Dimanche 17 mars. Une belle journée printanière s’étire en bâillant. Comme tout le monde, je me prépare à mon blues du dimanche soir. Demain, boulot à 5 heures, alors on ne va pas aller guincher. C’est sans compter l'appel de mon chef pour couvrir l’un des rares concerts de OOMPH ! dans l’Hexagone.
Le temps d’attraper une mousse et je gagne avec Christian Ballard la grande salle de la Laiterie, qui se remplit vite. 19 heures, HELDMASCHINE monte sur les planches. L’ancien tribute band de RAMMSTEIN a été très productif (normal me direz-vous pour un groupe d’indus…) depuis une dizaine d’années, avec quatre albums et un live au compteur. Ce soir, il défend « Himmelskörper », sa dernière production, avec pas moins de 6 titres sur les 9 qui composent le set.

Ouverture classieuse avec "Himmelskörper". Le jeu de scène de René Anlauff renvoie évidemment à celui de Till Lindemann. Les solides gaillards sont bardés de cuir et de lumières fluo, tels des chevaliers néonniques. La rythmique est martiale, des cordes grattées suintent un parfum metallique, lourd et huileux. C’est du lourd, pas original mais efficace, c’est de l’indus pur et dur. Niveau public, la fosse est acquise à HELDMASCHINE, ça chante en chœurs dans la langue de Goethe, les gradins applaudissent au fur et à mesure que la cote de sympathie pour le combo augmente. Nous avons droit à des titres entraînants tels "Gegenwind", d’autres nous marquent au fer rouge, enfin plutôt au laser vert, comme l’hymne "Kein Zurück" ou encore le rammsteinnien "Radioaktiv". Le concert de HELDMASCHINE s’achève sur un "Weiter" fédérateur qui fait bien remuer les spectateurs. Franchement, je viens de passer un excellent moment.
20 heures. L’introduction du Dracula de Coppola résonne. Place à OOMPH!. Un groupe présent dans le paysage depuis 30 ans, même si sa notoriété en France reste confidentielle. Le Français devrait gratter derrière le titan RAMMSTEIN et découvrir toute l’étendue de la production de la neue deutsche härte (c’était ma minute coup de gueule). Le dernier album, « Ritual » est sorti il y a peu mais vous avez certainement déjà pu en apprécier la qualité. Nous avons droit à 6 musiciens sur la scène. En plus de Dero, Crap et Flux sautillant devant nous, trois hommes de l’ombre assurent la rythmique et les claviers.

Nous démarrons fort avec le dernier single, l’explicite « TRR-FCKN-HTLR ». Le groupe est très en forme. Encadré des deux guitaristes qui le dominent, Dero tourne sur lui-même en tirant la langue et délivre une pantomime digne d’un cabaret berlinois des fantastiques années 20. Aves ses caisses claires, il est l’espiègle tambour de Schlöndorff. C’est toute la magie d’OOMPH!, nous faire voyager pendant près de 2 heures à différentes époques, musicales et conceptuelles. Le groupe exécute en live des extraits de chacun de ses albums, ce qui donne une succession de tableaux hétéroclites. La foule, composée en grande partie de cousins germains, mais aussi de fans hardcore français, est bigarrée (y a des jeunes, des vieux, des grands et des petits, des papys et des gothiques) mais tous tapent dans les mains et chantent à l’unisson « links-recht… » sur l’archi classique "Labyrinth", titre ouvert avec un "We Will Rock You" bien vu.
J’évoquais un cabaret berlinois. Avec ces représentations de rock, de metal, d’electro comme "Der Neue Gott" et "Meine Herz" (leurs premiers tubes, dénués de tout apport metal), de moments intimistes, "Auf Kurs" et "Fieber/Das Letze Streichholz" sont repris à l’unisson, c’est bien dans Babylon Strasbourg que nous évoluons en ce dimanche soir. OOMPH! c’est le Berthold Brecht de l’indus allemand. Un joyeux bordel musical.
Les nouveaux titres "Im Namen Des Vaters" et "Tausend Mann Und Ein Befehl" sont déjà parfaitement adoptées par les fans et s’inscrivent sans dénoter dans la set-list. Moment phare du concert, le doublé mythique "Gott Ist Ein Popstar" et "Gekreuzigt". Dero, Crap et Flux prennent un plaisir évident à exécuter leurs hits. Nous prenons également un plaisir sans équivoque. Que demander de plus ? Un "Augen Auf" pour le premier tomber de rideau, par exemple.
Le rappel sera composé du chouchou "Mein Schatz" et "Als Wärs Das Letzte Mal". Comme si c’était la dernière fois ? J’espère bien que non !
Encore une fois, OOMPH! a su prouver qu’il est beaucoup de choses, qu’il se livre au travers d’une succession de tableaux vivants et musicaux. Que l’Allemagne offre autre chose que des clichés tels que les prouesses footballistiques ou les canons Krups servant du café. OOMPH! est tout sauf anecdotique.
Photos © christian Ballard - Portfolio
