27 mars 2017, 8:00

MASTODON

"Emperor Of Sand"

Blogger : Clément
par Clément
Album : Emperor Of Sand

Qu’il est loin le temps de « Remission », premier chef d’œuvre du quatuor d’Atlanta. Ce monstre fait de soufre et de lave aux riffs secs et abrasifs qui faisaient passer le papier-toilette rosâtre du TGV pour un comble de douceur. Ses parties de batterie possédées couplées à une basse nerveuse et frénétique, sa pochette chevaline sauvage et hallucinée. Pas de doute, rien n’invitait ici à la bienveillance. « Leviathan »  enfonçait sans ménagement le clou deux ans plus tard, embarquant la bande à Brann et Bill dans des eaux toujours plus troubles où rythmiques Moby-Dickiennes côtoyaient des moments d’une profondeur insondable. Et toujours ces mélodies d’un autre monde qui attiraient l’auditeur dans une lente et intrigante descente dans les fonds marins, sereine mais pas totalement rassurante, sans savoir ce qui se trame vraiment plus bas.

Blublll….

Il n’en fallait pas plus aux cravatés de Warner Music, sentant tout le potentiel de la bête, pour lui dérouler le tapis rouge via Reprise Records, nouant par là même un partenariat fructueux et heureux puisqu’il perdure encore aujourd’hui. Tout autant d’albums, d’un « Blood Of The Mountain » impérial dans ses expérimentations suivi par un « Crack The Skye » d’une richesse mélodique indéniable en passant par le fameux « The Hunter » qui poussait la créativité du club des quatre dans ses derniers retranchements. Mais c’était sans compter sur le feu d’artifices que constituait « Once More 'Round The Sun », ultime pied de nez en bonne et due forme qui faisait la part belle aux effluves des années 70 avec ses torgnoles rock’n’rollesques d’une énergie peu commune. Couillu et franc du collier, quoique non dénué d’une certaine sensibilité.

2017 signe le grand retour de MASTODON avec « Emperor Of Sand », album narrant les pérégrinations d’un vagabond dans l’hostilité désertique, en proie à ses propres démons et sous l'influence d’un certain empereur du sable, ah, concept-album quand tu nous tiens. Premier fait notoire, cette nouvelle livraison est produite de main de maître par un certain Brendan O’Brien, qui avait laissé le groupe sur le côté en 2009 . Et on peut dire que le bougre sait y faire quand il s’agit de délivrer un son efficace et respectueux, injectant ce qu’il faut de puissance à ces guitares explosives. Attention, par "explosives" il ne faut pas attendre de MASTODON un retour aux sources puisqu’il n’est à aucun moment question d’embardées hardcore névrosées ou de raclements de gosier au papier émeri. Non, ce septième album marque une volonté de remettre au goût du jour le côté heavy et épique qui faisait le délice de nos esgourdes sur « Crack The Skye ». Tout en franchissant encore un palier dans la mise en place, redoutable, de chacun de ces onze morceaux pour former un ensemble d’une cohérence indiscutable.

Les coups de tatanes en règle que forment l’introductif "Sultan’s Curse", "Andromeda" et sa section rythmique vicieuse ou ce "Scorpion Breath" aux riffs puissants en sont la plus belle illustration. Tout comme l’intro furieuse de "Word To The Wise" qui côtoie de grands moments de bravoure, plus sombres dans l’atmosphère initiée, comme sur le magnifique "Steambreather". Et ces claviers cosmiques qui irradient la mi-parcours du sublime "Clandestiny", un grand moment, assurément clos par un solo de toute beauté.
Je pourrais aussi mentionner ce point d’orgue que constitue "Ancient Kingdom", heavy comme jamais et lourdement lesté d’influences 70s, avec son refrain aux allures d’hymne ! Tout comme "Roots Remain", qui amène le quatuor dans des sphères encore rarement fréquentées, entre folie contrôlée et mélancolie tenace. Quant au single "Show Yourself", aux relents de FOO FIGHTERS, il reste ici la seule "entorse" rock-pop que s’autorise le groupe. Une entorse loin d’être douloureuse tant elle s’intègre bien à l’ensemble. 

Cette traversée du désert s’achève sur un "Jaguar God" surprenant tant son titre pouvait laisser croire à un ultime et fougueux assaut prêt à assaillir l'auditeur dès les premières secondes.Tout faux, MASTODON rend ici les armes aux sons de guitares tranquilles mêlées à quelques notes de piano du plus bel effet, des rythmiques en roue-libre… qui prennent contre toute attente une tournure plus orageuse à mi-parcours avant de rentrer dans la mêlée sur un finish ébouriffant ! Le jaguar est bel et bien vivant !

Cinquante et une minutes plus tard, le verdict tombe. Quelle facilité a MASTODON à trimballer l’auditeur dans des contrées hallucinées, avec quelle classe il éclabousse la structure de chacun de ces onze morceaux, quel bonheur intact il livre ici, une fois de plus. Comment ne pas être admiratif à l’évocation de ce groupe à l’évolution magistrale, qui n’a jamais cédé à la facilité pendant ses quelques dix-sept années d’existence. Un roc, solide, inébranlable, constitué autour de son même noyau dur depuis ses débuts, un exemple de force du collectif qui résiste à l’assaut du temps.

Chapeau bas, messieurs. 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK