10 mars 2019, 10:09

Yann Armellino & El Butcho

• Interview Yann Armellino

Inutile de présenter El Butcho, connu pour son travail dans WATCHA, mais quand est-il de son acolyte, et désormais inséparable compagnon de route Yann Armellino ? Un guitariste instrumentaliste absolument incontournable dans l’hexagone. Après « Better Way » sorti en octobre 2016, le duo a publié en novembre 2018 son deuxième album « 17 », qui a été en partie financé par crowdfunding. C'est dans la capitale que nous avons rencontré le talentueux guitariste pour parler de cette dernière offrande.

 

Une première question qui me brûle les lèvres, pourquoi votre nouvel album s’appelle sobrement « 17 »​ ?
C’est toujours compliqué de trouver un nom d’album. C’est pareil pour trouver un nom de titre instrumental. Autant pour « Better Way » c’était facile parce qu’il y avait un titre générique qu’on a tout de suite vu, ça sonnait bien. En fait j’ai eu l’idée de demander à Butcho combien il avait fait d’album, de WATCHA aux autres, et c’était son dix-septième en comptant « Better Way ».

Il y a bien sûr un côté très 'ricain avec cet album, qu’est-ce qui vous rattache aux Etats-Unis ?
Clairement nos influences. C’est ce qu’on écoute depuis de nombreuses années : KISS, AEROSMITH, BON JOVI, VAN HALEN. Mes principales influences sont Eddie Van Halen et Ace Frehley, il y en a d’autres mais ce sont les deux qui ressortent vraiment. Il y en a un autre que j’ai beaucoup écouté, et que j’écoute encore beaucoup dans le domaine de l’instrumental, c’est Blues Saraceno. Excellent guitariste plutôt heavy blues. Concernant les autres influences il y a aussi les Anglais THUNDER que je peux te citer, ou la scène scandinave avec D-A-D ou PRETTY MAIDS.

Vous avez lancé un crowdfunding pour la réalisation de « 17 »,​ que pensez-vous de cette méthode de financement ?
Oui pour le produire en partie. J’ai changé d’opinion à ce sujet car au départ je n’étais pas favorable. C’est Sylvie Gotteland qui s’occupe de booker nos dates qui en a eu l’idée, je n’étais pas à l’aise avec cela, j’avais l’impression de réclamer de l’argent. En sachant qu’il y a des causes beaucoup plus nobles, l’urgence n’est pas d'aider nos artistes à faire leur musique. Après la façon dont elle m’a présenté les choses m’a fait comprendre que les gens produisaient l’album avec nous, il y a donc des contreparties. Quand tu donnes 15 ou 20 euros tu pré-commandes l’album. Dès qu’il a été pressé ils l’ont reçu, donc ce n’est pas un don. Après j’ai vu qu’il y avait énormément d’artistes, et pas uniquement des musiciens, qui utilisaient ce mode de financement.

Il est sorti le 23 novembre dernier, quel sont les premiers retours ?
Les premiers retours sont plutôt très bons, on reçoit régulièrement des messages de personnes qui l’on écouté, il y a quelques chroniques qui sont tombées et elles sont très bonnes. Il y en a une qui l’est moins, ce qui m’a même surpris, c’est un chroniqueur qui préférait le premier album…

Est-ce que tu es à l’affut de ce qui peut se dire sur l'album ?
Oui je lis tout, Roger de Replica m’envoie les chroniques et te dire qu’on est insensible ça serait te mentir. C’est bien qu’on parle de toi mais quand tu lis quelque chose qui te défonce la gueule, c’est difficile. Un jour j’ai lu un live-report qui m’avait particulièrement marqué où le chroniqueur avait écrit : « Armellino magnifique, Butcho à chier ». C’était étrange car il descendait la personne avec qui je travaille, même si je n’étais pas directement concerné cela ne fait jamais plaisir. Pour revenir à la chronique de cette personne qui parlait de déception avec « 17 », cela touche forcément car quand tu fais une suite tu as toujours la sensation d’une petite progression, mais bon… ce que je dis souvent c’est que lorsque l’album sort il ne nous appartient plus. C’est une photographie à l’instant T, faut bien s’arrêter à un moment donné car sinon on pourrait toujours continuer à travailler les titres.

Je rebondis sur ce que tu as dit en parlant de progression, penses-tu que depuis « Better Way » en 2016, ta collaboration avec El Butcho a évolué ?
La musique du premier album venait essentiellement de moi. J’avais envoyé des titres qui étaient déjà quasiment terminés à Butcho et il a posé ses voix dessus. Au début on ne se connaissait pas très bien, on a commencé les concerts seulement après la sortie de « Better Way ». On ne s’est vraiment découvert humainement qu’après, et il se trouve qu’il y a des affinités. On se marre bien et Butcho est un grand déconneur qui ne se prends pas la tête, les problèmes d’ego c’est loin derrière nous car on a l’âge qu’on a. Aussi comme disait l’un de mes vieux potes « ce n’est pas parce qu’on se marre qu’on est des rigolos » (rires). L’évolution elle est là, il y a plus d’alchimie qu’au départ et c’est quelque chose qui s’acquiert avec le temps, la confiance et le rapport à l’autre.

En parlant de vous deux, vous vous êtes rencontrés lors du Paris Metal Fest 2014, que ce soit Butcho ou toi, des musiciens vous en avez croisés des tonnes dans votre vie, qu’est-ce qui a fait que ça a fonctionné entre-vous ?
C’est difficile de répondre parce que c’est vrai que lorsqu’on s’est vu au Paris Metal Fest ça aurait pu être des paroles en l’air, cela arrive plein de fois qu’à la fin du concert on se dise « salut on se rappelle ! », et qu’il ne se passera jamais rien. Et là je ne sais pas, six mois après j’ai pris mon téléphone. J’avais commencé à composer des titres et je ne les voyais pas en mode instrumental et j’ai repensé à Butcho. Au téléphone il s’en souvenait et il m’a demandé de m’envoyer un titre ou deux. Il se trouve que musicalement cela à tout de suite collé. Aussi, je venais d’écouter son groupe HELLECTROKUTERS et sa voix m’avait vraiment étonné. Il faut savoir qu’il est trilingue, il parle couramment anglais et serbe, il n’a donc pas d’accent.

J’ai lu quelque part que « 17 »​ marque le début d’une nouvelle histoire avec le label Xplose Music, peux-tu nous en dire un peu plus ? Surtout que vous étiez signé auparavant chez Note A Bene...
Oui un label indépendant distribué par Wagram. Et à un moment ce que me proposait Note A Bene ne me convenait pas, et cela faisait quelques années que je suivais l’évolution de Xplose Music qui a était monté par Jean-Marc Hauser que je connais depuis une vingtaine d’années. Lorsqu’il a monté ce projet j’avais trouvé l’initiative plutôt bonne. Du coup, je l’ai appelé pour lui parler de mon album avec Butcho et il a été intéressé. C’est un label un peu particulier car il y a moins d’intermédiaires entre l’artiste et le consommateur, je compare cela avec les AMAP car c’est le même principe. Il y a donc une plateforme de streaming, la vente numérique comme le propose iTunes et la vente physique sur Amazon, c’est un peu le tout en un et c’est l’avenir des indépendants car c’est beaucoup plus rémunérateur pour nous. Travailler ainsi, je vois cela presque comme un acte militant, car il ne faut pas se leurrer, notre métier est en train de mourir ! Les disques ne se vendent plus et la Fnac est devenu Darty. Il y a encore le réseau Cultura dans lequel on devrait être distribué et qui aide encore les artistes, c’est eux qui nous ont permis de faire notre tournée acoustique. Quand je dis militant c’est pour dire qu’il faut agir au lieu de subir, c’est leur leitmotiv et j’espère que ça donnera l’envie à d’autres artistes indépendants de rejoindre cette plateforme.

« Better Way » avait été produit par Erick Benzi, vous avez à nouveau fait appel à lui pour « 17 », ce partenariat semble être une affaire qui roule ?
Pour moi Éric est de loin le meilleur sur ces 25 dernières années. Si un jour on m’avait dit que j’aurais la chance de travailler avec lui, je ne l’aurais pas cru. Éric est très large dans ses goûts, il a produit des artistes qui ont très bien fonctionnés comme Céline Dion, Jean-Jacques Goldman ou Johnny Hallyday. Il y avait vraiment un certain nombre de choses qui me faisait dire que les voyants étaient au vert, quand tu sais que tu as de nouveau un label, tu as un réalisateur qui te fais confiance, tu as cette campagne participative qui a bien fonctionné, tout cela m’a faire dire qu’il fallait continuer. On ne peut pas se construire tout seul, la musique c’est de l’échange et du partage. Il y a une part de chance mais il y a aussi une énorme part de rencontres. J’en profite pour évoquer les sponsors qui me soutiennent depuis des années, tel que Ibanez avec qui je suis en contrat depuis presque 14 ans, sinon il y a Elixir pour les cordes, Zoom pour les effets et DMA pour les amplis, tout cela nous aide et sans eux cela serait plus compliqué.

Je parie que concernant votre processus d’écriture c’est essentiellement vous deux, mais cela vous arrive de déléguer à d’autres musiciens ?
En général c’est nous deux mais effectivement pour cet album le troisième titre "How The World Is Turning On" c’est notre second guitariste. C’est un vrai compagnon de route que je connais depuis des années, il fait partie de JESUS VOLT, un groupe de blues très énervé. Il m’avait joué ce riff et je lui ai dit « c’est bien pour nous, on va le garder » (rires). Au niveau des paroles c’est Butcho uniquement, il a carte blanche. Il écrit vraiment bien, on n’est pas dans les clichés rock à deux balles et il sait mettre des mots qui sonnent.

Parlons concert, vous avez joué le 21 novembre 2018 au Casino de Paris, comment cela s’est-il passé ?
Bien, malgré le fait que les conditions n’étaient pas faciles. On ouvrait pour GARAGE DAYZ le tribute à METALLICA. 50 musiciens sur scène donc très peu de place pour jouer. Pas beaucoup de balance mais au final on a tous passé un moment agréable et le public aussi, Butcho les a fait lever dès le deuxième titre et ça fait du bien. Aussi, on était en formation réduite, notre guitariste et bassiste étaient en concert en Hollande avec JESUS VOLT, c’est William un autre bassiste qui était là, un super bon musicien avec qui on jouera sur d’autres dates quand les autres ne seront pas disponibles, ce n’est pas toujours évident de réunir tout le monde d’un coup par rapport au planning de chacun.

Tu vis de la musique depuis plusieurs années, aurais-tu un conseil à donner aux plus jeunes qui envisagent d'en faire leur principale profession ?
Ce n’est pas facile, j’ai eu la chance de commencer quand on vendait vraiment du disque. On vendait dix fois plus d’albums et quand tu recevais tes royalties c’était un bon petit chèque. Mais je crois qu’aujourd’hui les minots qui débutent n’ont même pas besoin de conseil parce qu’ils se démerdent mieux que nous. Ils ont les outils, ils savent se servir des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et YouTube, je suis paumé là-dedans ! Moi je suis plus tendance Amicalement Vôtre avec Brett Sinclair et Danny Wilde, c’était ça la vie avant ! (Rires)

As-tu la nostalgie de l’ancienne époque ? N’arrives-tu pas à te rattraper avec les concerts ?
Par rapport à notre métier je ne peux qu’avoir la nostalgie, il y avait plein de labels indépendants, une production plus massive, on vendait plus, en tout cas économiquement c’était plus facile. On essaie de se rattraper avec les concerts mais ce n’est pas évident, parce que les gros concerts sont de plus en plus chers et quand les gens vont en voir un ou deux dans l’année ils n’ont pas forcement l’argent pour d’autres plus petits. Même si on fait des dates entre 15 et 20 euros ce n’est pas simple non plus de faire bouger les gens. Après il ne faut pas baisser les bras, il faut vivre avec son temps. C’est comme ce qu’on voit sur YouTube, ce n’est pas toujours les plus méritants qui ont le plus de vues, tu vois un mec qui joue super bien d'un côté qui va faire 5000 vues et de l’autre une vidéo de chat avec de la mousse à raser qui va en faire 5 millions ! Il y a une médiocrité intellectuelle qui est palpable. Mais c’est aussi dû aux médias de masse parce que les gens ne sont pas cons.

Un conseil pour ceux qui n'ont pas encore franchi le pas de s'intéresser à la musique ?
Ce que je vais te dire c’est bateau mais allez voir Xplose Music, soyez curieux car il n’y a pas qu’un créneau de consommation de la musique. Puis soutenez les concerts, c’est important. Etonnement il n’y a jamais eu autant de personnes qui commencent la guitare ou d’un instrument, du moins cela ne baisse pas. C’est plutôt positif et la relève est là.


Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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