2 juillet 2017, 23:10

STONE SOUR

• Interview Corey Taylor & Josh Rand

La notoriété de SLIPKNOT a pris une telle ampleur ces quinze et quelques dernières années dans la vie du chanteur Corey Taylor qu'on a tendance à oublier que STONE SOUR a été fondé bien avant, il y a 25 ans exactement. Un groupe atypique, capable de ne sortir que six albums studio sur cette période tout autant que d'en faire deux, conceptuels, coup sur coup à un an d'intervalle ou encore de produire deux EPs intégralement composés de reprises.

« Hydrograd » vient donc de paraître. Prolifique comme à son habitude, le groupe américain nous assène 15 titres, produits par Jay Ruston, qui font la part belle à l'éclectisme entre hard rock old school et heavy metal groovy et mélodique.
HARD FORCE a rencontré Corey Taylor et Josh Rand à leur hôtel lors de leur venue promotionnelle parisienne. Premier à nous accueillir dans sa suite, Corey est en train d'accorder sa superbe Gibson acoustique qui lui servira, quelques heures plus tard pour enregistrer quelques titres pour une session acoustique radiophonique.



Après avoir sorti successivement une somme musicale extrêmement ambitieuse en 2012 et 2013, les deux parties de "House of Gold & Bones", comment parvient-on à retrouver l'inspiration ?
 


Josh Rand : L’une des raisons pour lesquelles le disque est comme ça, c’est que tout d’abord nous l’avons enregistré live, ce qui est énorme. Ensuite on s’est amusé, ça a été l’éclate de réaliser ce disque - on n'avait même pas l’impression de travailler sur un disque : tout le monde s’est pointé pour pouvoir jouer de la musique tous ensemble et un mois et demi plus tard on avait ce disque. On s’est tellement amusés et ça s’est passé si vite qu’au bout des deux dernières semaines nous avions déjà fait tout le boulot. Tout était déjà réservé à l’avance, le studio et les endroits où nous logions, alors on s’est mis à rajouter de nouveaux trucs : il y a d’ailleurs quatre autres chansons qui ne sont pas sur l’album, il y a quatre versions acoustiques des nouvelles chansons. On a réalisé deux vidéos à 360 degrés, on a filmé cinq chansons live, deux sessions de photos - hey, qu’est-ce qu’on pourrait bien faire d’autre ? On s’est vraiment marré, vraiment une bande de jackass pour être honnête, et on apprécie chaque moment d’être dans ce groupe. Selon moi, le groupe est dans la meilleure position, pas seulement musicale, mais aussi mentalement et spirituellement. On est comme une bande de gamins de 17 ou 18 ans qui sortent pour la première fois. 

Les deux parties de "House of Gold & Bones" représentaient 23 chansons. Sur « Hydrograd »​, on en trouve 15. Tu n'es décidément pas fait pour sortir des albums de 10 titres !
Corey Taylor : (éclat de rire) Le groupe me charrie tellement avec ça ! Il y a deux raisons pour lesquelles l’album comporte quinze chansons : la première, c’est que j’ai d’abord essayé de retirer quelques chansons, mais le rythme du disque semblait alors naturel et si cohérent : je voulais vraiment pouvoir sortir la meilleure playlist rock possible, ou la meilleure compile CD ou la cassette possible - le genre de truc qu’on avait l’habitude de faire quand on était gamins. J’avais envie qu’il ait cette vibration : le mélange d’un album rock parfait et de la meilleure playlist. Et l’autre raison, c’est juste pour les fans : ils ont attendus pendant quatre ans que l’on sorte un nouvel album de STONE SOUR. On ne voulait vraiment pas leur présenter que dix chansons. Pour nous, on n’en pouvait plus d’attendre de créer ces nouvelles compositions : on sait que vous avez attendu longtemps, que vous êtes patients, et voilà, quinze morceaux, le meilleur que l’on a été capable de sortir de nous. On voulait que l’attente en vaille la peine. 
Josh Rand : On savait qu’en faisant ce disque nous disposions d’une super collection de chansons, très variées, et littéralement ce que nous avons fait est d’avoir délivré le meilleur disque qu’on pouvait, sans la moindre limite. « House Of Gold & Bones - 1 & 2 » étaient davantage un challenge pour Corey que pour moi et les autres gars parce qu’il avait alors à construire toute une histoire avec toutes ces chansons. Mais nous sommes tous très fiers de ce nouvel album, et aussi bon qu’a pu être « House Of Gold & Bones » pour nous, il nous a aidés à construire celui-ci.
 

"Jusqu’à aujourd’hui encore, SKID ROW est mon groupe préféré, et il le sera toujours" - Corey Taylor



Le départ de Jim Root a été un instant assez déroutant pour beaucoup.
Corey Taylor
: Ca a été bizarre au début, oui, évidemment et, sans manquer de respect à Jim - et je ne m’avancerai guère plus là-dessus - ça a été la meilleure décision pour tout le monde. Jim allait dans une direction et nous dans une autre, et on n’arrivait plus à trouver un terrain d’entente pour que cela puisse fonctionner. Mais je le respecte toujours autant, je l’aime autant, nous tous, et je lui souhaite tout le meilleur pour la suite, notamment avec SLIPKNOT, mais aussi dans le projet qu’il vient de monter avec d’autres personnes. Rétrospectivement, c’était la meilleure décision à prendre pour chacun d’entre nous.

Cela a-t-il été facile de vous réorganiser sur le plan de la répartition des rôles et de l'écriture.
Corey Taylor
: Ça n’a pas été difficile, seulement différent, parce que notre manière de composer n’a pas changé, on y a tous contribué sur un plan musical.
Josh Rand : On écrit toujours de la même manière. C’est juste chacun de nous individuellement et deux nouvelles personnes ont été amenées dans ce cercle. Et ce que ces mecs ont amené, c’est juste une toute autre entité.
Corey Taylor : Ce qui a été génial ça a été de trouver nos marques avec Johnny Chow et Christian Martucci, car nous avons alors récupéré deux nouveaux compositeurs ; et dans un sens, ça nous a stimulé parce que c’était différent. Donc difficile non, différent oui, et on s’est retrouvé à produire les meilleurs trucs de nous tous ensemble. Et ça a été beaucoup de fun.

Sur cet album, c'est un foisonnement d'influences : du hard rock, du metal extreme, des ballades, du rock alternatif, de la pop, il y a même de l'arena rock et des chansons sophistiquées... Il y a aussi une vibe très 80s. Tu n'as d'ailleurs jamais caché ta passion pour un groupe comme SKID ROW, voire pour GUNS N' ROSES. C'était intentionnel qu'elle ressorte autant dans ce disque ?
Corey Taylor :
Dans un sens c’est possible, mais ce n’est pas comme si on le faisait exprès : ça vient juste naturellement. Ca peut remonter aux derniers EPs, aux « Burbank Tapes » : travailler là-dessus a naturellement fait ressortir nos influences, parce qu’on les a alors partagées entre nous. Et ça nous a peut-être encouragé à écrire d’une certaine manière et à assumer ces influences-là tout en capturant quelque chose de vraiment fort. Alors, oui, ça nous a sûrement stimulé pour que l’on prenne des risques et pour repousser nos propres barrières, tout en dévoilant davantage nos origines dans les années 80. Et puis, jusqu’à aujourd’hui encore, SKID ROW est mon groupe préféré, et il le sera toujours. Je crois qu’ils ne bénéficient toujours pas de la reconnaissance qu’ils méritent… Alors si je peux dévoiler ça, et faire en sorte que les gens les écoutent grâce à ma propre musique, alors oui, je fonce. C’est bien de montrer aux gens d’où tu viens.
Josh Rand : Enregistrer ces EPs nous ont aidé de plusieurs manières. Tout d’abord ils nous ont permis de découvrir les influences de chacun. Dans STONE SOUR, chacun est influencé par des groupes différents et par différents styles de musique. Par exemple, pour moi, ça a été la découverte de BAD BRAINS : je connaissais le nom et le logo, mais je n’étais pas vraiment familier avec ce groupe ; tandis que pour Johnny Chow ça a été MÖTLEY CRÜE et KISS, pas vraiment ce qu’il pouvait écouter alors. Chacun a alors découvert des trucs différents parce que ces reprises couvrent cinquante années de rock, de punk et de metal, avec notre cover des ROLLING STONES, ça fait dix chansons - en fait quinze. Ca a donc donné le ton pour nous : on les a principalement enregistrées live et on a fini par enregistrer « Hydrograd » live aussi, et on a aussi expérimenté en utilisant plusieurs sons, en ne se focalisant pas uniquement sur un seul son de guitare, et Roy a changé de caisse claire pour différentes chansons - on a littéralement essayé d’adapter le son pour chacune des chansons. Et tout vient en partie de ces EPs où chaque chanson était bien distincte les unes des autres.


Le titre "Rose Red Violent Blue (This Song is Dumb and so Am I)" fait singulièrement penser à du FOO FIGHTERS. C'est la réminiscence de votre passage dans les studios de Dave Grohl en 2006 pour l'enregistrement de "Come Whatever May" ?
Corey Taylor
: Ha ha, c'est une intéressante question... Pour moi, cette chanson vient davantage de mon amour pour les CLASH (montrant son t-shirt). Le riff principal est vraiment un hommage à ce groupe ; et c’est une bonne rencontre entre les CLASH et CHEAP TRICK, d’une certaine manière, parce que c’est un super morceau de rock épique. Et c’est peut-être pourquoi il y a aussi cet effet FOO FIGHTERS qui s’en dégage aussi, on peut entendre ça aussi dans leur style. Le titre vient en fait des paroles, et c’est le genre de phrases un peu pince-sans-rire que j’adore écrire : tu vois le nom, alors tu veux l’écouter parce que ça t’intrigue, et lorsque tu l’écoutes, tu te dis que ça ne sonne pas du tout comme tu l’imaginais ! Les paroles parlent de se débarrasser de ces vampires en société qui te pompent toute ton énergie, et qui trainent avec toi juste pour ce qu’ils peuvent te prendre et non pour ce qu’ils peuvent te donner. On en a tous parmi nous ! Avec les années, je suis devenu capable de les écarter - pas tous, d’évidence. Mais encore une fois, c’est une chanson sérieuse, mais qui ne se prend pas trop au sérieux.

« Hydrograd »​ n'échappe pas à la règle de la ballade incontournable, tradition qui avait démarré avec "Bother"... Ici, "St. Marie", avec sa pedal steel, est-elle une tentative à vouloir séduire les ondes ?
Corey Taylor : Honnêtement non, cette chanson a démarré très différemment : à la base c’était juste moi avec une guitare, telle que je l’ai réalisée en tant que démo. On savait qu’elle possédait un refrain vraiment bon, un énorme potentiel pour des harmonies. Et ce n’est pas avant que l’on rentre en studio qu’elle est devenue cette chanson si énorme, bien plus qu’on ne l’imaginait à la base - au point où l’on s’est dit que l’on tenait quelque chose de vraiment spécial. Et alors, ce n’est même pas avant que le joueur de pedal steel vienne jouer dessus que l’on a réalisé qu’il y avait là cette vibration country très californienne - et ça lui a apporté cette âme si naturelle ! OK, ça ne dépend plus de nous maintenant, c’est juste super énorme, putain !
Josh Rand : Ce qui donne cette aspect country, c’est qu’à l’origine, je devais me charger du solo de guitare, mais je n’y arrivais pas. J’avais des problèmes pour trouver quelque chose qui collait bien au morceau, et je me suis tourné vers Jay Ruston en lui disant que je voyais bien de la guitare slide, mais en réalité je suis nul pour ça, et que ce serait juste génial si on pouvait avoir Derek Trucks pour jouer dessus - c’est ça que j’entendais idéalement dans ma tête ! Après, il nous a dit qu’il connaissait un joueur de pedal steel et je me suis dit cool, essayons ça ; si ça marche tant mieux, sinon tant pis ! Il l’a donc appelé et j’ai été soufflé par ce qu’il a fait ; tu sais quand tu es guitariste tu as un certain égo, surtout quand ce n’est pas toi qui joue le solo de guitare ! Mais ça a été définitivement la meilleure décision à prendre, parce que ça a porté la chanson à un tout autre niveau.
Corey Taylor : Et c’est tout le temps ce que tu veux, que chaque chanson possède ce genre de moments, cette rencontre entre la créativité et la qualité. C’est exactement avec ce genre de chanson que l’on sait que l’on a repoussé les limites mais qu’en même temps, on rentre complètement dans ce qui fait de STONE SOUR ce groupe vraiment spécial.
 

"Avec SLIPKNOT, la différence… c’est que nous sommes cinq et qu’ils sont neuf" - Josh Rand


Lorsqu'on entend un titre comme "Whiplash Pants", on se dit que la frontière entre SLIPKNOT et STONE SOUR est parfois ténue. Ce n'est pas difficile parfois de faire la part des choses et de garder l'un et l'autre des groupes à une distance raisonnable pour éviter toute confusion ?
Corey Taylor : Non, pas vraiment, surtout lorsque tu sais de quoi parlent tes chansons. Cette chanson est d’ailleurs très drôle à mes yeux. Les gens se disent que c’est un morceau vraiment énervé, mais si tu savais ce qu’il en est… Pour te dire, c’est principalement moi qui gueule après mes gamins pour qu’ils rangent leurs affaires ! C’est moi qui râle comme un vieux connard ! Prends tes affaires et range moi ce bordel ! Alors de ce point de vue, lorsque tu l’entends et que tu en saisis la perspective, oui tu sais que c’est une chanson vraiment agressive de STONE SOUR, mais qui ne possède pas l’esprit dérangé et ténébreux de SLIPKNOT. La seule chose qui unit ces deux groupes, c’est ma voix, c’est inévitable : la façon dont je chante est vraiment agressive parfois et ça provoque ces similitudes.
Josh Rand : Si tu remontes au premier album de STONE SOUR… une chanson comme "Whiplash Pants" aurait très bien pu figurer dessus, franchement… Avec SLIPKNOT, la différence… c’est que nous sommes cinq et qu’ils sont neuf, et il y a d’autres éléments qui font de SLIPKNOT ce qu’ils sont : les percussions, le DJ, les samples, c’est toute autre chose. Pour cette chanson, on aurait très bien pu l’écrire il y a quinze ans, elle n’est pas plus agressive que ne l’était "Get Inside". Certaines personnes qui nous écoutent ne voient que les singles, alors que dans le contexte de ces disques il y a déjà tous ces éléments plus heavy. Sur « House Of Gold & Bones » il y a avait aussi "RU486" qui était aussi heavy : celle-ci était vraiment très thrash alors que "Whiplash Pants" a été écrite avec davantage de nuances… c’est pourquoi peut-être que les gens pensent qu’il peut y avoir des similitudes avec SLIPKNOT ; essentiellement parce que c'est le même chanteur !
Corey Taylor : La même chose peut être dite à propos de "Snuff" : les gens pensent qu’il s’agit d’une chanson de STONE SOUR que j’ai refilée à SLIPKNOT, mais c’est archi-faux. De l’intérieur, tu sais de quoi tu parles et tu ne te soucies pas de ce genre de choses.

Revenons un instant sur les changements de musiciens dans STONE SOUR. En dehors de toi, auquel les fans peuvent s'identifier comme un élément stable et de Josh, on a l'impression que STONE SOUR n'est pas perçu réellement comme un groupe à part entière...
Corey Taylor : En fait ce groupe a toujours fonctionné de cette manière, c’est étrange. Même à l’époque entre 1992 et 1997 le line-up a énormément changé, on a été quatre, on a été cinq, etc. Certains pensent qu’il ne s’agit que de mon projet personnel, alors que Josh et moi sommes ensemble depuis le premier jour. Roy est avec nous depuis le deuxième album… c’est comme ça, il faut le prendre tel quel. Lorsque tu connais la musique, lorsque tu connais l’histoire, le fond des choses, et les raisons pour lesquelles on continue à le faire, et les gens que l’on recherche et avec qui ont veut partager la même joie de le faire - c’est là que cette identité prend forme. On n’en est pas à s’en faire à propos de notre image ou quelque merde que ce soit ; on est davantage concentré sur la musique - et en faisant ça, tu t’identifies d’une certaine manière, juste comme un groupe de rock. Enfin : combien de fois DEEP PURPLE a-t-il changé de musiciens ? Ils sont toujours d’actualité aujourd’hui encore. Je m’en fiche en fait. Les groupes connaissent des aventures, des changements ; même METALLICA ne sont pas les mêmes quatre mecs du début. Si tu t’en tiens à ça, qui s’en soucie ? •

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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