Vingt ans déjà que MÖRGLBL se plaît à abreuver nos oreilles de son "progressif jazz metal fusion" et toujours aucun signe d'essoufflement à l'horizon. Une bonne nouvelle doublée d'une belle longévité qui se doivent d'être ici saluées à l'heure de la livraison de ce septième album au titre énigmatique, « The Story Of Scott Rötti », qui fait la part belle au groove et à la technique, oui... mais pas que. Il faut dire que le trio nous a toujours habitué à une certaine excentricité tant sur le fond que sur la forme. Bien malin d'ailleurs sera celui qui pourra en effet prédire au moment de la première écoute à quelle sauce il va être mangé. Bürps !
Et cela ne loupe pas dès l'intro "Deux Flics Amis Amish" où nos Ramunchos des temps modernes, relayant l'art du jeu de mot au rang de discipline olympique, attaquent tout en douceur. Comme pour mieux s'imposer une fois les rythmiques plombées d'un "Anarchytektür" lâchées sans sourciller. MÖRGLBL plonge l'auditeur dans un magma (uh, uh) bouillonnant qui dévore tout sur son passage, de PRIMUS à DREAM THEATER en passant par Joe Satriani et Frank Zappa, sans oublier d'y apporter ce petit grain de folie qui fait de lui un groupe au son unique. Mais réduire le talent et la force du clan savoyard aux guitares serait une hérésie parce que derrière, ça charbonne... et dur ! Ivan Rougny, fidèle depuis la première heure, exécute ses lignes de basse comme Kim-Jong Un ses opposants, avec un brin de finesse en plus cela va sans dire. "La Lèpre à Elise" est à ce titre une belle démonstration du talent d'Ivan le terrible. N'oublions pas non plus le préposé aux fûts, Aurélien Ouzoulias ou plutôt le Carlo-Tentacule des temps modernes, qui tape plus vite que son ombre avec un doigté et une précision qui rendront fou n'importe quel apprenti-marteleur. Et le résultat de cette rencontre du troisième type ne laisse pas de place au doute : l'alchimie est ici palpable, l'alliance entre les mélodies d'acier et les descentes de toms virevoltantes est, elle, tout bonnement imparable. MÖRGLBL propose une fois de plus sur « The Story Of Scott Rötti » un superbe tour de force, homogène et épique, qui ne se dévoilera véritablement qu'après une bonne paire d’écoutes attentives. Comme pour mieux le savourer et lui laisser le temps d'exprimer son approche franche, fruitée et pleine de charme qui en feront un millésime remarquable.
Le contenant est à ce titre à la hauteur du contenu de ce grand cru. Jugez plutôt : l'album a été mixé par Enzo D’Agostino à l’Elia Studio, masterisé par Mobo dans son antre du Conkrete et se voit illustré de main de maître par les mimines délicates et inspirées du duo Pierre Bernard et Pete Puke. Une association de bienfaiteurs réunis pour faire de ces noces de porcelaine une véritable célébration de l'esprit décalé propre au groupe. Mais ne vous y trompez pas, MÖRGLBL est bien loin d'afficher une quelconque fragilité. Bien au contraire, ses noces à lui seraient plutôt du genre "dur à cuire" avec la force d'un roc, solide et rugueux, sur lequel le temps n'a pas de prise !