23 octobre 2017, 18:31

BLACK SABBATH

• "The Ten Year War"

Album : The Ten Year War

Croyez-moi, des disques compilations qui viennent circonscrire l'héritage de BLACK SABBATH, il y en a un sacré tas. Des best-of anglais, américains, argentins, japonais, russes, espagnols, yougoslaves, thaïlandais et d'ailleurs, tous sortis depuis cinq décennies par des labels qui se sont échangés le back-catalogue à tour de rôle, à coups d'accords, de rachats, d'absorptions, de fusions, de banqueroutes, de contrats foireux, de licences abusives, de coups-de-poignards-dans-le-dos, d'opportunisme, d'über-marketing, et de simples bonnes petites idées pour Noël. Des dizaines, des dizaines, et encore des dizaines de Greatest-Hits, beaux, moches, simples, doubles, quadruples, idiots, splendides, surprenants, mais il est vrai la plupart du temps inutiles, les fans de heavy-metal n'ayant pas vraiment le même genre d'approche que le consumériste moyen de décembre, qui va aller son petit lot de CD pour les Fêtes, l'opération "4 pour 20 euros" étant généralement alléchante pour venir faire le tour des tubes d'ABBA, de QUEEN, de DIRE STRAITS, et oh-la, soyons déglingos, de LED ZEPPELIN. 
Non, l'amateur généralement éclairé de heavy-metal passe en général par l'achat obligatoire des albums incontournables, et préfère aller dénicher les essentiels historiques - oui, ces disques qui, parfois, ne comportaient pas que des singles. Alors, merci à ces messieurs bienfaiteurs, philanthropes et visionnaires qui ont savamment brainstormé de nouveaux produits dans les bureaux de chez Philips, Fontana, Vertigo, Warner Bros, Gems, Castle Communication, Sanctuary, Universal, Rhino et consorts, pour apporter de nouvelles pièces à l'édifice BLACK SABBATH. Des pièces dont le péquin lambda n'a strictement que faire, mais qui nourrit à chaque fois les fantasmes du collectionneur complétiste (pléonasme ultime), même s'il sait per-ti-nem-ment qu'il ne trouvera jamais aucun inédit parmi le track-listing suuuuuuuper-étudié du nouveau double-CD annuel. 

Ah, et puis il y aussi les coffrets. Après avoir méticuleusement arpenté les foires aux disques, conventions, petits disquaires indépendants puis les vitrines virtuelles d'eBay ou Discogs pour trouver le dernier best-of mal foutu, pas remastérisé, huit-titres-seulement-au-menu et avec sa vilaine pochette digne d'une opé de station-service en Grèce, le collectionneur avide n'est pas encore rassasié : si dans le tas il doit au bas mot se retrouver avec une soixantaine de versions plus ou moins identiques de "Paranoid" ou de "Sweet Leaf" agencées à la va-vite entre deux faces de vinyles, le gars se retrouve néanmoins au pied du mont Golgotha. Parce que tout là-haut, il y a les coffrets BLACK SABBATH. Vachement plus intéressants, vachement plus beaux, vachement mieux faits, et vachement plus chers. 

Plus couillon que la moyenne, j'incarne moi-même tout le ridicule de la situation : posséder. Posséder ces coffrets, jolis et remplis. Au point même de devoir faire agrandir mon appartement pour littéralement repousser les murs, le toit, et me payer de nouvelles étagères plus robustes pour placer à leurs sommets ces bien belles boi-boites. Il y avait d'abord eu celle éditée par Rhino, la « Black Box : The Complete Original Black Sabbath (1970 - 1978) » : que du CD, un contenu élégant, et un splendide livret. Une première box aujourd'hui épuisée, très chère, mais à l'époque essentielle. Ensuite, Universal avait surenchéri avec la même intégrale des années Ozzy mais avec sa première salve de digipacks, tous insérés dans une immense boite en forme de croix. Un truc massif, en carton, in-rangeable. Mais qui nous a tous fait baver, au point de la désirer encore plus qu'une femme pour un légionnaire après cinq ans de mission au Sahel.
A peine quelque temps plus tard, Universal s'est à nouveau offert un sacré lifting du back-catalogue, en re-proposant le principal de la discographie BLACK SABBATH à travers plusieurs vagues de rééditions en format Deluxe, doubles voire triples CD qui dévoilaient pour la toute première fois des inédits, out-takes, mixes différents, lives, etc. Un TRESOR inestimable. Mais pour autant pas coffretisé. 
Et depuis, de nombreux nouveaux double-CD sont apparus pour saluer le répertoire sacré du groupe, à chaque fois à travers des trésors de packaging ou d'honneur (dernièrement c'est l'album "Paranoid" qui s'est vu dédié un joli coffret), la palme du beau ayant été emportée par BMG, dernier label en date à reprendre les affaires et à traiter "à sa manière" le back catalogue de messieurs Iommi, Butler, Ward et Osbourne, notamment avec un premier best-of de qualité, « The Ultimate Collection » - la version quadruple-vinyl étant d'une rare élégance, à en faire des cauchemars de manque, stigmates à l'appui : sueur, tremblements et hallucinations de junkies garantis.

Et tout cela nous mène à « The Ten Year War » - vendu depuis la rentrée comme LE coffret de l'année. 
Et tu m'étonnes. De son annonce sur une simple lettre promotionnelle, jusqu'à la divulgation de son contenu via quelques photos promo, ce coffret a tout du monolithe noir de Kubrick : la plastique, la noirceur, l'opacité, la lourdeur, l'épaisseur, et le mystère. 
Curieusement, la date de sortie française a été reculée d'un mois par rapport à celle de nos voisins britanniques : mais s'il faut leur concéder la primeur de l'objet, leur territoire ayant vu naître le groupe, rassurez-vous, une jouissance surnaturelle saura récompenser les plus patients d'entre-vous. Moins sage, moi elle m'a été livrée à domicile, mon facteur m'ayant maudit du regard, alors qu'il manquait de laisser choir le colis sur mon pied, à même mon paillasson. Hé ho ça va, hein. Quatre kilos c'est pas non plus....
Ben si. Quatre kilos de BLACK SABBATH, c'est du lourd. Du heavy. Et ça a quand même plus de gueule qu'un pauvre CD. « The Ten Year War », c'est du concentré de SABBATH, TOUT SABBATH avec Ozzy en vinyl, période seventies. Pas de « 13 » et encore moins de "Reunion" ici. Aucune polémique : les Tables de la Loi, juste les huit premiers albums du groupe, de 1970 à 1978, soit ces dix années de guerre, si l'on tient compte d'une décennie entière de règne, entre la création du groupe et son split houleux avec le chanteur, qui mènera on le sait à une seconde partie de carrière avec Ronnie James Dio dès 1979. 

Dans cette très épaisse box, les albums sont d'une robustesse à toute épreuve, mis à l'honneur dans des répliques précises de leurs éditions originales en vinyls : la pochette double gatefold de « Black Sabbath » avec son poème et sa croix renversée, « Paranoid », le carton bosselé du motif de « Master Of Reality » et son poster, « Volume 4 », le magnifique artwork de « Sabbath Bloody Sabbath », « Sabotage », puis les incompris et mésestimés « Technical Ecstasy » et « Never Say Die » qui, entre 1976 et 1978, ont tenté de sauver un groupe à la dérive, grâce à la vision de Iommi, quasi seul aux commandes et à la vision artistique complètement ouverte vers les expérimentations et les arrangements tous plus improbables lorsqu'on les compare à la formule originelle bien connue. Redécouvrir ces albums culte à travers un traitement sonore exceptionnel est une expérience quasi-religieuse - la sensation de ressentir la pluie, l'orage et se tocsin au loin en ouverture de « Black Sabbath » confine au mystique. Et chacune de ces faces marbrées s'enchaine dans un crescendo orgasmique de plusieurs heures, la puissance émotionnelle et tellurique de la musique de BLACK SABBATH étant à chaque fois un moment d'une rare intensité. Et même au bout de plusieurs milliers d'écoute depuis la primo-découverte du groupe sur la compilation "We Sold Our Souls For Rock'n'Roll" (la meilleure !!!), croyez-moi, la moindre écoute d'un de leurs cantiques est comparable à l'idée d'un dépucelage avec la Venus de Botticelli. 
 
Mais au-delà de ces huit LP indispensables, matrices définitives du heavy-metal, on trouve dans « The Ten Year War » quelques bonus alléchants qui vont venir mouiller votre petite culotte de métalleux :
Deux répliques de 45-tours promo rarissimes, une affiche de concert de '72 à Seattle, une reproduction du programme de tournée de l'ultime périple de 1978 ("The 10th Anniversary"), une autre réédition d'un livret promo d'époque qui compilait entre autres les mauvaises revues de presse essuyées par le groupe, mais surtout un épais livre de photos, en studio, live, posées, connues ou rares, et toutes soulignées par des témoignages de toute la Royauté rock et metal de la planète, qui livre ici son hommage et son respect envers ces quatre pauvres types de Birmingham qui ont écrit en ces dix années conflictuelles l'une des pages d'histoire les plus fascinantes et déterminantes de la musique contemporaine. 
Enfin, gadget ultime mais qui a son charme : un pendentif en forme de croix BLACK SABBATH, qui a la particularité d'être une clé USB renfermant le contenu intégral du coffret en format numérique, mais avec un soucis qualitatif maximal, le rendu sonore étant annoncé comme le plus parfait à ce jour -, digne d'une expérience d'écoute en studio !

Bien sûr, vous pouvez revendre tous vos vinyls greatest-hits d'époque pour financer une telle acquisition - sinon les juges seront, vous en avez ma parole, très conciliants si vous devez enfreindre quelques règles de morale ou de Droit commun pour pouvoir vous payer l'objet à temps, si vous voulez passer un Noël heureux (vous vous imaginez déjà avec autre chose comme cadeau ?). De "simples circonstances atténuantes", qui seront entendues en tant que telles : merde, quand on est fan de SABBATH, on est prêt à tout, non ?

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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