12 janvier 2018, 15:52

MACHINE HEAD

• Interview Robb Flynn

Robb Flynn, le guitariste/chanteur et leader de MACHINE HEAD, était de passage à Paris pour la promotion du neuvième album du groupe, « Catharsis », qui sortira le 26 janvier. Il nous en parle et se livre à cœur ouvert pendant ce moment singulier à deux. Une maturité cathartique.
 

"Catharsis" est un terme dans l'art dramatique qui décrit l'effet de la tragédie (ou peut-être d'autres formes artistiques) principalement sur le public. Penses-tu que c'est le cas dans ce nouvel album ?
Pour moi, “catharsis” sous-entend nettoyer, purger, épurer. Je pense que la musique a toujours été comme ça, en tout cas pour moi, même avant que je sois dans un groupe. Je crois que cet album est comme ça, autant au niveau des paroles que de la musique. Il m’a semblé que c’était un titre approprié. 

Est-ce que la direction artistique est différente de celle des autres albums ?
MACHINE HEAD a un son qui lui est propre. Pour moi, cet album est mélodique, vraiment mélodique, groovy, moins thrashy. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi, cela s’est fait ainsi ! Des trucs groovy mélodiques et metal. 

Quel premier thème t’est venu à l’esprit lorsque tu as commencé à composer l’album ?
(Il réfléchit) La première chanson écrite pour « Catharsis » a été "Screaming At The Sun". Le gros truc avec ce titre c’est qu’il durait 4 minutes (rires). C’était simple, direct, heavy et court. Les premiers titres que nous avons écrits étaient heavy et je ne sais pas pourquoi, peut-être de façon inconsciente, nous sommes sortis de la complexité de « The Blackening ». Ce qui nous est apparu au final, c'était des chansons simples, des structures simples, moins techniques, moins denses. Au niveau des paroles, je voulais des trucs directs, accrocheurs. Un gros truc ! 

Pourquoi le choix de Zach Oren à la production ?
J’ai rencontré Zach par l'intermédiaire des mecs de ALL SHALL PERISH. J’adore ce groupe et son album « Awaken The Dreamers » qui date de 2008. J’avais déjà travaillé avec Zach à l’époque de « Unto The Locust » et chanté sur une version initiale de ce qui allait être "Damage Inside" qui figure sur l’album « Bloodstone And Diamonds ». Nous avions une autre version de cette chanson avec du piano dessus à l’époque de « Unto The Locust ». C’était une bonne expérience de travail avec lui. Je l’ai perdu de vue par la suite, nous ne nous sommes pas parlé pendant cinq ans au moins.

Même par e-mail ?
Non, rien, je me suis demandé ce qu’il faisait. Je voulais quelqu’un de différent pour cet album. Je l’ai texté. Il se trouve que nous n’étions pas très loin l’un de l’autre, dans des endroits différents d’un même immeuble, on s’est rencontrés. Lui et moi produisons des groupes, nous avons différents projets musicaux ensemble. Ce mec est formidable et c’est bien de bosser ensemble.

Robb, j’ai choisi au hasard cinq chansons de l’album, peux-tu me donner deux émotions associées à chacune d’entre-elles ?
« Volatile »…
Deux émotions ? La colère et encore plus de colère (rires).

« Catharsis »…
(Il réfléchit(rires) Purger et nettoyer.

« Psychotic »…
La laideur et la haine de soi.

« Razorblade Smile »…
Festif (rires) et décadent.

« Kaleidoscope »…
Musical et puissant
 

« Le titre « Bastards » est basée sur une conversation que j'ai eue avec mes enfants » – Robb Flynn



© Albert Tatlock


Le titre « Bastards » sonne comme une chanson des années 1970 un peu folk et révolutionnaire. Peux-tu nous en dire un mot ?
Absolument, c’est une folk song.

Il y a ce son de tapping à la guitare derrière. C’est assez inhabituel ce genre de titre pour MACHINE HEAD. Quelle est l’histoire de cette chanson ?
Les paroles sont basées sur une conversation que j'ai eue avec mes enfants. J’ai deux garçons, un de 10 et un de 13 ans. Une folk song est la meilleure façon de raconter une histoire, c’est quatre accords joués une centaine de fois. C’est très pop. Une chanson directe, puissante avec des paroles directes, énervées. D’une certaine façon, ce titre a été une pièce centrale de l’album. Au niveau du texte, il a servi de fil directeur pour le reste du disque.

Vous allez la jouer sur scène ?
Je pense oui mais tu sais, nous sommes à trois mois du début des concerts. Nous en avons parlé en tout cas. C’est vraiment une pièce maîtresse. L’idée centrale est : « Défend ton territoire. », « Ne laisse pas les salopards te rabaisser », (il récite certains morceaux du texte comme une poésie) « Sois étrange », « Ne laisse pas les peurs te faire peur ». Pour moi, c’est très fort, je trouve que cela devait être dit, notamment par un groupe de metal. 

Et "Eulogy", le dernier morceau de l’album ? Quel titre ! C’est mystique, ambient et très puissant.
Merci. C’est la dernière chanson écrite. J’ai travaillé avec ce gars, Forber, et nous avons créé ce paysage sonore, il y a ces vocaux un peu trippy. Cela devait être au départ quelque chose pour une autre chanson mais j’avais envie de chanter dessus. C’était bizarre et cool. J’ai commencé alors à chanter dessus, en freestyle avec ce qui me passait par la tête. J’ai placé les accords et je ne le savais pas mais c’était les mêmes que "Bastards". C’était une ambiance différente, un accordage différent. C’était cool, je suis super fier de ce titre et de l’album. C’est un album important, spécial avec plein de choses qui devaient être dites et que personne n’avait fait jusque-là. 

Tu travailles tous les jours pour passer du chant clair au chant heavy ?
Oui, je travaille (rires) mais pas tous les jours. Je m’entraîne, je chauffe ma voix à chaque fois que je vais chanter sur scène

As-tu un coach vocal?
J’ai été un peu coaché mais plus maintenant.

Il n’y aura pas de première partie lors des prochains concerts de MACHINE HEAD, quelles autres surprises y aura-t-il ?
Il n’y en avait pas déjà lorsque nous avons joué au Trianon (en mars 2016). C’est où je veux aller. Tu sais, quand Bruce Springsteen joue, on ne se demande pas qui ouvre pour lui. Dans le metal, II y a ces package-tours avec tous ces groupes. Ça me gonfle. Je hais les festivals, les tournées à plusieurs groupes. Nous allons faire notre propre truc, tu sais, un peu à la Springsteen, c’est flippant car on est comme un groupe de hippies qui jamme. Nous jouons longtemps. Le public a adoré, nous aussi d’un point de vue créatif. Nous allons continuer sur cette formule (« An Evening with »).

Comment était ta fête d’anniversaire pour tes 50 ans ?
Oh mon Dieu ! Enorme ! Vraiment énorme ! Un blast. C’était un super moment, nous avons rendu hommage à Chris Cornell, à Chester Bennington. Nous avons joué des chansons de Tom Petty. C’était fun, nous avons joué 3 heures, il y avait plein d’amis. Les fans demandaient si ça allait être metal ? Pas que ! On a fait des reprises de Springsteen, de Tom Petty, du hip hop, du CYPRESS HILL. Eclectique et dingue ! Les gens fumaient de l’herbe, buvaient des bières. 

Quel est ton regard sur le monde actuel justement à 50 ans ?
Difficile de résumer les choses mais tout est dit dans le nouvel album.
 

« Je tourne depuis l’âge de 19 ans. Je pense vraiment que je ne sais pas faire autre chose. » – Robb Flynn



Te souviens-tu du moment où tu as décidé d’être musicien professionnel ?
Suis-je un professionnel ?

Oui.
Doucement, doucement (rires). Je crois que je n’ai jamais pensé à ça de cette façon. Quand j'avais 16 ans, un de mes amis m’a dit qu'il fallait que nous fassions un groupe. METALLICA ouvrait pour RAVEN. C’était un petit concert. Nous sommes sortis de là et nous nous sommes dit : « OK, on fait un groupe, on va faire du thrash metal ». Nous avons commencé à jouer dans les clubs et les choses se sont enchaînées. Me voilà 34 ans plus tard, je tourne depuis l’âge de 19 ans. Je pense vraiment que je ne sais pas faire autre chose (rires). Je ne l’ai jamais vu sous un angle professionnel mais c’est ce que je fais pour vivre. Nous gagnons de l’argent avec le groupe et cela fonctionne. C’est super !

Te souviens-tu de ton premier concert en France ?
Cela devait être à Paris, au Zénith je crois. C’était en première partie de SLAYER. Tu sais comment je m’en rappelle ?

Comment ?
Notre concert avait été super. Le public génial. Je me souviens du début de la chanson "South Of Heaven" de SLAYER qui venait de monter sur les planches. Je faisais une interview dans notre loge en même temps. J’échangeais avec le journaliste et l’intro du titre a retenti. Tout le public s’est mis à chanter l’intro (il la chante) et c’était intense. J’en ai eu la chair de poule. Putain, je l’ai en y repensant. J’ai dit au journaliste : « Putain, écoute ça, c’est le délire. » Je n’avais jamais entendu les gens chanter des riffs de guitare. C’était énorme.

Le meilleur souvenir de ta vie personnelle ?
Woooh. Je n’ai pas de "meilleur" pour n’importe quoi !

Un bon souvenir alors ? 
OK, mon mariage avec ma femme et voir mes enfants naître et grandir. Des souvenirs incroyables. Il y a aussi ma première venue à Paris. Je me suis dit : « Waouh, je suis à Paris. Je suis avec mon groupe. C’est fou ! ».

As-tu un modèle de vie ? Une icône référente ?
Non, pas un modèle de vie. J’ai des référents, pas un seul. Ils ne sont pas connus mais ils sont importants pour moi.

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au studio ou sur la route ?
Je suis un papa banlieusard et ennuyeux (rires) ! Je suis à la maison, je regarde des séries comme Game Of Thrones. Je fais du wakeboard avec ma famille. Tous les étés, je pars avec eux et nous faisons du wakeboard. Nous partons camper à travers la Californie dans de magnifiques endroits. Pas de réseau pour les téléphones, pas d’e-mails ni d’Internet, pas de SMS. Toute la famille fait du wakeboard. Ma femme et mes enfants sont incroyables et meilleurs que moi !

Ta femme écoute du metal ?
Non. Un peu de MACHINE HEAD mais c'est tout.

Elle t’aime alors ?
Oui. Je n ‘ai pas besoin de plus et qu’elle aime MACHINE HEAD. Il y a des trucs metal qu’elle aime comme « Chaos AD » de SEPULTURA. Nous les avons vus en concert esemble. Elle aime SICK OF IT ALL. Le metal actuel ne la branche pas trop. Je pense que le dernier album qu’elle a apprécié, c'est « Nightmare » d’AVENGED SEVENFOLD.

Et tes enfants ?
Au début, ils aimaient le metal. Ils adoraient SYSTEM OF A DOWN. Ils ont été à fond dans METALLICA. Maintenant, c’est le hip hop, le dub step.

Tu apprécies le hip hop, non ?
Oui complètement. C'est sans doute plus moi qui les y ai initiés que l'inverse.

Il y a dans le dernier album des éléments hip hop dans les vocaux. On retrouve un peu de tonalité à la CYPRESS HILL, non ?
Complètement, il y a un peu de vocaux rappés. Tu as raison.

Une passion à côté de la musique ?
Le wakeboard sans hésiter !

Quel est le dernier groupe que tu as écouté sur ton smartphone ?
METALLICA. Les démos de « Master Of Puppets » qui datent de juin 1985. (Il met ses lunettes, prend son smartphone). Laisse-moi checker mon Spotify. Les titres sont là encore. Cela m’a fait un truc énorme en les écoutant. Tu les as écoutées ?

Oui, elles sont fabuleuses.
Ce qui est fou, c’est qu’elles sont quasi finies et elles sonnent comme celles qui ont été finalement enregistrées. Tu as ces vocaux aigus un peu à la DIAMOND HEAD, les solos de guitare sont dingues. Je les adore. Elles sont énormes. Tu te rends compte comment un titre qui a 36 ans peut encore envoyer du rock hard, même en démo ! C’est fabuleux.

Alors, j’ai un test final qui s’appelle le questionnaire "Head". Serais-tu partant pour le faire ? Tu me donnes la première association d’idée qui te vient à l’esprit pour un mot contenant "head".
DIAMOND HEAD ?
"Am I Evil ?"

RADIOHEAD ?
Classique.

TALKING HEADS ?
Spastique.

MOTÖRHEAD ?
Speed.

Head, le guitariste de KORN ?
Enervé.

« Machine Head » de DEEP PURPLE ?
"Space Truckin’".

"Bullet In The Head" de RATM ?
Enorme.

Headbanging ?
Nécessaire.

Headache (mal de crâne) ?
Gueule de bois (rires).

Pour finir, c’est quoi pour toi « Catharsis » en cinq mots ?
Beau, laid, festif, sexe, sauveur.


Photos © Albert Tatlock / Nuclear blast Records


Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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