient à la mode à la fin des années 80. Pour le reste, non, ce n’est pas sur ce critère que nous les avons recrutés ! Ils ont d’autres qualités bien plus remarquables.
Qu’apportent-ils au duo "historique" que vous composez tous les deux avec Ludovic depuis plus de dix ans ?
En fait, nous avons cherché des personnes qui correspondaient au mieux à la philosophie de SVART CROWN, mais qui avaient également la volonté d’aller de l’avant avec nous. La contrepartie de cette sélection est qu’aucun d’entre eux n’habite dans notre région et donc que le line-up du groupe est éparpillé aux quatre coins du pays. Lyon et Lille pour les deux Kevin, Nice pour Ludovic et moi. Mais peu importe, ce sont eux que le sort a désigné ! Ils savent que jouer dans SVART CROWN est aussi un exercice ingrat qui demande beaucoup d’efforts, d’investissement et offre peu de retombées financières. Il faut avoir les reins solides et un mental qui suit…
A ce sujet, vivez-vous de votre musique aujourd’hui ?
Non. SVART CROWN reste l’une de nos activités principales mais il ne nous rapporte pas de ressources suffisantes au quotidien pour en vivre à temps plein. Après, cela serait génial que ce soit le cas mais c’est une utopie, nous jouons dans un style bien trop extrême pour prétendre à cela. Il y a un public malgré tout, mais pas assez conséquent pour pouvoir vivre de notre musique. D’autant que nous ne sommes pas prêts non plus à faire de compromis. Ni sur la forme, ni sur le fond.
Pour en revenir à « Profane », l’album avait fait le buzz à l’époque de sa sortie. D’ailleurs lorsque je compare celui-ci au petit nouveau, je constate que ce dernier est plus noir, obscur, qu’il expérimente alors que « Profane » était plus dans l’énergie, la force de frappe…
Ah oui ? Je trouve au contraire que le dernier est dans la droite lignée de « Profane », qu’il pousse juste les ambiances un cran plus loin.
"Avec « AbReaction », nous ne nous refusons rien !" - JB le Bail
Si je te disais que « Profane » c’est le SVART CROWN salle de sport et « AbReaction » le SVART CROWN café-philo, tu vois où je veux en venir ?
Euh, non pas vraiment (rires) ! Encore une fois, je ne suis pas sûr que le SVART CROWN d’il y a quatre ans était aussi direct que cela. Il y a avait déjà une démarche de sophistication de notre musique à l’époque. Plus abouti dans le son, dans les compositions que sur les deux premiers albums, « Profane » symbolise un vrai cap pour nous. Et sur ce « AbReaction », nous avons osé aller encore plus loin dans le développement de certaines ambiances, jouer encore plus sur les contrastes entre force brute et mélodies. Avec celui-ci, nous sommes vraiment allés au bout de notre démarche artistique. D’ailleurs, si tu te souviens d’un morceau comme "Venomous Ritual" sur « Profane », tu ne seras pas si surpris de l’orientation du nouvel album. Les riffs, les breaks, les ambiances, tout y était plus dense mais en même temps beaucoup plus ouvert. En fait, tu pourrais comparer notre démarche à celle d’un YOB ou d’un NEUROSIS, le genre de groupes qui prend le temps de créer de vrais climats, de jouer sur la progression des riffs… avant d’envoyer le bois !
Evoquons les paroles maintenant, de quoi parle ce nouvel album ?
Encore une fois nous avons souhaité sortir des sentiers battus et les paroles s’en ressentent plus que jamais. Celles-ci sont fortement influencées par les rites africains, tribaux mais aussi la magie Vaudou. Le genre de célébrations où les gens se laissent aller pour exorciser leurs démons intérieurs. C’est également le cas pour l’artwork, signé par Stefan Tanneur (NDLR : également à la manœuvre sur les deux précédents albums du groupe) qui reflète à merveille le contenu de l’album.
Des ambiances tribales, des structures plus complexes, une volonté de sortir des sentiers battus tout en gardant cette base rythmique death metal. Est-ce que c’est cela la patte SVART CROWN aujourd’hui ?
Exactement ! Avec « AbReaction », nous ne nous refusons rien ! Le but était de s’éclater à composer des morceaux qui prennent le temps d’installer des ambiances, tout en ne négligeant pas l’aspect "coup de poing" de notre musique. Et je pense sincèrement que nous y sommes arrivés. D’ailleurs, cette démarche d’expérimentation est en phase avec ce que j’écoute en ce moment. Des artistes éloignés du spectre metal pur et dur comme WARDRUNA, CHELSEA WOLFE ou WOVENHAND. Des artistes qui développent des atmosphères, qui racontent des histoires avec du vécu. Attention, ce n’est pas pour autant que je rechigne à écouter du metal en parallèle, j’adore le dernier TRIPTYKON par exemple !
Tu parles du côté ethnique, tribal de votre musique, j’imagine qu’un groupe comme DEAD CAN DANCE sur "Spiritchaser" ou TRIAL OF THE BOW constitue aussi une clé de lecture pour mieux comprendre votre démarche ?
Oui, je ne suis pas un expert de DEAD CAN DANCE mais j’ai à l’esprit certains de leurs classiques, peut-être plus noirs, gothiques que le côté tribal qu’ils ont pu développer sur d’autres morceaux. Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette approche nous a permis de nous ressourcer, de trouver un nouvel angle d’attaque musical pour le groupe. Il était hors de question de refaire un « Profane » bis ! Je comprends cependant que certaines personnes puissent être surprises à l’écoute de l’album mais avec un peu de recul, c’est une évolution logique où la base SVART CROWN reste bien présente.
En parlant de parallèles musicaux, j’ai toujours trouvé des liens évidents entre IMMOLATION et SVART CROWN, ces riffs puissants, acérés, cette section rythmique presque groovy, les vocalises death intelligibles. Est-ce que ce groupe tient une place importante pour toi ?
Bien vu ! En effet IMMOLATION est mon groupe de death metal préféré : une discographie exemplaire, des mecs simples et pro, c’est le top niveau à l’état brut ! Je revendique d’ailleurs cette affiliation avec IMMOLATION, notamment sur nos deux premiers albums, qui comportent aussi quelques clins d’œil à DIABOLIC et INCANTATION.
As-tu pu écouter « Atonement », leur dernier album ?
Non pas encore. J’ai juste jeté une oreille sur le morceau "Destructive Currents". Et pour tout te dire, l’IMMOLATION d’aujourd’hui, enfin celui d’après « Majesty and Decay » a perdu un peu de sa superbe à mon sens. Oui, c’est toujours efficace, puissant mais il manque du vice, de la hargne. J’ai l’impression que le groupe reste dans sa zone de confort, qu’il ne souhaite pas forcément se remettre en question.
JB, nous arrivons à la fin de cette entrevue. Encore merci pour ta disponibilité, ces derniers mots seront pour toi...
Merci à toi Clément pour cette interview. J’en profite pour passer le bonjour à tous les lecteurs et lectrices de HARD FORCE, nous avons hâte de vous retrouver sur les routes en 2017 ! D’ici là, prenez soin de vous…
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