8 septembre 2017, 23:50

METALLICA

@ Paris (Accorhotels Arena)

On commence à être habitué. A chaque nouveau mouvement de METALLICA, à chaque nouveau chapitre, à chaque écart, à chaque audace, le groupe subit indirectement l'assaut des haters. Cette drôle de catégorie de "passionnés" qui préfèrent cracher avec une aisance déconcertante sur un sujet facile, plutôt que de se sortir les doigts et, tiens, pour une fois, faire quelque chose de leur vie. Toujours plus facile de gerber sa frustration derrière un clavier, que d'entreprendre quelque chose de constructif, qui, ô surprise, pourrait bien débloquer cette même frustration, souvent alimentée par un symptôme VDM. Un sale virus qui se répand sur la toile comme une volée de morbacs à l'arrière d'un tour-bus.


Facile de toujours trouver quelque chose à redire à propos de METALLICA : normal, ils osent. S'ils ne s'étaient contentés que de reformuler du DIAMOND HEAD conjugué à du MOTÖRHEAD en s'abreuvant de Smirnoff en tournant dans leur vans, avec des vieilles cartouchières rouillées qui leur compriment la poche à bière, oui, METALLICA n'aurait jamais été exposé à la vindicte populaire, et ne serait jamais devenu l'un des plus grands groupes du monde. On peut laisser ce type de destinée à d'autres métallurgistes plus "intègres" : mais sans jamais dénigrer ces fiers artisans qui préfèrent s'en tenir à leur savoir-faire, peut-on décemment reprocher à METALLICA d'avoir voulu évoluer, tenté les expérimentations et franchir ses propres limites, et ce sans avoir jamais eu à sacrifier leur énergie ?
Ces mêmes haters qui vocifèrent derrière des avatars belliqueux sur internet se pisseraient dessus s'ils devaient aller s'expliquer face à face avec les intéressés : tiens, voyons si la verve est in situ toujours aussi tenace. Le débat, lui, l'est toujours : il dure même depuis 33 ans, époque où le groupe avait osé la ballade avec "Fade To Black". La ballade !!! Et graduellement, proportionnellement à l'ascension exponentielle des Californiens, les opposants à toute nouvelle progression (considérée comme une régression - art subtil du parti-pris) s'en sont donnés à coeur joie : « Black Album », « Load » (et sa Re-dose suivante), l'orchestre symphonique, les reprises, Napster, « St.Anger », « Lulu », les coupes de cheveux, l'argent, les "pains" de Kirk Hammett ou le "jeu désolant" de Lars Ulrich, les stades, le merchandising, leurs disques ratés, bla bla bla : tout est devenu prétexte à sa nouvelle polémique et à son nouveau petit crachat de bile.

Mais au-delà de tous les débats secondaires, les concerts de METALLICA alimentent au moins un point de convergence, tout relatif, parmi ceux qui les suivent encore, même s'ils serrent des dents à l'écoute de leurs nouveaux disques. Et pour certains qui restent toujours aussi fidèles au groupe depuis ces mêmes 33 ans de concerts sur le sol français, un show de METALLICA reste assurément l'un des rendez-vous les plus excitants de l'année. Parce que quelle que soit leur actualité, quelle que soit la teneur de leur nouvelle inflexion musicale, leurs concerts restent des shows d'une incroyable intensité, propulsés par une vraie sincérité, un plaisir de jouer contagieux, une possession totale de la scène, des set-lists partiellement variables qui balayent à la fois le meilleur de leur répertoire et quelques surprises dépoussiérées, le tout serti d'une mise en scène à chaque fois éblouissante.

Age oblige, mon premier concert de METALLICA remonte à 1992, à San Sebastian en Espagne. Depuis, j'ai pu les voir dans toutes les configurations possibles : plusieurs arènes, plusieurs stades, plusieurs Bercy, mais aussi un Bataclan, un Trabendo... et le plateau de Canal+ l'an dernier.
Et comme cette bonne dizaine de fois précédentes, l'excitation reste la même en pénétrant dans Bercy (parce qu'on ne se résoudra jamais à l'appeler autrement). Voir les Mets' en live reste cette expérience fascinante : si on a pu les voir quelques fois en festivals ou encore au Stade de France pour la tournée "anniversaire" du « Black Album » (ou chez Canal... pardon...!!!), cela faisait quand même huit ans qu'ils n'avaient pas foulé la scène de Bercy, en avril 2009 pour le Death Magnetic Tour.
Et lorsque la salle est plongée dans le noir et que résonne l'intro majestueuse et si cinématographique du "Good, The Bad, & The Ugly" d'Ennio Morricone, une petite boule remonte jusqu'à la glotte, les yeux s'humidifient, les poils se dressent, et le reste aussi. A ce moment-là, petite pensée flash pour les haters, justement : vous n'avez pas idée de ce que NOUS allons vivre.
Car lorsque vingt-mille fans de hard-rock se lèvent ainsi à l'entrée en scène des gladiateurs, il n'y a qu'une seule certitude : le concert sera bon. Car la communion entre le groupe et le public parisien a toujours été exceptionnelle, et galvanisé leurs prestations, de toutes façons systématiquement alimentées par un point d'honneur à délivrer le meilleur d'eux-mêmes. La scène et le public, soit l'essence même de METALLICA, bien au-delà de toute formule plus sophistiquée ou de toute inclinaison plus ou moins arty. La quintessence de leur art. Leur raison d'être, sans économie.
Et ce soir, ils nous offrent un marathon de plus de deux heures. METALLICA au coeur de son public, littéralement : depuis 25 ans de concerts en arènes, le groupe choisit une scène centrale, véritable coeur et poumon vibrant raccordé à ses vingt-mille âmes qui lui donnent le pouls.
 


Si le principe reste immuable au fil des tournées, les quatre musiciens se contentant d'un espace tout en sobriété pour une vision à 360 degrés de ceux qui viennent les admirer, la scénographie, elle, est somptueuse. Si aujourd'hui les groupes que l'on aime sont partiellement coupables de pratiquer des hausses tarifaires affolantes sur le prix facial du billet (on se rattrape sur les pertes de ventes de disques, abyssales, conséquences du pillage et du piratage ? Ah le vieux débat), au moins en a-t-on pour nos frais tant les investissements en innovations technologiques sont à la hauteur des attentes. C'est simple, les animations et les projections opérées sur ces dizaines de cubes modulables qui surplombent la scène sont d'une ingéniosité et d'une beauté impressionnantes : partie intégrante d'un light-show repensé, ces cubes apportent une vraie dimension ainsi qu'une plus-value inédite au spectacle, une alternative aux sempiternels effets pyrotechniques, certes usités par certains sans jamais lasser, mais qui peuvent parfois s'avérer prévisibles, et trop systématiques - là où d'autres imaginent le show de demain, avec des effets à couper le souffle. Autre point d'orgue du show, ce ballet chorégraphié de lucioles scintillantes, alimenté par une armada de mini-drones qui s'élève depuis les dessous de la scène au cours de "Moth Into Flame". Incroyable, subtil - et presque poétique.
Actualité oblige, METALLICA pioche fièrement dans son nouvel album, paru il y a déjà dix mois. De « Hardwired... To Self-Destruct », les héros du jour en livrent une bonne moitié : c'est justement avec le titre éponyme qu'ils entament le set, talonné directement par "Atlas, Rise !", soit deux des plus grandes réussites de ce double-opus à nouveau sujet à polémiques - polémiques qui restent toutefois toujours intéressantes dès lors qu'elles sont argumentées, et non formulées à coup d'onomatopées, ou à ce qui ressemble davantage à des insultes mono-syllabiques rédigées fébrilement sur les touches d'un smart-phone.


Première grosse claque de la soirée : la présence soudaine et inattendue de "Seek & Destroy" si tôt dans le show - en troisième position ! Inamovible depuis leurs débuts, le choix de la balancer au bout d'une dizaine de minutes seulement relance la dynamique du concert, et offre une fraîcheur assez savoureuse, dopant forcément l'enthousiasme général de quelques degrés supplémentaires. Enthousiasme à nouveau surélevé, particulièrement chez les anciens, lorsque retentit les premiers assauts de "Leper Messiah", l'une des perles, symboliques, de toute une époque - celle de 1986 et de « Masters Of Puppets ». Derrière cette entrée en matière des plus vigoureuses, seule la convaincante et applaudie "The Day That Never Comes" vient faire honneur au précédent album « Death Magnetic ». Long, épique, old-school et à tiroirs, ce morceau fait sans l'ombre d'un doute partie des classiques.
Et c'est à son issue que le concert prend un virage moins captivant avec une succession de titres tirés de « Hardwired... To Self-Destruct », même si le premier, "Now That We're Dead" offre une séquence inédite où les quatre musiciens viennent s'affairer sur des tambours géants, dévoilés par quatre de ces cubes magiques descendus des cintres. Tel un rituel tribal, Ulrich, Trujillo, Hammett et Hetfield se retrouvent face à face pour jouer des percussions le temps de ce break un brin trop long, mais qui n'aura pas manqué de créer la surprise, avant que le batteur ne vienne reprendre son tabouret et la trame rythmique dudit morceau. Qui s'enchaîne avec un autre que le chanteur nous promet méchamment heavy : "Dream No More", qui vient lui rivaliser dans la pesanteur avec "Sad But True". Dans cette incartade qui privilégie son nouveau répertoire, METALLICA interprète son morceau le moins intéressant du lot, pendant lequel l'attention (la tension ?) retombe, voire dégringole : plus poussif et moins inspiré, "Halo On Fire" n'est pas à sa place et provoque quelques bâillements irrépressibles. D'autant qu'elle était pourtant précédée d'un des points d'orgue de chacun de leurs concerts, l'irrésistible "For Whom The Bell Tolls", qui fédère sans équivoque le moindre fan dans la salle.

Une incursion furtive dans le territoire punk est amorcée avec leur seule reprise de la soirée, le jouissif "Last Caress" des MISFITS. Deux minutes de brutalité à l'humour potache qui redynamite d'un seul coup, sec et puissant, toute l'assemblée après les huit minutes mollassonnes de "Halo On Fire". "Seule reprise" oui et non : lors d'une jam habituelle où Kirk Hammett vient s'amuser auprès de Robert Trujillo, les deux instrumentistes reprennent partiellement notre "Antisocial" sur quelques mesures (intro, couplet et refrain), suscitant forcément l'adhésion spontanée et chauvine des fans, qui donnent de la voix.
Autre moment aussi nostalgique qu'émouvant et impressionnant, Trujillo s'approprie le thème "(Anesthesia) Pulling Teeth" créé par Cliff Burton sur "Kill'em All", et offre un hommage sincère à son illustre prédécesseur, le pied calé sur une wah-wah sursaturée, tous doigts gigotants sur sa basse, dans une pose inspirée.
C'est avec l'incontournable (comment, ils ne l'ont pas joué le dimanche ???) "Creeping Death" que la soirée reprend une dimension plus consensuelle, mais certainement pas moins énergique ni excitante. Forcément, le dernier tiers du show s'articule sur les passages obligés, et un Bercy plein comme un oeuf qui reprend à vingt mille gorges déployées ces « Die ! Die ! Die ! » (comment, ils ne l'ont pas joué le dimanche ??? - comique de répétition) reste l'un de ces foutus moments qui vous font brandir le poing et saillir la jugulaire, putain de fier d'être un putain de hardos. Pardon, on dit metalleux.
Et à partir de là, tout s'enchaîne : entendus mille fois, les hits restent toujours aussi méchamment forts : la lourdeur de "Sad But True" s'efface pour laisser l'attendu "One" monter en puissance. Cette pièce épique de « ...And Justice For All », annoncée par des extraits du fameux clip qui en a bouleversé plus d'un en 1989 (projetés sur toutes les faces des cubes et qui remplacent, toute en subtilité et en émotion, les fameuses explosions de pyro qui recréaient pendant longtemps ce champ de bataille), brille toujours de son aura magnétique sur les foules, captivée par sa portée émotionnelle. Et c'est justement ici, utilisé avec parcimonie mais avec un effet de surprise total, que la pyrotechnie est actionnée : à trop être présente, on en oublie souvent la portée. Ce soir, ces quelques deux trois coups de pétards ont été magistraux.

Impossible de faire fi de "Master Of Puppets" : que dire de plus sinon qu'il s'agit depuis trente ans d'un des classiques les plus fédérateurs de l'histoire du metal, au même titre qu'un "War Pigs" ou qu'un "Number Of The Beast" ? TOUT Bercy plonge la nuque la première dans une frénésie de guitares le long de ces quelques huit minutes de maestria métallique - et qui fait résonner dans nos crânes de petites marionnettes consuméristes deux petits mots, qui n'en finissent pas de ricocher : "Bientôt", et "Coffret".
Et derrière, c'est la poutre biflée, sournoisement : perso je n'avais pas vu "Blackened" arriver, là de suite, et elle m'a pris par surprise. Putain que ce morceau est bon : la preuve, sa cavalcade rythmique a emporté Bercy loin, très loin par delà sa colline. Frappe sèche, riff chirurgical, vocaux aboyés : j'ai quatorze ans à nouveau et je me prends ça en pleine poire, faisant éclater quelques boutons purulents au passage, et je découvre mon vinyl de « ...And Justice For All » - que mes parents me confisquent aussitôt, le bulletin étant arrivé le même jour. Mauvais timing. Va falloir qu'on en reparle, d'ailleurs...
 


Pour calmer les (h)ardeurs, rien ne vaut une petite session "Nothing Else Matters" : oui les haters, c'est ici qu'on peut parler de ballade. Mais aussi populaire et commerciale soit-elle, ce hit-single qui a renversé la planète lors de leur suprématie en 1991-1992 reste, quoi qu'on en dise, un beau moment d'émotion, le solo lumineux d'Hetfield finissant par faire hisser les poils de n'importe quel réfractaire qui se retient pourtant, tel un sphincter qui lâche après une vessie surestimée. Une simple et inévitable réaction physiologique : chez un chevelu, "Nothing Else Matters", c'est le poil en l'air.

Epoque glorieuse qui nous emmène à la conclusion de la soirée, hélas inéluctable et d'autant plus frustrante qu'elle semble avoir duré trente minutes (dont 30% occupée par "Halo On Fire"). Bien sûr, c'est "Enter Sandman" qui nous invite à rentrer dans la nuit, et à venir faire de beaux rêves, des images de concert plein la tête - dont cette dernière saillie de pyro sur le BOUM qui fait traditionnellement trembler le final du tube platine.
Le classique expédié, les musiciens, rincés, prennent néanmoins le temps de venir saluer leurs fans et arpenter leur scène, toutes lights allumées, témoignant de leur sincère gratitude envers ceux qui continuent, soir après soir, année après année, à leur offrir tant d'affection et d'admiration. On est parmi eux, et on a les yeux qui brillent. Chacun d'entre eux s'exprime à sa façon pour nous remercier (pour Robert c'est un habituel "Wooouarg" qui commence cela dit à ne plus impressionner grand monde), et le groupe, que l'on a trouvé particulièrement uni (et à maintes reprise recentré autour de Lars pendant le concert), prend bien cinq, six minutes de rab' pour serrer des mains, et balancer des poignées de mediators dans les premiers rangs.

Jamais blasé, toujours ébloui et séduit par ce groupe de passionné, on applaudit jusqu'à l'irruption d'ampoules au creux des paumes. Et on rêve de la prochaine fois, que l'on espère au mieux intimiste (quand on goûte à l'expérience....) ou au pire massive avec le Download 2018.
Et on jalouse presque les copains qui vont se régaler dimanche à Paris (quoi ils n'ont pas joué "Creeping Death" ???), ou mardi à Lyon...

See you next time motherfuckers - we love you.


Photos © Lilian Ginet / HARD FORCE - Portfolio


Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications

3 commentaires

User
Christophe Leroy
le 16 sept. 2017 à 14:48
Bonjour Jean Charles, très bon article, tu résumes parfaitement ce que nous fan's des Met's avons vu, vécus, ressenti, le pied quoi. Je me suis donné la chance de faire les 2 dates de Bercy (POPB) eh ouais nous on continueras à l'appeler ainsi
User
Steph BERMOND
le 16 sept. 2017 à 16:44
ohhhhhhhhhhhhhhhhh pinaise !!!! le pied total ce dimanche 10 de l'an de grâce 2017........ vivement la prochaine !!!!! Merci les met's !!!!!
User
Virginie Marie Leson
le 16 sept. 2017 à 18:26
très bel article, je dirais même très bel hommage à mon groupe préféré.. Le seul dommage ce sont les fautes de français qui gâchent parfois la lecture. Sinon, j'ai eu l'impression de revivre le concert en vous lisant. Merci beaucoup. C'était mon tout premier concert de METALLICA, le cadeau que je m'offre pour mes 50 ans.
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