Le BetizFest 2019, comme son affiche prestigieuse le laissait penser, a été une formidable réussite. Des groupes d’ouverture aux têtes d’affiche, des formations en devenir à celles bien établies, tous les protagonistes se sont montrés à la hauteur de l’engagement total des bénévoles. Simple et efficace, décontractée mais attentive, l’organisation a été parfaite… comme le public, prêt à s’enflammer dans une ambiance bon enfant. Le Palais des Grottes était bien rempli le vendredi et sold-out le samedi.
THE LUMBERJACK FEEDBACK
Devant un parterre encore clairsemé, THE LUMBERJACK FEEDBACK frappe fort. Les Lillois ont la particularité de compter deux batteurs. Cette singularité n’est pas un artifice mais un véritable atout pour donner une assise impressionnante à leur post-metal instrumental, qui lorgne vers des entités comme KARMA TO BURN ou NEUROSIS, aux confluents du doom, du stoner et du sludge. Concentrés et investis, les musiciens ne communiquent pas, pour laisser la salle s’imprégner de leurs compositions aux effluves hypnotiques parsemées d’accélérations frénétiques – comme sur "Kill Kill Kill Die Die Die", qui suit l’impressionnant "duo" de batterie.
Le set, au son dense et compact, est composé pour moitié de titres issus de « Mere Mortals », le deuxième album de TLF, paru le 26 avril. "Kobe" est l’une de ces nouveautés, envoûtant labyrinthe qui s’étire à l’infini pour conclure cette prestation remarquable.
HANGMAN'S CHAIR
L’agression et la lourdeur se font ensuite plus subtiles, moins directes avec HANGMAN'S CHAIR. Les Parisiens colorent leur noirceur de touches blafardes, de mélodies sensibles… mais malsaines, comme un néon mourant qui ne cessent de crépiter. Ils font la part belle à « Banlieue Triste », attaquant par l’intro fantomatique de cet album, suivie de "Naïve", qui glisse doucement d’un sludge lourd et agressif à un final mélancolique, le tout baigné de relents sabbathiens.
L’habile "Sleep Juice", menée par la basse, précède le magnifique "04/09/16", bijou où scintillent des reflets goth, transmis par une batterie d’orfèvre. Le son est excellent, la voix de Cédric magnifique. Si les musiciens ne parlent pas à la foule déjà dense, comme noyés dans les méandres glauques de leur univers, la musique nous emmène en une fin d’après-midi pluvieuse, un dimanche, une lame de rasoir à la main, des tourments dans le crâne…
RISE OF THE NORTHSTAR
Changement total d’ambiance avec RISE OF THE NORTHSTAR. Dans leur habit japonais traditionnel, le visage masqué pour certains, ils se montrent des plus expressifs, à l’image de Vithia, leur chanteur, qui ne cesse d'haranguer la foule à grands coups de « Allez l’équipe ! ». La fosse répond à ses appels et, d’entrée, les pogos explosent en tout sens. Le nu-metal, comme sur "Here Comes The Boom", se mêle au hardcore avec des passages crossover sur des vocaux parfois rappés. Ce mélange, s’il séduit le public, devient vite pénible, presque fatigant, à l’image des vocaux et des interventions du frontman, rapidement insupportables.
Certes, certains soli apportent une touche de mélodie, certains passages, assez brefs hélas, attirent l’attention mais l’ensemble reste éreintant. Ce n’est semble-t-il pas l’avis des festivaliers qui paraissent se régaler. Les goûts et les couleurs… Le concert s’achève dans une certaine confusion : le groupe est arrêté avant, sous les clameurs de ses fans, de se voir octroyer un dernier titre.
PARADISE LOST
Avec l’arrivée de PARADISE LOST, nous passons du vulgaire au sublime. Les Anglais, visiblement ravis d’être sur scène – ce qui n’est pas toujours le cas avec eux – jouent dans une quasi obscurité, striée de lumières stroboscopiques qui collent à merveille à leur musique d’obédience gothique, qu’elle se décline en mode death, metal ou même pop. Cette mélancolie, portée par les guitares, coule de presque tous leurs morceaux. Marque des grands, leurs compositions, aussi variées soient-elles, ont toutes cette touche PARADISE LOST, ces reflets sombres si caractéristiques. Nick Holmes, cheveux ras et barbe, parle peu mais ses propos ironiques font mouche, ses références, au Brexit par exemple, touchent.
Les Britanniques enchaînent les titres emblématiques, des morceaux référence – "Hallowed Land" et "True Belief" repris en chœur par des spectateurs certes immobiles mais captifs, "As I Die", le controversé mais brillant "One Second". Les guitares, au rendu parfois étranges, récitent leurs accords magiques. Les pépites death – "Eternal", "As I Die" – évoquent de lointains souvenirs quand les chansons récentes, tirées de « Medusa » ou de « The Plague Within », passent sans mal l’épreuve de la scène. Une heure et quart de bonheur, une leçon de classe donnée par les hommes en noir.
SICK OF IT ALL
Pour terminer cette première soirée jaillissent les légendes new-yorkaises du groupe SICK OF IT ALL ! Pas de quartier avec les 'Ricains qui balancent leur hardcore et leur bonne humeur à un rythme frénétique dès le titre inaugural, "Take The Night Off". Dans le sillage de Pete Koller, le guitariste à crête peroxydée bondissant et tournoyant, le chaos règne sur scène comme dans le pit. La batterie est tellement malmenée qu’un technicien s’affaire pour la maintenir en état ! Plus haut, plus vite, plus fort, SOIA est dans une forme olympique… et ses fans le lui rendent bien.
Le dernier album est mis à l’honneur, avec pas moins de six titres à l’efficacité indéniable, comme les percutants et compacts "Inner Self" et "The Crazy White Boy Shit", pas forcément rapides mais bien pensés. "Machete" déclenche l’hystérie, Lou Koller communique à merveille, transmet son message positif entre chaque morceaux, sans faire retomber l’incroyable énergie qui vibre dans la salle. Les chœurs propulsent les morceaux dans la stratosphère… Alors que le set touche à sa fin, de nombreux spectateurs grimpent sur les planches, où ils dansent et s’agitent comme possédés dans un joyeux bazar, dans une pagaille bon enfant, au son des incontournables "Scratch The Surface" et "Step Down". Une conclusion parfaite pour une première journée mémorable. Vivement demain !
