27 mai 2018, 17:18

SEMBLANT

• "Lunar Manifesto"

Album : Lunar Manifesto

Aaaaahh, le Brésil ! Pays de tous les contrastes, mêlant extrême pauvreté et splendeurs diverses, où les images de carte postale font oublier une réalité que seuls les plus courageux osent découvrir. Pays, aussi, qui nous a offert des combos ayant écrit quelques-unes des plus belles pages de l'histoire du metal. SEPULTURA bien sûr, mais aussi ANGRA... et peut-être bientôt SEMBLANT. Originaires de Curitiba, ces jeunes musiciens commencent à faire parler d'eux dans leur pays d'origine et leur succès grandissant sur internet (le clip de “What Lies Ahead” a été visionné plus de 18 millions de fois sur YouTube !) est révélateur de leur énorme potentiel. Formé en 2006 et véritablement mis sur les rails avec l'arrivée de la soprano Mizuho Lin en 2010, SEMBLANT a déjà à son actif une démo 3 titres, « Behold The Real Semblant » sortie en 2008, un EP, « Behind The Mask » sorti en 2011, et deux albums, « Last Night Of Mortality » (2010) et le petit dernier, « Lunar Manifesto », sorti au Brésil en 2014 mais bénéficiant d'une distribution mondiale depuis la signature du groupe avec le label de David Ellefson, EMP, en 2016. C'est ce dernier qui va être l'objet de cette chronique.

SEMBLANT, c'est donc Mizuho Lin et Sergio Mazul au chant, Sol Perez et Juliano Ribeiro aux guitares, Welyntom "Thor" Sikora à la batterie, Joao Vitor à la basse et J. Augusto aux claviers. Vous aurez compris que l'une des "originalités" du groupe est par conséquent de proposer un chant partagé entre douces mélopées féminines et growls de bûcheron sous amphétamines. Mais n'allez surtout pas croire que SEMBLANT n'est qu'un énième rejeton de LACUNA COIL. Certes, les Brésiliens évoluent dans un créneau devant énormément aux boys de Cristina Scabbia, mais leur intelligence musicale ne saurait répondre aux impératifs d'un style imposé. Et plutôt que de rabâcher un propos mille fois entendu, SEMBLANT préfère brasser des influences à priori opposées afin d'en tirer le meilleur et d'imposer un nouveau genre : le sien. Une démarche assez comparable à celle d'AVATAR en ce sens qu'elle allie une perpétuelle recherche d'efficacité à l'expression d'une folie sous-jacente, la mélodie le disputant toujours à la sauvagerie. La comparaison s'arrête là toutefois, car nos Curitibanos évoluent dans un dark metal teinté de prog, de death et de gothique. On a vu (et entendu) plus conventionnel, vous avouerez.

Le premier titre de « Lunar Manifesto », “Incinerate”, fournit d'ailleurs un bon condensé de ce que SEMBLANT sait faire. Morceau fou mêlant des influences black à d'autres, bien plus modernes, imaginez CRADLE OF FILTH copulant avec MACHINE HEAD (je sais, c'est dégueulasse !) et vous aurez un assez bon aperçu de ce début d'album ! Le chant criard de Sergio Mazul semble tout droit sorti de la bouche de Dani Filth, mais le gaillard a des ressources et possède une palette de styles très vaste. Nous y reviendrons. En attendant, ça dépote sévère, et après un couplet furieux, Mizuho Lin fait décoller le morceau grâce à sa voix sensuelle et profonde. La demoiselle, qui est professeur de chant, n'est pas adepte des envolées limite criardes de certaines de ses consoeurs et maîtrise son chant à la perfection. Je conseille d'ailleurs à celles et ceux qui ne verraient dans la belle métisse (son père est taïwanais) qu'un gadget marketing de plus de jeter une oreille attentive à certaines de ses prestations publiées sur son compte YouTube. À titre d'exemple, son interprétation d'une aria de “La Bohème” (Puccini) filerait la honte à Floor Jansen elle-même !

Mais revenons à “Incinerate” et à cette intervention de synthé devant plus à DEEP PURPLE qu'à un quelconque combo de black. J. Augusto prouvera tout le long du disque qu'il est un claviériste talentueux, sachant instaurer par ses gimmicks des ambiances variées, allant de nappes gothiques hantées à des sons plus froids, plus mécaniques. La fin du morceau reprend les harmoniques parsemées tout au long de celui-ci, sur fond de rythmiques jumpy. Vous avez dit... "surprenant" ? “Dark Of The Day” est plus classique dans sa construction. Son introduction rappelle les premiers albums de LACUNA COIL, quant au synthé en fond, les nostalgiques du WITHIN TEMPTATION première période verseront certainement une petite larme en y décelant un petit clin d'oeil (volontaire ?) à “Enter”. Un titre catchy, tout comme le suivant, “What Lies Ahead”, qui a tout d'un hit en puissance avec son refrain imparable. Ecoutez-le une fois et essayez de vous le défaire de la tête ensuite. Votre poids en billes de polystyrène si vous y parvenez ! La suite vaut également son pesant de cacahuètes avec “The Shrine”, rapide et incisif, qui propose encore un beau duel entre les hurlements death de Sergio et la voix suave de Mizuho.

Le soin apporté aux parties vocales est vraiment l'un des points forts et du groupe, ce qui est confirmé sur “Bursting Open”, peut-être le plus beau morceau de ce « Lunar Manifesto », sur lequel le chanteur démontre que s'il maîtrise tous les aspects du chant extrême, il possède également une bien belle voix en chant clair. Le côté théâtral du titre rappelle à nouveau LACUNA COIL, mais avec plus de complexité. Car SEMBLANT, s'il a bien digéré l'influence du groupe transalpin, possède en son sein des musiciens de tout premier plan qui lui permettent de flirter avec le prog. Comme sur “Mists Over The Future”, tiens, titre complexe aux constructions rythmiques alambiquées et entrecoupé par de magnifiques soli. Mizuho Lin y livre une nouvelle fois une prestation remarquable. Le morceau suivant, “The Hand That Bleeds”, nous plonge dans l'abîme gothique d'un TYPE O NEGATIVE des grandes heures de « October Rust » avant que “Selfish Liar” n'impose une légère baisse de régime car un peu en deçà du reste de l'album. Qu'importe ! Ça repart sur les chapeaux de roue avec “Ode To Rejection”, dont l'ambiance malsaine est magnifiquement contrebalancée par le refrain, mélodique en diable. Le solo de Juliano Ribeiro est de toute beauté, tout comme le chant de Sergio, qui se rapproche du regretté Warrell Dane !

“The Blind Eye” retrouve la folie de “Incinerate” mais avec plus de mélodie. Les bretteurs Sol Perez et Juliano Ribeiro sortent des sons que l'on croirait tout droit sortis de la guitare de Ron "Bumblefoot" Thal durant un morceau qui n'aurait pas dépareillé dans la discographie de... NEVERMORE ! Quand je vous disais que SEMBLANT était imprévisible ! C'est maintenant l'heure du dernier titre, “Scarlet Heritage (Legacy Of Blood, Pt. 3)”, sur lequel le sieur Sergio Mazul module une nouvelle fois comme l'ex-chanteur de SANCTUARY et NEVERMORE. Théâtralité, rapidité et puissance sont au rendez-vous d'une chanson qui clôt « Lunar Manifesto » de manière magistrale. Le groupe met actuellement les touches finales à son nouvel opus, qui devrait vraisemblablement sortir au cours du second semestre 2018. En attendant, précipitez-vous sur ce « Lunar Manifesto » d'excellente facture car mon petit doigt me dit que SEMBLANT pourrait bien être "the next big thing"... Pour une fois qu'un groupe ne fait pas semblant !

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KillMunster est né avec le metal dans le sang. La légende raconte que quand Deep Purple s'est mis à rechercher un remplaçant à Ian Gillan, le groupe, impressionné par son premier cri, faillit l'embaucher. Avant finalement de se reporter sur David Coverdale, un poil plus expérimenté. Par la suite, il peaufina son éducation grâce à ses Brothers of Metal et, entre deux visionnages d'épisodes de la série "Goldorak", un héros très "métal" lui aussi, il s’époumona sur Motörhead, Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath et de nombreux autres ténors des magiques années 70. Pour lui, les années 80 passèrent à la vitesse de l'éclair, et plus précisément de celui ornant la pochette d'un célèbre album de Metallica (une pierre angulaire du rock dur à ses yeux) avant d'arriver dans les années 90 et d'offrir ses esgourdes à de drôles de chevelus arrivant tout droit de Seattle. Nous voilà maintenant en 2016 (oui, le temps passe vite !), KillMunster, désormais heureux membre de Hard Force, livre ses impressions sur le plus grand portail metal de l'Hexagone. Aboutissement logique d'une passion longuement cultivée...
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