29 janvier 2018, 21:07

BLACK LABEL SOCIETY

• Interview + vidéo Zakk Wylde

Notre vidéo METALXS : Zakk Wylde présente l'album "Grimmest Hits"
Interview par Jean-Charles Desgroux • MetalXS : réal. Christian Lamet • vidéo : Jean-Baptiste Lamet
 


Tu viens d’avoir cinquante ans en 2017 : as-tu l’impression d’être devenu plus sage ?
Zakk Wylde : Mmmmh…. je pense que oui, c’est le cas pour tout le monde : lorsque tu te casses la gueule, tu te dis que ça arrivera encore forcément, mais une fois que tu te dis ça, que dans la vie tu risques de te faire niquer encore et encore, que des choses comme ça arrivent, il te faut accepter ça avec résignation, en rigoler et avancer. Et si ça t’arrive de nouveau, tu te dis que tu ne pensais pas que ça recommencerait, mais c’est ainsi…. et tu peux peut-être même en tirer une bonne chanson.
Ou deux, voire trois !

Ou un album entier !
Zakk Wylde : Ou un album entier ! (rires) Ah oui ! Et pourquoi pas un double album ? Ou même un coffret ! (rires)

Qu’est-ce que le Zakk Wylde de cinquante ans dirait au jeune berserker de vingt ans qui fichait le bazar partout autour de lui en 1989 ?
Zakk Wylde : Rien ou plutôt... continue juste à bosser dur et à faire ton truc. On est qui on est et on ne peut pas se forcer à être quelqu’un d’autre. Cette époque correspond à de très bons moments avec des tonnes de fou-rires. Non, je ne changerais rien. Je lui dirais juste de continuer à s’entrainer, de bosser dur et d'aller toujours plus loin tout le temps.

Revenons à l'année dernière... En toute franchise, est-ce que tu attendais avec impatience qu'Ozzy te rappelle ?
Zakk Wylde : Non. Tout le temps où je n'ai pas joué avec Ozz’, ma relation avec lui a toujours été extraordinaire. S'il n'y avait pas eu Ozz' et maman, Madame O., je ne serais pas en train de te parler, assis ici. Tout ce que j’ai pu faire, toute la famille BLACK LABEL, je lui dois tout. Tout ce succès. Tout le temps où je n’étais pas en train de jouer avec lui, ce n’est pas comme si nous n’étions plus en contact. On se reçoit toujours pour diner, des trucs comme ça. Il est le parrain d’un de mes fils - on est toujours en contact… et je suis aussi pote avec Gus G., c’est un ami et c’est un guitariste phénoménal.
 

"S'il n'y avait pas eu Ozz' et maman, Madame O., je ne serais pas en train de te parler, assis ici.
Tout ce que j’ai pu faire, toute la famille BLACK LABEL, je lui dois tout. Tout ce succès." - Zakk Wylde


Je ne parlais pas forcément d’un point de vue personnel, mais plutôt professionnel : aux yeux de tous, il était évident que tu rejouerais à nouveau auprès de ton mentor Ozzy Osbourne. Avec tout le respect que Gus G., son précédent guitariste, mérite, tu es le seul à pouvoir revendiquer jouer la musique d’Ozzy avec une telle authenticité. Cite-moi le nom d’une seule personne qui a hérité dans son sang de tout le talent de Tony Iommi ET de Randy Rhoads réunis ?
Zakk Wylde : Bon, moi personnellement j’aime les deux ! Ils sont très importants pour moi ! Jouer à nouveau avec Ozzy, tout était simple : ça ne tenait qu’à un coup de fil. En un rien de temps, je peux rappliquer et être présent à ses côtés.
 


© Justin Reich / Spinefarm Records


Comment se sont déroulées les retrouvailles sur scène l'été dernier ?
Zakk Wylde : C’était l’éclate totale ! Comme pour l’épisode Ozzy & Friends, c’est comme si on ne s’était jamais quittés, et nous passons tout notre temps à nous marrer ! C’est presque un miracle que le boulot soit fait, parce qu’on est vraiment tout le temps en train de se pisser dessus de rire !

Comme à peu près tous les anciens, Ozzy vient juste d’annoncer que cette tournée solo serait sa dernière. Sincèrement, y crois-tu vraiment ?
Zakk Wylde : En fait, voilà comment je vois le truc : on va effectivement tourner, mais après, nous allons tous faire de terribles investissements qui vont nous mettre sur la paille. Et on va devoir se reformer à nouveau pour se refaire et tourner pour les quatre autres années à suivre ! Ça s’appellera le « Bad Investment Tour » (rires).

Cette dernière tournée solo d’Ozzy va durer deux ans et vous allez jouer à Paris en juin prochain, en tête d’affiche du Download Festival. Pour tous les fans français, et pour tous les plus jeunes qui ne vous ont jamais vus ensemble, à quoi peuvent-ils s’attendre ?
Zakk Wylde : D’être juste atrocement décevants et que vous vous disiez : mon dieu, c’est vraiment terrible. En fait, il vaut vraiment mieux toujours s’attendre au pire. Comme ça, si le concert n'est pas trop mal, vouss pourrez vous dire que ce n’était finalement pas si mauvais que ça ! Et peut-être même que vous aurez envie de revenir nous voir ! J’ai basé tout mon mariage sur ce principe-là !

Etais-tu à Birmingham en février 2017 pour le tout dernier concert de BLACK SABBATH ?
Zakk Wylde : Je ne suis pas allé au tout dernier concert, mais on a déjà partagé pas mal de shows entre BLACK LABEL SOCIETY et SABBATH - ça c’était au début, lorsqu’ils ont redémarré avec la tournée «13». Et après ça, j’ai vu quelques shows, notamment à L.A. à l’Hollywood Bowl et dans une Sports Arena. Et c’était génial.
 

"Ozzy est venu vers moi pour me serrer la main et là, j’ai fait dans mon froc.
A cet instant, il m’a dit :
« 
Zakk, va changer de pantalon, et fais-moi un sandwich au jambon.
Et rajoute de la moutarde. 
»" - Zakk Wylde


Plus que jamais, maintenant que SABBATH est enterré, te sens-tu la responsabilité de devoir porter son héritage ?
Zakk Wylde : On a déjà ZAKK SABBATH. Donc, oui, on célèbre SABBATH sans aucun doute, à chaque concert que nous faisons. Mais sinon, ils sont allés jusqu’au bout de leur histoire : ils se sont retrouvés, ils ont enregistré un nouvel album qui s'est placé numéro un et ils ont rempli des stades jusqu’au bout de leur dimension. C’est comme un David Beckham qui serait revenu pour sa dernière saison, aurait gagné la coupe du monde et serait parti à la retraite : il n’y plus rien d’autre à faire : il a gagné la coupe du monde, il l’a fait. Tu ne peux pas partir sur une plus belle note. C’est incroyable ce qu’ils ont accompli. Ça a changé la donne.

A l’époque, BLACK SABBATH était une musique pour les parias, pour les laissés-pour compte, et personne n’en avait rien à faire. Aujourd’hui, c’est une institution, un groupe intronisé au Hall Of Fame, qui fournit des bandes originales de films ou de publicités : comment expliques-tu que ce groupe soit devenu aussi énorme, et qu’il soit surtout devenu aussi hype d’être un fan de BLACK SABBATH aujourd’hui ?
Zakk Wylde : C’est surtout intéressant d’écouter les gens raconter ce qu’ils ont vu lorsque c’était en train de se produire dans les années 70. Tu réalises à quel point ils étaient alors inspirés par le groupe, tant la musique était incroyable. Tu vois ce que je veux dire ? Ils incarnent leur propre genre musical. Moi, j’ai toujours considéré que c’était comme ça, je n’ai jamais pensé que c’était un truc underground. Mais c’est sûr que les gens n’avaient pas forcément le même regard alors, qu’ils ne l’ont aujourd’hui. Le groupe n’était pas autant vénéré à l’époque - même si j’ai toujours rêvé qu’il le soit.

Au milieu des années 90, tu as été approché pour venir jammer et peut-être rejoindre GUNS N’ ROSES pour de bon. Avec quel autre groupe accepterais-tu une collaboration à plein temps aujourd’hui ? En as-tu décliné certaines ?
Zakk Wylde : L’histoire avec GUNS N’ ROSES est juste arrivée parce que je suis pote avec ces mecs. Et à l’époque, Gilby Clarke venait de quitter le groupe... Lorsque les gars se sont demandés qui pouvait trainer autour d’eux pour jouer de la gratte, Slash, Axl et les autres se sont dit que Zakk pourrait très bien venir jammer. Juste comme ça, et parce que nous étions potes. Taper le boeuf avec d’autres personnes… jouer sur les disques d’autres artistes est toujours éclatant : «Hey Zakk, tu viens jouer avec nous sur ce disque ? Poser un solo ici ou là ?" "Oui bien sûr, c’est cool !" Mais c’est simple et facile parce que je suis tout simplement pote avec tous ces gens-là. C’est comme ça que nait une collaboration. Au bout du compte, il ne s’agit que de musique.

Tout comme Slash d’ailleurs, tu as joué et jammé avec d’innombrables musiciens, sur scène ou sur disque : quelles sont les conditions pour que Zakk Wylde accepte de venir faire un featuring sur un disque ?
Zakk Wylde : Les conditions ? Oh... tu dois juste être sûr de… qu’il y ait de la bouffe. Il doit y avoir du poulet, mais sans sauce trop grasse : rien ne doit affecter l’écart entre mes cuisses. Ça, ce sont des impératifs. Mais sinon, au-delà de ça, tout est ok !

C’est assez unique dans une vie de pouvoir être en mesure de travailler avec son héros et surtout de pouvoir devenir un ami aussi intime, un partenaire et un confident. Ton retour auprès d’Ozzy cette année coïncide avec le 30ème anniversaire de votre collaboration ! Te rappelles-tu exactement comment se sentait le jeune Jeffrey Phillip ce jour d’audition en 1987 ?
Zakk Wylde : Oui, je m'en souviens parfaitement. Ozzy est venu vers moi pour me serrer la main et là, j’ai fait dans mon froc. A cet instant, il m’a dit : «Zakk, va changer de pantalon, et fais-moi un sandwich au jambon. Et rajoute de la moutarde". OK. Et voilà... C’est mon quotidien depuis ! Faire dans mon froc et préparer d’énormes sandwiches.
 


© Justin Reich / Spinefarm Records


Essayez-vous ensemble d’écrire un dernier album solo ? Un dernier chef d’oeuvre d’Ozzy ?
Zakk Wylde : Oui, si Ozzy me demande si j’ai des compos à lui proposer, des trucs doux ou des trucs bien heavy, c’est toujours comme ça qu’on fait : lui proposer des riffs. Si Ozzy veut le faire, on le fera.

J'aimerais que tu nous cites les 10 artistes ou albums qui ont défini et accompagné toute ta vie…
Zakk Wylde : En fait, tout ce que j’ai à dire, c’est à quel point la musique est puissante et à quel point elle peut t’émouvoir. Et ça, je pense que c’est pour tout le monde. La musique que tu dois jouer, c’est celle qui te porte des émotions. Et si cela ne t’émeut pas, qu’est-ce que tu fais dans un tel groupe alors ? Comme tout le monde, la musique qui te fait vibrer, c’est la musique que tu écoutais en étant plus jeune qui a un impact énorme sur toi, et ça t’accompagne toute ta vie. Mon père a écouté Frank Sinatra jusqu’à sa mort : il a grandi avec et c’est ça qu’il aimait. Pour moi, c’est de toute évidence Elton John, BLACK SABBATH, LED ZEPPELIN, THE ALLMAN BROTHERS, LYNYRD SKYNYRD, THE BAND, CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL, BAD COMPANY, bien sûr tous les vieux John McLaughlin, Frank Marino & MAHOGANY RUSH, Jimi Hendrix, Robin Trower. En fait, ce sont les trucs que j’écoute tout le temps.

C’est amusant parce que tu es perçu comme une icône du heavy-metal et tu n’as cité que BLACK SABBATH : tout le reste n’est que du classic-rock, du rock sudiste ou du blues !
Zakk Wylde : Oui, et j’aime aussi Sam Cooke et Percy Sledge, ce genre de musique aussi ! Mais je peux écouter de tout : autant du McLaughlin que du Dimebag. Miles Davis disait : «il y a du bon jazz et il y a du mauvais jazz». Et j’ai des potes qui me demandent mon avis à propos de black metal ou de death metal : oui, il y a du bon black metal et du mauvais black metal. Et c’est pareil pour tous les genres de musique. On dira la même chose à propos du rap. Voilà ce qui est bon, et puis ça, c’est pas terrible. Et on en revient à la même chose pour tout le monde : il y a la musique qui t’émeut et que tu aimes pendant toute ta vie.

Nous avons perdu un nombre incroyable de héros du rock ces dernières années - certains d’entre eux faisaient partie de tes proches. Comment fais-tu face à ces pertes et surtout à cette lente et morbide extinction de toutes ces icônes majeures, qui ont toutes construit l’histoire du rock ?
Zakk Wylde : Oui, c’est incroyable. Il y a une génération entière de gens qui ont créé tout un genre de musiques, et notamment la bande-son de ma vie… Et tous sont autour de leurs 70 ans… Et entre 2016 et 2017, ils ont tous commencé à disparaitre… c’est dingue.

Vois-tu honnêtement l’arrivée de sang neuf, de jeunes musiciens talentueux qui font leur apparition ?
Zakk Wylde : Il y a aura toujours de jeunes nouveaux lions talentueux et affamés qui voudront réussir : tu ne peux pas empêcher ça. On ne peut pas renier des gens aussi enthousiastes. Les gens travaillent dur et ils voudront parvenir à leurs fins. Tu ne peux pas réfréner des gens portés par la passion. Les gens s’inspirent les uns des autres : lorsque tu vois quelqu’un jouer de la musique comme Jimi Hendrix, tu veux t’en inspirer à ton tour. Et quand un Eddie Van Halen arrive, il  inspire à son tour d’autres gens qui veulent jouer. Ils sont passionnés par ce qu’ils font. Quelqu’un comme Celine Dion a été inspirée par Barbra Streisand, et à son tour Celine inspire Adele et Adele d’autres jeunes filles qui veulent chanter.

Mais rayon rock’n’roll : est-ce que tu as personnellement vu ou rencontré de jeunes talents qui peuvent à leur tour représenter une nouvelle génération ? Et pour lesquels tu t’es dit dans un coin de ta tête : mmh, celui-ci va devenir énorme...
Zakk Wylde : Ca peut être dans n’importe quelle discipline : en sport, au cinéma, en littérature, en musique, quand on voit quelqu’un d’aussi exceptionnel, cela apparaît comme une évidence. Je crois que ça ne s’arrêtera pas de sitôt. Et comme je l’ai dit, il y a des gens qui sont faits pour réussir.

On peut voir une autre facette de ta personnalité sur Facebook et sur les réseaux sociaux, lorsque tu pars dans tous tes délires à travers tous tes petits clips désopilants.
Zakk Wylde : Je ne fais pas l’idiot, c’est parfaitement sérieux. Question suivante ! (rires)

Est-ce que ça te vient aussi spontanément à la maison, dans ta cuisine le matin ou sur la route ? Qu’est-ce qui te pousse ainsi à te mettre en scène ?
Zakk Wylde : Ce sacré bon café !

Après la musique, designer des guitares, commercialiser ta propre marque de café, tu aimerais entreprendre d’autres choses ?
Zakk Wylde : Eh bien, si ça peut se glisser entre la sortie de ce «Grimmest Hits» et s’occuper du linge ou nettoyer la niche du chien, c’est une possibilité qui pourrait très bien se présenter ! Heureusement, Sabbath Page a grandi et je n’ai plus à lui changer ses couches, donc ça me laisse un peu plus de temps par mes projets de domination du monde. Une chose est certaine : tout ce que je fais, je ne le fais que parce que ça me plait et que j’aime ça ! 

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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