Ah l'année 1991 et ses (cruels) dilemnes ! Pump ou Air Jordan ? Megadrive ou Super NES ? METALLICA ou GUNS N' ROSES ? Mais ce n'est pas tout puisqu'en matière de metal extrême il y a là aussi de quoi se ronger les sangs : Sunlight Studios ou Morrisound ? Mélodies nordiques ou trépanations ricaines ? Au final, pas si simple de faire un choix un tant soit peu sensé au vu de l'avalanche de groupes qui sort son album de death metal en ce début de décennie...
Heureusement, il reste les valeurs sûres vers lesquelles se tourner sans hésitation. Et ENTOMBED est l'une d'entre elles. Il faut dire que la fine équipe de Stockholm a sorti l'alpha et omega du style "suédois" l'année précédente. « Left Hand Path » présentant en douze morceaux cultissimes les bases d'un genre maintes fois copié, jamais égalé. Du death canal historique avec un groove à décoller le bassin, de la BOSS HM-2 en pilonnage intensif et une production grasse à souhait signée Thomas Skogsberg ! Le tout tartine les esgourdes comme l’abcès purulent gonfle les veines du junkie : un régal auditif et visuel de chaque instant, l'artwork maléfique signé Dan Seagrave appartenant lui aussi à l'éternité, j'exagère à peine ! Mais comment ces quatre loustics âgés d'à peine dix-huit balais ont-ils pu enfanter un tel bestiau si dévastateur, je l'ignore encore... ce que je sais en revanche c'est que son successeur dont nous allons parler ici met la barre encore plus haut. Chiche ?
Un an et demi plus tard, voilà donc ENTOMBED de retour aux affaires avec « Clandestine ». Une couverture à nouveau confiée aux mimines expertes de Dan Seagrave, un son forgé avec ferveur dans l’antre du Sunlight par le pape de la prod’ gras-double, l’inimitable Tomas Skogsberg et surtout une envie d’en découdre palpable dès les premiers accords de "Living Dead". Sur le papier, la recette semble identique mais rapidement la tendance ultra-directe du premier album laisse place à une approche différente basée sur de redoutables mid-tempos, "Sinners Bleed" et "Stranger Aeons" en tête de pont. Moins porté sur le bastonnage, le groupe nuance ici son propos avec des riffs plus accrocheurs, des tempos plus variés et surtout ce groove absolument imparable (qui peut résister à ce monstre qu'est "Crawl" ou ce "Through The Colonnades", un finisher à filer le frisson avec son intro de toute beauté). Mais ce n'est pas tout car ce qui confère aussi à cet album ce charme indéniable, c'est évidemment la prestation de Nicke Andersson ! Le growleur en chef L.G. Petrov ayant quitté le drakkar quelques semaines avant d'entrer en studio, le voilà qui jongle entre sa batterie, tenue comme toujours avec une précision redoutable, et des vocalises hystériques et ravagées ! Pour sûr, il flotte vraiment une atmosphère très spéciale sur cette galette, entretenue par l'utilisation de samples et de claviers discrets mais aussi par des riffs scie-sauteuse qui percutent autant qu'ils séduisent. Le genre de brûlots bien guerriers, sublimés par des leads épiques que se plaît à trousser avec doigté Alex Hellid tout au long de ces quarante-trois minutes. La basse n'est pas en reste, ici tenue avec classe par Lars Rosenberg (CARBONIZED, THERION), apportant comme il se doit sa touche à cet imposant édifice. Un édifice solide et envoûtant, de ceux qui passent le temps sans accuser du moindre signe de vieillesse.
Alors, au bout du compte, est-ce que « Clandestine » est meilleur que son prédécesseur ? Oui. Certes, il n'en a pas l'urgence, la folie jouissive ni les rythmiques débridées, mais ses compositions plus structurées, les tempos plus variés et la prestation phénoménale du père Andersson au micro font que celui-ci a ma préférence. Pour ceux et celles qui ne savent pas par où commencer pour s'initier aux charmes du death metal du Grand Nord, ne tergiversez pas une seconde plus et procurez-vous ces deux albums, c'est là un fier service que vous rendrez à votre discothèque. Et à vos oreilles aussi. Pour les autres qui comme moi font régulièrement tourner ces deux rondelles en rêvassant à ces rythmiques sorties d'une autre époque, sachez que tout un paquet de formations affûtées, de GATECREEPER à FERAL en passant par MIASMAL ou ENTRAILS ont repris le flambeau avec poigne. Le "swedeath" n'est pas prêt de mourir... et cela fait bientôt trente ans que ça dure !