25 novembre 2017, 15:36

STEVEN WILSON

• Interview


L'album de Steven Wilson, "To The Bone", sorti l'été dernier, aura été pour la plupart d'entre nous une révélation, alors que nous connaissons si bien l'artiste depuis plus de vingt ans. Parvenu à une forme d'apogée créative, le tout juste quinquagénaire aux allures d'éternel étudiant qui compte cinquante albums à sa discographie personnelle, en solo ou en groupe, vient de délivrer un album comme il ne s'en fait plus. Une forme d'hybride pop-rock aux allures accessibles et pourtant complexe, aux inspirations thématiques souvent sombres sur un répertoire largement rayonnant, qui fleure les années 70, 80... et bien plus encore. Certains qui le suivent depuis longtemps ont parfois été déroutés, d'autres envoutés, et le grand public le découvre grâce à cette nouvelle surexposition médiatique qui lui a valu d'être l'invité de tous les studios, de toutes les télévisions en France et en Europe. Nous l'avons rencontré lors d'une de ces journées-marathon pour un entretien où nous laisserons hard rock et metal, pour une fois, à la consigne du vestiaire. Steven Wilson devient progressivement essentiel dans le paysage musical, il était temps, au moment où cette icône de la scène progressive britannique n'a jamais aussi peu collé finalement à cette étiquette. (Christian Lamet)

Entretien avec Steven Wilson 
par Talia Soghomonian
Photos Lasse Hoile & Camila Jurado


Ton nouvel album est très largement inspiré par les années 80. Pourtant, cette décennie a été fortement critiquée à une époque comme étant l'âge d'or de la superficialité, même si nous savons que d'immenses artistes ont émergé à cette période. Comment considères-tu cette époque et en quoi a-t-elle joué un rôle essentiel dans la réalisation de ton disque ?
Steven Wilson : Je pense que les années 80 ont une très mauvaise réputation parce que les gens considèrent que c’est une génération de musique très synthétique. Synthétique, ça l’est indiscutablement. Au début des années 80, beaucoup de technologies ont influencé le son de la musique - le début de la technologie du sampling, beaucoup de nouveaux synthétiseurs numériques. Donc le son, à certains égards, est assez artificiel. Mais pour répondre à ta question, ce que j’aime dans les années 80, c'est qu'il semblait y avoir toute une génération d'artistes intéressée par l'idée de faire de la musique pop très accessible, mais sans la rabaisser nécessairement pour séduire un public de masse. Il y avait donc des disques comme “Hounds of Love” de Kate Bush , “So” de Peter Gabriel, ceux de TEARS FOR FEARS, de DEPECHE MODE, de TALK TALK... Une génération entière qui a réussi cet équilibre parfait entre l’accessibilité et l’ambition. Et ces disques, pour moi, sont très rares maintenant. Au XXIe siècle, ce genre de choses ... Il n'y en a que quelques-uns... RADIOHEAD, ARCADE FIRE... Il y a encore des groupes qui y parviennent. Mais dans les années 80, c’était presque une norme. Tout le monde créait une musique vraiment ambitieuse mais aussi très accrocheuse, mélodique, facile à apprécier. Et ce sont des disques que je n’entends plus trop ces derniers temps.


Notre vidéo exclusive : interview et extraits de la visite de Steven Wilson chez RTL2 avec Francis Zégut et dans les Nocturnes de RTL.
 


Sur le plan des textes, tu abordes la question de la vérité. Très précisément, du sens profond du mot "vérité" et de sa dangerosité.
Steven Wilson
: Je le crois vraiment. Je pense que c’est le terrorisme résumé en un mot. En gros, tout le concept du fondamentalisme religieux, il me semble, dit : “Voilà ce que je crois. C’est mon dieu. Ce sont mes croyances personnelles. Je vais sortir et détruire tous ceux en désaccord avec mes croyances.” Et c’est un aspect très destructeur de la nature humaine - d’en vouloir aux gens qui vivent leur vie d’une manière différente de la nôtre. Je trouve cela fascinant... Je trouve fascinant cet ensemble de vérité, car qu’est-ce que la vérité ? La vérité existe-t-elle vraiment ? La vérité n’est-elle pas… C’est presque comme un idéal inaccessible, parce que la vérité est quelque chose que nous filtrons à travers notre race, notre sexe, notre politique, notre religion, notre éducation. Donc, ce que nous appelons “vérité” n’est en réalité rien de ça, c’est une perspective, et nous avons tous une perspective complètement unique, mais nous nous entêtons à l'appeler “vérité”. Ce n’est pas la vérité, c’est notre vérité - et on ne peut pas avoir “notre vérité’. Cela n’a pas de sens. La vérité devrait être une réalité singulière absolue. Donc plus j’y pense, plus je pense que la vérité est comme un concept abstrait qui est irréalisable. Tu ne peux pas avoir une vérité unique parce que tout le monde la filtre à travers sa propre personnalité. Alors, oui, tout le monde peut affirmer détenir sa propre vérité. Mais cela est une contradiction en soi. Tu ne peux pas avoir ta propre vérité, ce n’est tout simplement pas possible.
 

"La bêtise est en hausse.
L’ignorance est en hausse.
Préjugés, racisme, sexisme - ces choses que nous pensions voir disparaître 
semblent maintenant repartir à la hausse,
et c’est de la matière fantastique d'inspiration pour les musiciens".
-
Steven Wilson


Les textes de tes chansons sont autant d'observations, souvent sombres d'ailleurs, de la société. Est-il si important à tes yeux que la musique joue ce rôle de témoin de son époque et de vecteur d'idées ?
Steven Wilson :
Tu as absolument raison et je pense que l’un des secrets pour faire qu'une chanson traverse le temps, c'est de la rendre finalement - ça semble être une chose très évidente à dire, mais je pense que c’est la clé - il faut la rendre émotionnelle. Tu dois lui donner une perspective personnelle. Et même si nous avons actuellement un scénario très unique dans le monde, nous avons l’impression qu’il y a un ordre de préséance à ce qui se passe dans le monde en ce moment. Et l’une des choses que j’aime dans la musique pop et la musique rock, c’est qu’elle a cette tradition d’incarner la voix de la rébellion, la voix de la protestation. Et si tu penses vraiment à toutes les formes de musique pop et rock qui ont eu leur importance, la musique folklorique... la musique folk est issue de la protestation, la musique psychédélique est née de la protestation contre la guerre du Vietnam, la musique punk est née de la rébellion, et le grunge... Dans un sens, tous ces mouvements musicaux sont nés de cette idée de musiciens rock et pop qui offrent une perspective alternative. Et pour moi, c’est quelque chose qui a disparu pendant environ 20 ans. Mais ça revient. Ça revient parce que les gens observent un peu partout autour du monde et se disent : “La situation s’empire.” La bêtise est en hausse. L’ignorance est en hausse. Préjugés, racisme, sexisme - ces choses que nous pensions voir disparaître semblent maintenant repartir à la hausse, et c’est de la matière fantastique d'inspiration pour les musiciens, que ce soit pour moi ou DEPECHE MODE ou Roger Waters ou les PROPHETS OF RAGE. Tous ces musiciens reviennent maintenant avec ces disques qui parlent réellement d’actualité. Je pense que finalement, pour répondre à ta question, des choses comme la protestation, la rage et la rébellion sont des concepts intemporels et tu peux les conjuguer pour chaque génération au futur comme au passé.
 


Quelle est la part de Steven Wilson dans les textes que tu écris ?
Steven Wilson :
Toutes les chansons sont autobiographiques et... toutes les chansons ne sont pas autobiographiques. Je sais, ça ressemble à une réponse un peu désinvolte, mais je ne pense pas que ce soit possible pour moi - et ça s’applique à n’importe quel auteur-compositeur - d’écrire une chanson sans y mettre quelque chose de ton expérience et de ta propre vie. Car comment peux-tu espérer que les gens y croient s’ils ont le sentiment que ça ne vient pas d’une expérience et de motivations personnelles. Écoute, les personnages de cette chanson sont des personnages fictifs, mais je leur donne mes souvenirs, je leur donne mes sentiments, je leur donne certaines de mes expériences, et certaines expériences sont inspirées par des amis, de la famille, de films que j'ai vus, des livres que j’ai lus, l’actualité. Alors je prends ... Je pense que ce que font tous les auteurs-compositeurs, c’est presque se comporter comme des pies. Tu voles des choses un peu partout, que ce soit des livres ou des films ou de l’actualité, et tu les combines avec ta propre expérience personnelle, tu filtres ta propre personnalité et tu sortes quelque chose qui, espérons-le, est réel et croyable. Donc, je ne pense pas que ce soit aussi simple que de dire “c’est autobiographique, ce n’est pas autobiographique”, car il y a de la réalité et de la fiction dans toutes ces chansons. Mais pour que tu puisses y croire, je pense au moins être en mesure de comprendre les émotions et les sentiments que j’essaie de représenter à travers ces personnages fictifs.
 

"La plupart des arts sont un mélange d’imagination et d’expérience
et c’est ce que les bons artistes sont capables de faire".
-
Steven Wilson


Il faut donc abandonner une part de soi dans son oeuvre et en préserver une autre en fictionnant ?
Steven Wilson :
Exactement ! C’est ça, être un artiste. Ecoute, je ne vais pas dire qu’il n’y a pas d’art, bien sûr, qui ne soit pas complètement autobiographique. Ça existe. Il y a des chansons, des films, des livres qui sont écrits intégralement à partir d'expériences personnelles. Mais je pense que la plupart des arts sont un mélange d’imagination et d’expérience et c’est ce que les bons artistes sont capables de faire - d’une façon ou d’une autre, ces deux choses s’entrecroisent, créent une matière avec laquelle tu crées un lien et tu t'impliques complètement et tu y crois, comme si c’était réel.

Depuis toujours dans tes projets, tes créations sont visuelles et sonores comme si le son et l'image étaient absolument indissociables... C'est une oeuvre très cinématique...
Steven Wilson : Quand j’étais gamin, le cinéma et la musique étaient sur le même plan d'égalité. J’aurais très bien pu m’imaginer également dans le monde du cinéma, mais c’est une industrie plus difficile à intégrer. J’aime toujours le cinéma et, vraiment, je pense à mes albums comme des films parce qu’ils sont construits comme des voyages musicaux. Ils sont construits comme des expériences et quand tu écoutes un de mes albums, je veux que tu te sentes comme en voyage, qu'une histoire puisse t'être racontée. Même si ce n’est pas littéralement à travers les mots, la musique te fait ressentir une histoire qui se déroule et toutes les dynamiques et les différentes émotions et "textures" que tu traverses. Et je pense que cela vient finalement de mon amour pour le cinéma, c’est certain.

Quels sont tes réalisateurs de prédilection ?
Steven Wilson : Actuellement, je pense que Christopher Nolan est un génie. Je pense que tous ceux qui peuvent faire des films qui fonctionnent comme des blockbusters mais qui sont aussi intelligents et exigent que le public soit rusé sur la façon dont ils s’engagent avec ces films et pensent que c’est une approche vraiment sous-estimée dans la création de l’art. Donc, je pense que c'est un génie. “Dunkerque” est un film extraordinaire. J’aime tous ses films. J’ai toujours aimé le cinéma européen plus que le cinéma américain, bien que j’adore les gens comme Stanley Kubrick et David Lynch. Mais je dirais qu’il y a des cinéastes américains qui font des films d’une manière très européenne. Mais il y a un jeune - enfin, il n’est pas si jeune. Il est jeune dans le sens où il n’a fait que trois films... C'est un réalisateur britannique qui s’appelle Jonathan Glazer - tu connais ? Il a fait un film intitulé “Under the Skin” il y a trois ou quatre ans avec Scarlett Johansson. Pour moi, c’est le meilleur film que j’ai vu depuis au moins dix ans. C’est quelqu’un pour qui j’ai une immense admiration.

"To The Bone" est un hommage à une multitude de références musicales des années 80 et 90. Te souviens-tu du tout premier album que tu as acheté ?
Steven Wilson :
“Nobody Does It Better” par Carly Simon, oui, c’était le premier single que j’ai acheté. En 1978, lorsque le film de James Bond est sorti ("The Spy Who Loved Me"/"L'espion qui m'aimait"), j’ai persuadé mes parents de me l’acheter. Je pense toujours que c’est une chanson fantastique.

On en revient à la passerelle entre cinéma et musique. Et ta passion pour les James Bond...
Steven Wilson :
Oui, je suppose, oui. Ecoute, j’apprécie toujours les James Bond. C’est le genre de film devant lequel, s’il passe à la télé et qu’on s’arrête une minute, on finit par tout regarder. On ne peut pas s’arrêter de regarder. Donc je suppose que ça fait de moi un fan, oui.

Quelles sont les B.O. de James Bond que tu préfères ?
Steven Wilson :
“Nobody Does It Better”, parce que c’est le premier single que j’ai acheté, donc ça a aussi une valeur sentimentale pour moi. Mais il y en a tellement d’excellents. Les compositions originales de John Barry, celle de Paul McCartney & Wings, “Live and Let Die” - c’est aussi un classique.

Tu possèdes une liste impressionnante de collaborations sur les trois décennies de ta carrière musicale. As-tu encore des rêves d'échanges avec d'autres artistes ?
Steven Wilson :
Kate Bush. Kate Bush est en tête de ma liste. Si tu avais simplement dit : “si tu pouvais collaborer avec n’importe qui, n’importe quand”, j’aurais encore dit Kate Bush. Les gens me demandent ... Je faisais une interview au Royaume-Uni il y a quelques semaines et la question qu’ils m’ont posée était : “Si vous deviez choisir un autre musicien que vous considériez comme un modèle ou comme une icône” - j'ai cité Kate Bush. Et ce n’est pas parce qu’elle joue ma musique préférée toutes périodes confondues, même si je pense qu'elle est incroyable, c’est parce que c'est le genre d’artiste que tu ne pourras jamais cataloguer. À quel genre appartient Kate Bush ?

Elle est inclassable...
Steven Wilson :
Exactement. Exactement. Elle appartient au genre Kate Bush. Et ces types d’artistes sont de moins en moins nombreux, et cette obsession que nous avons de mettre des artistes dans des genres particuliers et des boîtes particulières ... j’ai essayé d’y résister moi-même tout au long de ma carrière. Les gens ont essayé de me mettre dans cette boîte de rock progressif et je reconnais que c’est une grande partie de mon ADN. Mais une partie de mon travail en faisant ce disque, qui est beaucoup plus axé sur les chansons, c’est de dire “mais il y a d’autres éléments dans ce que je fais”, et je n’aime pas cette idée d’être un artiste générique. Et pour moi, des gens comme Kate Bush, Frank Zappa, Neil Young, David Bowie, Prince - ces gens, la meilleure labelisation que tu pourrais trouver, c'est de dire qu’ils sont dans la catégorie David Bowie ou Prince. Pour moi, c’est le signe ultime d’un artiste. Qu'on ne puisse pas dire à quel genre il appartient... C’est la même chose avec les réalisateurs. Quel genre de cinéaste est Stanley Kubrick ? Quel genre de cinéaste est Christopher Nolan? Il a fait un film de guerre, il a fait un film de science-fiction. Il a fait des films de super-héros, des films d’horreur. C’est un mec que tu ne peux pas ... Il me semble intéressant que dans le monde du cinéma, il soit presque encouragé de changer de genre, comme Kubrick qui a fait un drame d’époque, un film d’horreur, mais dans le monde de la musique, on t'en dissuade beaucoup. Tu ne changes pas de genre sauf si tu t'appelles David Bowie ou Kate Bush. Ils semblent être capables de le faire. J’aime sentir que je peux atteindre une étape de ma carrière où je peux être considéré comme quelqu’un qui peut le faire aussi.
 


Si tu avais la possibilité de remonter dans le temps pour vivre une autre époque musicale, laquelle choisirais-tu ?
Steven Wilson :
Eh bien, je pense vraiment ... Tu veux dire comme témoin ou pour y prendre part ? Oh... c’est dur. Tu sais, d’une certaine façon, ça me semble un peu déprimant de le dire, mais je pense que c’est vrai - j’ai l’impression que l’âge d’or du rock et de la pop est révolu. Et pour moi, c’est la période à partir de 1965, la naissance de ce que nous considérons comme une sorte de musique pop élevée au même niveau que le cinéma et la littérature avec des albums comme “Revolver” des BEATLES et “Sgt. Pepper’s” et “Pet Sounds” par les BEACH BOYS. Subitement, la musique pop est passée d’une chose un peu frivole à quelque chose que l’on pouvait mettre au même niveau que du grand cinéma ou de la grande littérature. Et je pense que cette ère a duré environ 25 ans, peut-être jusqu’à la fin des années 80, peut-être même jusqu’au début des années 90 où l’on a vu l’émergence d’une grande génération de musique électronique et de groupes comme RADIOHEAD. Mais pour moi, ça a fini quelque part dans les années 90, et je regrette le fait que cela se soit produit à mes débuts, parce que je commençais vraiment à une époque où ce n’était plus vraiment possible ... Je ne pense pas qu’il est possible de faire une musique aujourd’hui qui surprenne les gens. Nous avons déjà tout entendu. Tout le vocabulaire musical a été établi depuis 20, 30 ans maintenant. Donc, tous les gens qui font de la musique aujourd’hui en 2017, nous travaillons tous avec un vocabulaire musical établi. Donc, je regrette, d’une certaine manière, de ne pas être né 20-25 ans auparavant. J’aurais aimé faire partie de cette explosion de créativité à la fin des années 60 et au début des années 70, quand on pouvait juste faire de la musique qui blufferait les gens. Dans les années 80, tu pouvais encore faire de la musique qui surprenne. C’est triste pour moi - j’esquive un peu ta question puisque je ne choisis pas un moment précis - mais je pense que faire partie de cette époque, celle de la fin des années 60 et du début des années 70, aurait été incroyable.
 

"Ça me semble un peu déprimant de le dire,
mais je pense que c’est vrai :
j’ai l’impression que l’âge d’or du rock et de la pop est révolu".
-
Steven Wilson


Et donc, quelle période choisirais-tu ?
Steven Wilson :
Oh... eh bien, je pense durant toute cette époque... il y avait de la musique incroyable tout le temps, des choses qui redéfinissaient ce que tu pouvais faire avec la musique pop et rock, que ce soit LED ZEPPELIN ou Frank Zappa ou les BEACH BOYS, ou les BEATLES ou les DOORS, le VELVET UNDERGROUND ou CAN. Ces artistes incroyablement novateurs poussaient tout le temps les limites... Bowie. Et la chose la plus triste à admettre pour moi, c'est qu’on ne puisse plus vraiment surprendre les gens avec de la musique. On peut leur rappeler des choses qu’ils aiment déjà, ce qui est plutôt sympa d’une certaine manière, mais c’est aussi un peu triste de me dire que je ne pense pas qu’il soit possible de faire de la musique qui pourrait vraiment défier ce que les gens pensent comme étant de la musique pop ou rock.

Es-tu tout de même surpris par de nouveaux groupes ?
Steven Wilson :
J’entends des choses magnifiques tout le temps. Si tu voyais ma playlist, j’ai beaucoup de nouveaux groupes, oui. Ça pourrait paraître vraiment pompeux et prétentieux mais une chose est vraie : je trouve que la plupart de la musique que j’aime existe en dehors des sentiers battus. Je n’entends pas beaucoup de musique intéressante dans ce qu'on appelle le mainstream. Mais si on est prêt à fouiner un peu du côté underground, il y a des groupes vraiment intéressants, tu sais. Même dans le mainstream. J’aime beaucoup LCD SOUNDSYSTEM. Évidemment, des groupes comme ARCADE FIRE, RADIOHEAD et THE NATIONAL sont les groupes les plus populaires du genre, mais ils sont toujours très créatifs et j’adore le fait que ces groupes existent. J’aurais aimé qu’il y ait davantage de ce genre de musique grand public. Mais j’aime aussi ce que l’on pourrait appeler des musiciens modernes-classiques, donc des gens comme Hans Zimmer qui fait les BO de Christopher Nolan. Ces albums de bandes originales sont incroyables. La bande-son de “Dunkerque” est extraordinaire. Il y a aussi un Britannique appelé Max Richter. Tu connais ? Je suis un fan total. Un gars allemand appelé Nils Frahm. Il y a toute une génération de musiciens “néo-classiques”. Ils font de la musique avec des orchestres, mais on voit qu’ils ont grandi en écoutant de la musique électronique, du rock et de la pop, donc tout est là aussi. C’est plutôt frais en quelque sorte. 

J'ai été intriguée par cette collaboration avec Andy Partridge de XTC. Voilà un groupe culte qui n'a jamais réellement été reconnu à sa juste valeur...
Steven Wilson :
D’abord, je voulais juste dire quelque chose à propos de ce que tu viens de dire. XTC fait partie de ces groupes novateurs qui ne voulaient vraiment pas ressembler à d’autres et ils en ont payé le prix parce qu’ils ne se sont jamais adaptés. Et ils n’ont jamais vraiment été grand public parce qu’ils faisaient partie d’un groupe qui évoluait et redéfinissait ses sonorités constamment. Ils sont passés d’un groupe de punk morveux à un groupe qui faisait des disques magnifiques, presque influencés par les sixties dans les années 80 quand personne d’autre ne faisait de la musique influencée par les années 60. C’était vraiment impopulaire à l’époque de ressembler aux années 60. Maintenant, bien sûr, c’est la chose la plus cool de ressembler aux 60s, on le sait bien. Mais dans les années 80, ils faisaient des disques influencés par les BEATLES, les BEACH BOYS, mais avec leur propre interprétation. Et je me souviens les avoir découverts à travers un album qu’ils avaient fait au milieu des années 80 intitulé “Mummer” et je l’ai trouvé dans un magasin de disques quand les CD étaient vraiment nouveaux. Mon père travaillait pour une entreprise qui fut l’une des premières à développer les compacts discs. J’étais l’un des premiers enfants à avoir un lecteur de CD à la maison. Et il n’y avait pas beaucoup de choses disponibles sur CD. Chez le disquaire, ils avaient 30 ou 40 CD. Ils avaient “Dark Side of the Moon”, quelques disques classiques, “Oxygen” de Jean-Michel Jarre, et il y avait cet album de XTC. Je ne connaissais pas ce groupe, il n’y avait pas tellement de CD. J’ai acheté cet album et j’ai été époustouflé : la musicalité, les grandes chansons pop mais avec des arrangements vraiment sophistiqués et la composition était vraiment unique et très anglaise en quelque sorte. Je suis devenu un grand fan et ils sont certainement devenus l’un de mes cinq groupes préférés de tous les temps. Il y a environ sept ou huit ans, j’ai commencé à remixer des anciens albums pour créer des mixages 5.1. Surround Sound. J’ai commencé par ma propre musique avant d’entamer le catalogue de KING CRIMSON, TEARS FOR FEARS... Et XTC était l’un des groupes pour lequel je pensais que ça sonnerait formidablement bien en 5.1, car sa musique pourrait venir de toutes les directions. J’ai donc contacté Andy et lui ai dit : “Ecoute, je veux remixer les albums en 5.1. Je suis un grand fan. Je pense que le son serait incroyable dans ce format”. J’ai donc eu la chance d’être impliqué dans le remixage de tout leur catalogue en 5.1.. J’ai appris à bien connaître Andy, c’est un mec vraiment drôle et attachant et évidemment il est l’un de mes héros en tant qu’auteur-compositeur. Quand je me suis mis à composer ce nouvel album, j’avais le thème de cette chanson appelée “To the Bone”. Je voulais que ce soit à propos de toute cette idée de fake news, de post-vérité à la Donald Trump et la façon dont les politiciens utilisent les médias sociaux maintenant pour déformer les faits. Mais je ne suis pas le genre de personne qui se sent à l’aise à écrire sur la politique avec un P majuscule - je peux écrire avec un petit p - et je me suis dit que c’était l’occasion idéale d'appeler Andy et de lui dire : “Tu pourrais écrire les paroles ?” Et c’est ainsi que nous avons collaboré, oui.

Comptes-tu l'inviter sur scène au moment de ta tournée ?
Steven Wilson :
Andy n’a pas joué live depuis 1982, il a le trac. En fait, c’est la raison pour laquelle XTC a arrêté de faire des tournées. Il a eu un très, très grave problème de trac et il n’a pas joué sur scène depuis 35 ans maintenant. Sophie (Hunger, autre invitée de l'album NdR) - je l’espère. Pour être honnête, à ce stade, je n’ai pas trop réfléchi qui sera invité à mes côtés. La seule chose que je sais, c’est que ça va être un spectacle très visuel. Je veux amener le spectacle à un niveau beaucoup plus élevé à ce qu’il soit très immersif, ayant beaucoup de nouveaux films et écrans, et nous avons le son en quadriphonie, qui vient de mon intérêt à travailler dans le son 5.1, de sorte que la musique t'entoure. Et évidemment, il y a beaucoup de sujets sur cet album qui se prêtent très bien à une interprétation visuelle. Donc, je vais essayer d’emmener le concert à un niveau supérieur visuellement, c’est sûr.

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