22 mai 2018, 21:10

Patrick Rondat

• Les albums qui ont changé sa vie


Premier guitariste instrumental français à avoir signé avec une maison de disques à l’époque où ont explosé les Malmsteen, Vinnie Moore, Tony MacAlpine et autres poulains de l’écurie de Mike Varney, Patrick Rondat revient sur les albums qui l’ont durablement marqué… En attendant la sortie de sa prochaine réalisation prévue pour 2019.
 

MONTROSE : « Montrose » (1973)

« C’est l’album qui m’a fait commencer la guitare. J’étais chez un disquaire et comme quelqu’un avait demandé à écouter le premier album de MONTROSE, il passait dans le magasin. Je n’avais aucune culture musicale, j’avais dû écouter un live des ROLLING STONES et ce qui passait à la télé et ça a été un choc sonore. J’avais à peine commencé à toucher une guitare sèche et ça a été le coup de poing dans le nez. J’ai acheté l’album et c’est un peu comme ça que ça a démarré. J’avais 17 ans.

Quand j’ai découvert « Montrose », en 1977, il avait déjà quelques années mais ça reste une référence pour moi aujourd’hui encore. Quand tu le replaces en contexte, ça demeure un album incroyable.

Rien ne sonnait comme ça en 1973. Il y avait Ted Templeman, qui a produit VAN HALEN par la suite, Sammy Hagar et plein de gens bien mais pour moi, l’album en lui-même est une bombe atomique en termes de son, de prod’ et de compos. »
 

RAINBOW : « On Stage » (1977)

« Evidemment, j’adore DEEP PURPLE et j’aurais pu citer « Made In Japan » qui a aussi été une influence, mais en fait, je suis un grand fan de Ritchie Blackmore et j’adore encore plus RAINBOW que DEEP PURPLE.

J’aurais pu aussi choisir « Rising », mais l’album que j’ai le plus écouté, c’est ce live avec Ronnie James Dio. C’est ce qui m’a aussi amené à faire ce que je fais, ces influences classiques, des titres longs avec des passages planants au milieu.
En live, il y avait des structures de morceaux un peu étirées, ça n’était pas couplet-refrain comme sur album, ça partait un peu en vrille.

Et puis il y avait Blackmore. C’était quelqu’un de novateur, de très en avance sur son époque et j’adore toujours son jeu. Il a ensuite fait le choix de partir sur de l’acoustique. Evidemment, en tant que fan, je regrette un peu son côté électrique.
Et je regrette aussi que lorsqu’il a joué avec Ritchie Blackmore’s RAINBOW, il se soit contenté de passer en Angleterre et en Allemagne… ».
 

VAN HALEN : « Van Halen » (1978)

« Le choc Van Halen. Je ne vois pas un guitariste de ma génération ou de celle d’après ne pas le citer. Ça a été une telle révolution, aussi bien dans la musique que dans la guitare… Eddie a bouleversé l’instrument, comme Hendrix à son époque, mais sans avoir la renommée de ce dernier qui est mondialement reconnu pour ce qu’il a apporté à l’instrument. Van Halen est un monument aux Etats-Unis mais en France et en Europe, à part auprès des aficionados, il n’est pas vraiment reconnu, ce qui est injuste. Hendrix, que je ne cite pas dans mes albums principaux parce qu’il m’a fallu du temps pour entrer dans son univers, a sans doute ce statut de mythe parce qu’il est mort jeune et qu’il est donc toujours resté au sommet de son art.

Peut-être que s’il avait vécu, il aurait fait des albums pourris – ou pas d’ailleurs – et aurait terni sa légende. C’est la même chose au cinéma avec Marilyn Monroe ou James Dean. A la sortie du premier album, Van Halen avait 23 ans, le son, une technique imparable, les compos, un placement rythmique, une identité… Tout ce qui, pour moi, définit un artiste. Il fait partie de ceux qui ont été touchés par la grâce et ils sont rares. Il avait tout, tout de suite. Tous les gens sont restés sur son plan de tapping, mais son jeu rythmique, le travail du son – pas celui du matériel, celui qu’il a dans les mains – font qu’il est immédiatement identifiable. La première fois où j’ai entendu “Beat It” de Michael Jackson, j’ai tout de suite su que c’était Van Halen qui jouait, ça ne pouvait être personne d’autre.

Le problème, c’est qu’Eddie Van Halen est quand même hard rock, ce qui, en France et en Europe, te place d’office dans une autre case que celle d’Hendrix, par exemple. Ici, il est connu pour “Jump” et ses claviers. C’est là que l’on voit qu’il est talentueux : ce n’est pas un pianiste extraordinaire mais il a posé sa guitare, pondu un riff sur un instrument qui n’était pas le sien et c’est devenu un hit planétaire. A la balance, tous les claviers avaient le même son et jouaient ce riff-là… C’est incroyable. »
 

Ted Nugent : « Double Live Gonzo! » (1978)

« J’ai adoré le personnage complètement déjanté. Je sais qu’il est politiquement incorrect avec ses prises de position sur la chasse, son soutien à Donald Trump, etc., mais il est tellement caricatural que ça ne me dérange pas. Je pense qu’il y a une part de provoc’ dans ses déclarations.

A la fin des années 70, dans les interviews, il disait qu’il était le meilleur guitariste du monde, que Clapton ne savait pas jouer, qu’Hendrix, c’était de la merde… C’était surtout un moyen de faire parler de lui.

Je l’ai vu, en 1979 au Pavillon de Paris, c’était énorme : la présence du garçon, son attitude, son côté rock’n’roll énervé. Il avait un ego débordant mais je pense qu’il en jouait aussi. J’aimais bien ce côté rock’n’roll brut et ça reste un bon guitariste de rock. Et puis ça n’a rien à voir avec la musique, mais c’est un mec qui ne prenait pas de drogues et ne picolait pas, comme moi. Quand j’ai commencé la guitare, j’étais un peu le mec bizarre.
Le fait que je ne me défonce pas et que je ne boive pas, il y avait quelque chose qui n’allait pas… Et voir que quelqu’un comme lui avec une telle renommée était clean m’a conforté dans mon choix. ».
 

AC/DC : « Highway To Hell » (1979)

« J’aurais pu citer un autre album d’AC/DC mais celui-là, je l’ai énormément écouté, tout comme après lui « Back In Black » quand il est sorti. J’avais tendance à m’intéresser aux guitaristes un peu plus démonstratifs et ce côté roots rock’n’roll groovy et le travail des deux guitares donnait une identité super forte. Ça m’a touché, les compos, les riffs. AC/DC est une machine.

Eux aussi ont aussi changé la face du rock, avec leur style basique mais efficace. Mon premier concert hard rock, c’était AC/DC au Pavillon de Paris en 1979 avec Bon Scott et JUDAS PRIEST en première partie. Un gros choc. C’est là qu’a été tourné le film Let There Be Rock. JUDAS aussi c’était génial et c’était un super concert qui a changé ma perception de la musique.

Mon tout premier concert, c’était SANTANA qui a fait « Europa » en instrumental. Je ne le cite pas dans mes albums principaux mais il m’a influencé quand même. En première partie, il y avait JOURNEY et Neal Schon que j’adore. Je ne l’ai pas écouté plus que ça mais il m’a influencé d’une façon discrète, en passant.
C’est marrant parce qu’il y a des musiciens que tu écoutes beaucoup et qui ne t’influencent pas tant que ça et d’autres que tu écoutes peu et qui ont un impact sur toi. Tu ne sais pas pourquoi mais tu les intègres plus dans ta musique. ».
 

Al Di Meola : « Elegant Gypsy » (1977)

« Par la suite, grâce à un ami, Vincent, qui écoutait énormément de styles différents, j’ai commencé à découvrir autre chose que le hard rock. Dont Al Di Meola avec « Elegant Gypsy ». Si Van Halen m’a le plus influencé pour le côté hard et RAINBOW pour le côté classique, Al Di Meola est celui qui m’a construit guitaristiquement parlant.
Il a changé ma perception du travail de l’instrument, c’est grâce à lui que j’ai travaillé une grande partie de mon côté technique. Sans lui, je ne pense pas que je me serais lancé dans l’instrumental.

C’est ce qui m’a permis d’avoir cette technique quand est arrivée toute cette vague de guitaristes instrumentaux à la fin des années 80, parce qu’Al Di Meola a eu une influence sur beaucoup de guitaristes comme Vinnie Moore, Tony MacAlpine et Malmsteen, même s’il ne le cite pas. Il y a beaucoup de choses que l’on retrouve dans leurs compos et dans leurs phrases qui viennent de lui.

Ça m’a permis d’être là au bon moment, sans quoi, il m’aurait fallu cinq ans de plus et je serais arrivé après la vague. La musique, c’est à la fois du travail et de la chance. Si mon copain ne m’avait pas fait écouter ça, j’aurais sans doute fait autre chose. Ça tient parfois à peu de choses… ».
 

RETURN TO FOREVER : « Romantic Warrior » (1976)

« Toujours avec Al Di Meola, mais cette fois, c’est un groupe fondé par (le claviériste) Chick Corea. « Romantic Warrior » a une structure jazz-rock, avec une écriture et des mises en place complexes qui m’ont énormément marqué.

Ça joue terrible, c’est complètement barré et ça fait partie de mon top albums, toutes catégories confondues.

Ça a eu une influence sur mon écriture et ma façon de structurer les morceaux plus que sur ma musique en elle-même. ».
 

RUSH : « Moving Pictures » (1981)

« Ça aurait pu être un autre album de RUSH, mais c’est celui que j’ai le plus écouté. Encore une découverte que je dois à mon ami Vincent.

Ça a commencé à faire le lien entre ce que j’écoutais avant, le hard rock, et le côté jazz-rock. RUSH est à la fois très rock mais avec des structures et des mesures composées et des choses sophistiquées.

C’était un peu un mélange des deux et ça m’a touché. ».
 

Gary Moore : « We Want Moore » (1984)

« Encore un live. J’avais aussi vu Gary Moore en concert à cette époque-là et c’est un guitariste que j’ai vraiment adoré. Il a eu sa période blues que j’ai bien aimée aussi, mais moi, j’étais vraiment fan de ses albums solo, « Corridors Of Power », « Victims Of The Future », « We Want Moore »… Du rock avec de l’énergie sur chaque note, une vraie attaque, une belle technique, des choses planantes… C’était quelqu’un que j’aimais vraiment musicalement.
Par contre, quand je l’ai rencontré, ça n’a pas vraiment été facile (sourire). J’ai fait sa première partie en 1994 et ça a été une déception. C’était compliqué…

Quoi qu’il en soit, Gary Moore reste pour moi un guitariste vraiment marquant que j’ai adoré. Mais quand il est passé au blues, je n’ai pas compris qu’il dénigre le genre qui l’avait fait connaître et qu’il crache dans la soupe. Il était agressif et pas cool du tout avec les jeunes guitaristes qui arrivaient.
Sans doute s’était-il un peu senti obligé de faire la course avec eux et comme il ne trouvait plus vraiment sa place et que ça le faisait chier, il est allé à l’opposé en revenant à des trucs traditionnels avec le blues, comme à ses débuts. Je suppose qu’il a été blessé dans son orgueil et il a eu une réaction con parce qu’il a toujours eu l’estime des fans de rock. ».
 

Jean-Luc Ponti : « Enigmatic Ocean » (1977)

« Un Français qui est parti aux USA pour faire carrière car il n’avait pas la reconnaissance dans notre pays. Il avait avec lui un guitariste fabuleux, Alan Holdsworth, qui est décédé il y a quelque temps, et qui avait un jeu totalement différent, avec un univers et des compos que j’adore. Et Jean-Luc Ponti est un super violoniste. « Enigmatic Ocean » m’a vraiment marqué. ».


Et aussi…

Yngwie J. Malmsteen’s RISING FORCE : « Rising Force » (1984)

« Malmsteen n’a peut-être pas eu l’impact de Van Halen mais c’est un mec qui a bouleversé l’image de la guitare.

J’ai retrouvé un mélange de Blackmore et d’Al Di Meola dans son jeu, mais il est arrivé avec une telle maturité et une telle maîtrise de son style qu’il a marqué l’instrument. Je trouve dommage que pour certains, son attitude ait parfois fait oublier ce qu’il a apporté.

Après, il s’autoparodie parfois, il en fait des tonnes et se gâche un peu, mais quand le premier album est sorti, ça a été une petite révolution. Et il a un vrai lyrisme, un vrai feeling. Ceux qui ne le considèrent que comme un guitariste qui joue vite sont sourdingues… ».



Steve Vai : « Passion And Warfare » (1990)

« Evidemment. Un monument de guitare instrumentale. Vai est quelqu’un qui a une vraie personnalité, une écriture particulière et qui a son univers. Cet album est juste parfait, incroyable, avec une véritable identité et j’ai adoré. ».

Joe Satriani : « The Extremist » (1992)

« Je n’ai pas craqué tout de suite sur Satriani et j’ai adoré « The Extremist ». Super album, super production. ».

WHITESNAKE : « 1987 » (1987)

« Je suis un gros fan de John Sykes (qui a composé et enregistré l’album avant d’être remercié par Coverdale, NDJ) et le mélange des claviers et des guitares a eu un impact sur mon écriture. Il y a beaucoup de guitaristes de cette époque - Warren DeMartini de RATT, George Lynch avec DOKKEN, Vito Bratta avec WHITE LION… - qui ont eu une influence sur moi. Pour un riff, un son, un plan ou une harmonie, ils m’ont apporté quelque chose à un moment donné. ».
 

Sans oublier…

Pat Travers : « Heat In The Street » (1978) • Ozzy Osbourne : « Blizzard Of Ozz » (1980) • PORCUPINE TREE : « In Absentia » (2002) • METALLICA : « Master Of Puppets » (1986) • PANTERA : « Cowboys From Hell » (1990) • SPOCK’S BEARD : « Beware Of Darkness » (1996) • Jimi Hendrix : « Electric Ladyland » (1968) • JOURNEY : « Frontiers » (1983) • Gino Vanelli : « Brother To Brother » (1978)…

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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