4 mars 2017, 8:57

JUDAS PRIEST

"Turbo 30"

Album : Turbo 30

Quand on aborde le sujet des remasterisations, il y a toujours deux écoles : la première, celle des puristes, qui considère qu'il ne faut jamais, ô grand jamais, toucher aux classiques, intemporelles œuvres qu'il est sacrilège de vouloir modifier. Et puis il y a la seconde, celle qui considère que remasteriser un disque, c'est permettre à ceux qui l'ont découvert à l'époque de sa sortie de l'aborder sous un jour nouveau, d'y déceler des charmes insoupçonnés. J'avoue m'être toujours senti proche de la seconde. C'est la raison pour laquelle j'avais déjà été enthousiaste à l'idée de redécouvrir la discographie du PRIEST avec les remasters de 2001. Et ensuite avec les éditions "30th Anniversary" de « British Steel » en 2010, de « Screaming For Vengeance » en 2012 et de « Defenders Of The Faith » en 2015. Et maintenant, voici venu le temps de célébrer les 30 ans de « Turbo »... du moins, avec quelques mois de retard ! Que n'a t-on pas dit sur ce disque ? Vous pensez ! Le PRIEST qui se mettait à l'AOR, autant dire une hérésie... Allez ! On refait le match, comme le dirait un célèbre commentateur sportif...

Quand JUDAS PRIEST entame la composition de son nouvel album à Marbella, en Espagne, en octobre 1984, le groupe a une idée bien précise de ce qu'il veut faire : expérimenter ! Il faut dire qu'avec leurs deux précédents efforts, « Screaming For Vengeance » (1982) et « Defenders Of The Faith » (1984), Rob Halford et les siens sont arrivés à leur apogée. Ces deux disques et le lot de classiques qu'ils renferment (je ne vais pas vous faire l'injure de les citer !) sont tellement aboutis qu'ils continuent de représenter, plus de trois décennies après leur sortie, des parangons de fureur heavy metal. Dès lors, comment pouvaient-ils faire mieux ? En s'inspirant de l'ère du temps, peut-être... L'époque est alors aux synthétiseurs et les succès du moment se nomment « Eliminator » (ZZ TOP) et « Brothers In Arms » (DIRE STRAITS), autant dire des disques bourrés de technologie. Cela n'a certainement pas échappé au PRIEST qui, gonflé à bloc (le projet initial consiste à sortir un double album, « Twin Turbos » !), va élaborer une œuvre pour le moins osée !

Enregistré aux Compass Point Studios à Nassau (Bahamas) et mixé aux Record Plant Studios de Los Angeles (Californie), « Turbo » sort le 14 avril 1986. Si l'album surprend musicalement, c'est peu dire que les photos promotionnelles qui accompagnent sa sortie choquent aussi ! N'oublions pas qu'en ce milieu des années 80, le cuir et les clous, marqueurs vestimentaires dont JUDAS PRIEST peut fièrement revendiquer la paternité, commençaient à être dépassés par les froufrous et le mascara du glam. Ceci non plus n'avait pas échappé à Rob Halford, Glenn Tipton, K.K. Downing, Ian Hill et Dave Holland qui, chacun, adoptent alors un look digne d'un Mad Max qui aurait fait ses classes chez Michou ! Mais parlons plutôt musique.

Le premier titre, “Turbo Lover” (dont le clip tournera en boucle sur la toute-puissante MTV) annonce clairement la couleur avec ses guitares synthés omniprésentes, son rythme martial et son ambiance robotique. Pourtant, et c'est le cas sur pratiquement tous les titres de ce « Turbo », la patte du PRIEST est bien là, autant dans le côté péremptoire du pré-chorus que dans les lumineuses interventions des duettistes Tipton et Downing. Le groupe veut séduire, c'est évident, mais sans se départir toutefois de ses fondamentaux heavy. C'est ainsi que sous des dehors froids mais souvent dansants (incroyable d'utiliser un tel terme pour évoquer JUDAS PRIEST !), « Turbo » recèle son lot de pépites, telles “Locked In”, “Rock You All Around The World” (qui aurait pu figurer sur « Defenders Of The Faith ») ou le sublime “Reckless” (un temps pressentie pour figurer sur la B.O. du blockbuster Hot Spot). Autre pierre angulaire de l'album, “Out In The Cold”, titre lent mais puissant qui distille une subtile mélancolie et qui, à l'instar du single “Turbo Lover”, deviendra rapidement un incontournable des futures set-lists des Britanniques.

Bien sûr, tout n'est pas aussi réussi sur le disque et si le fan moyen peut encore se retrouver dans “Private Property” ou “Parental Guidance”, difficile pour lui de voir en “Wild Nights, Hot & Crazy Days” (rien que le titre !) ou “Hot Love” autre chose que de poussives ressucées des niaiseries alors en vogue aux States. A ce petit jeu, IRON MAIDEN qui sortira la même année un album truffé de guitares synthés (« Somewhere In Time ») sera beaucoup plus fort et y perdra moins de son âme. Fin de la parenthèse. « Mais alors », me demanderez-vous, « cela valait-il la peine de sortir une version "anniversaire" d'un CD qui fait quand même un peu tache dans la discographie de JUDAS PRIEST ? ». Ce à quoi je répondrai : « Oui, cent fois oui ! ».
D'abord, cette version 2017 de « Turbo » a un son à couper le souffle, plus encore que le premier remaster de 2001. « Rien d'étonnant puisque c'était déjà le cas avec les précédentes éditions "30th Anniversary" ! », me rétorquerez-vous avec l'audace qui caractérise les lecteurs de HARD FORCE (un peu de lèche ne fait jamais de mal !). Oui. Sauf que dans le cas présent, le gros effort fourni sur la remasterisation permet réellement d'appréhender « Turbo » sous un nouvel angle. Plus encore que « British Steel », « Screaming For Vengeance » et « Defenders Of The Faith », « Turbo » s'inscrivait dans une époque et sa production clinique, très typée mid-80's (le premier album étiqueté "metal" à avoir été enregistré en numérique) avait encore besoin d'un bon coup de jeune.

Là réside d'ailleurs l'autre intérêt de souffler les 30 années de « Turbo » : avec une production plus pêchue, on s'aperçoit que JUDAS PRIEST n'avait quand même pas beaucoup renié ses origines... et que ses extravagances synthétiques (qui représentaient alors le fin du fin en matière d'audace musicale) sont finalement ce qu'il y a de plus dépassé aujourd'hui. Comme quoi les fondamentaux metal seront toujours à la page parce qu'en dehors de toutes les modes, justement. Ce que le groupe comprendra à l'heure de sortir « Ram It Down » deux ans plus tard, et plus encore l'album phare « Painkiller » en 1990. Comment passer sous silence, également, le fantastique double live qui accompagne ce « Turbo 30 » ? Enregistré à la Kemper Arena de Kansas City le 22 mai 1986, ce superbe témoignage du ”Fuel For Life Tour” représente un complément idéal au live officiel « Priest... Live! » car le concert est présenté dans son intégralité. Ce que même le pendant VHS de « Priest... Live! », plus complet, n'était pas parvenu à faire puisqu'il lui manquait deux titres : "Metal Gods" et "Victim Of Changes". Un écueil évité ici, de surcroît avec un son du tonnerre, bien moins étouffé que celui du double CD officiel. Les collectionneurs (dont je fais partie) apprécieront aussi beaucoup la présentation très soignée de l'album avec son luxueux digipak gaufré.

Achat indispensable pour tous les fans du PRIEST... et les autres !

Blogger : KillMunster
Au sujet de l'auteur
KillMunster
KillMunster est né avec le metal dans le sang. La légende raconte que quand Deep Purple s'est mis à rechercher un remplaçant à Ian Gillan, le groupe, impressionné par son premier cri, faillit l'embaucher. Avant finalement de se reporter sur David Coverdale, un poil plus expérimenté. Par la suite, il peaufina son éducation grâce à ses Brothers of Metal et, entre deux visionnages d'épisodes de la série "Goldorak", un héros très "métal" lui aussi, il s’époumona sur Motörhead, Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath et de nombreux autres ténors des magiques années 70. Pour lui, les années 80 passèrent à la vitesse de l'éclair, et plus précisément de celui ornant la pochette d'un célèbre album de Metallica (une pierre angulaire du rock dur à ses yeux) avant d'arriver dans les années 90 et d'offrir ses esgourdes à de drôles de chevelus arrivant tout droit de Seattle. Nous voilà maintenant en 2016 (oui, le temps passe vite !), KillMunster, désormais heureux membre de Hard Force, livre ses impressions sur le plus grand portail metal de l'Hexagone. Aboutissement logique d'une passion longuement cultivée...
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1 commentaire

User
UncleFester
le 06 mars 2017 à 10:07
très belle chro pour un très bon album effectivement !!! les selfies de Mr Halford m'ont fait oublier à quel point ce groupe est excellent …
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