30 avril 2019, 18:00

SÜHNOPFER

• "Hic Regnant Borbonii Manes" [Album-Premiere]

Blogger : Clément
par Clément


En France on a des idées, un peu, mais on a surtout de très bons groupes de black-metal ! SÜHNOPFER, aux côtés d'autres formations comme BELENOS, DARKENHÖLD ou AORLHAC, fait partie de ces groupes qui trouvent dans leurs patrimoines culturels et historiques régionaux une source d'inspiration intarissable. Ardraos, multi-instrumentiste aux commandes de SÜHNOPFER, partage avec HARD FORCE sa vision des choses à l'occasion de la sortie de son troisième album : « Hic Regnant Borbonii Manes ». (à écouter en avant-première sous l'interview).


Bonjour Ardraos. Cinq années se sont déjà écoulées depuis la sortie de ton deuxième album, « Offertoire »...
Bonjour Clément. En effet, c'est bien cela...même si le les premiers riffs composés pour « Hic Regnant Borbonii Manes » l’ont été dès 2013 avant même la sortie du dernier album en date. L’enregistrement s’est terminé au mois d'août 2018, puis le mixage et le mastering ont duré jusqu’à ce début d’année. Il aura donc effectivement fallu à peu près cinq ans pour que tout sorte de terre. Cinq annés pendant lesquels j’ai également travaillé sur de nombreux projets musicaux, personnels et professionnels, et où il m’aura fallu trouver la disponibilité nécessaire pour pouvoir travailler sur les morceaux de cet album. Et ce dans des durées allant de quelques minutes à une heure, chaque jour où cela était possible, en fonction bien sûr de mon temps libre mais aussi d’une inspiration qui ne se commande pas ! Je pourrais à peu près quantifier la durée de composition de cet album à un peu plus de deux ans, et de même pour le temps nécessaire à son enregistrement et à sa production.
Son titre provient d’une épitaphe gravée sur l’un de premiers tombeaux des seigneurs de Bourbon, qu’il m’a été donné de découvrir lors de mes recherches documentaires sur les thèmes qui allaient composer ce nouvel album, et que j’ai repris intégralement dans le texte du morceau éponyme de l’album. Sa traduction littérale se traduit par « Ici règnent les mânes (ou encore fantômes, esprits) des Bourbons ». Spirituellement parlant, j’ai voulu insuffler dans ces morceaux l’âme de ma terre natale, celle de mes ancêtres qui l’ont façonnée durant des siècles et de leurs heures glorieuses aujourd’hui tombées dans l’oubli. Cet album est conçu comme une offrande, une invocation de souvenirs ardents mais enfouis, de réminiscences. Puisse-t-il réveiller les fantômes qui sommeillent en chacun de nous, et habiter les cœurs d’un panache qui jadis a fait notre noblesse.

Ton style fait toujours la part belle au black metal suédois du milieu des années 90, des groupes tels DISSECTION, DAWN ou SACRAMENTUM. Ceux-ci tiennent visiblement une place de choix dans tes influences. Quel regard portes-tu sur celle-ci presque 25 ans après son âge d'or ?
J’ai surtout été interpellé par les sonorités développées par ces groupes lors de mes recherches initiatiques en black metal, qui ont su particulièrement allier une technique de composition très mélodique avec une profondeur assez obscure et violente, et faisant appel à une certaine "noblesse" dans les tonalités des riffs. Des albums comme « Far Away from the Sun » de SACRAMENTUM, « Storm of the Light’s Bane » de DISSECTION ou « Nörd » de SETHERIAL resteront pour moi totalement intemporels et vraiment pionniers dans l’accomplissement de l’aspect mélodique du black metal.

Il y a une force, une puissance dans ce nouvel album que j'ai résumé ainsi dans ma chronique à venir : " « Hic Regnant Borbonii Manes » porte dans ses gènes la marque de fabrique du groupe : des émotions livrées à fleur de peau, une force brute et nostalgique qui terrasse autant qu'elle subjugue." Te retrouves-tu dans cette description ?
Je te remercie, cela montre que tu as su écouter en profondeur et saisir l’essence-même de ces compositions. On ne parle évidemment pas ici de l'émotivité mièvre que l'on peut trouver dans le black metal dit "dépressif" ou encore toute autre référence de métal « gothique », mais d’une imbrication complexe d’émotions et d’atmosphères. De celles qui évoquent à la fois un passé collectif inconscient enfoui en tout un chacun au même titre qu'un sentiment de désespoir nostalgique. En même temps, j'essaie de réveiller des sentiments de grandeur, de noblesse, de panache avec le côté "chevaleresque" de certaines mélodies.
La "nostalgie" véhiculée ici peut être interprétée comme celle de ces terres et des ancêtres qui y ont vécu, mais qui n’ont reçu de contrepartie à leurs immenses contributions, à leurs séculaires mais toujours nobles souffrances et sacrifices, que le droit de disparaître dans l’oubli de la modernité. Mon objectif lors de la composition d’un riff puis d’un morceau est de pouvoir ressentir tout ce panel d’émotions rien qu’en les jouant.

Au sujet de ton jeu, ta maîtrise technique de l'ensemble des instruments est impressionnante, combien d'heures de pratique cela demande-t-il dans ton quotidien ?
J’ai commencé mes activités musicales dans le metal par la batterie, qui a toujours été mon instrument de prédilection. J’ai beaucoup travaillé pendant des années derrière mes fûts pour acquérir un niveau plus que convenable (ce qui est un mal nécessaire car peu de gens naissent virtuoses). Ce travail-là n’est donc plus à faire et actuellement, je ne pratique que très peu, sauf évidemment lorsque l’enregistrement d’un album est en cours, ce qui peut m’amener à travailler les parties quotidiennement pendant plusieurs mois. Je pense cependant passer bien plus de temps sur ma guitare, car la recherche ainsi que le travail des riffs sont la clé de voûte de mes compositions.
Même si tout dépend de mon temps libre, quantitativement, je pense dédier en moyenne une heure par jour aux instruments, mais cela peut naturellement varier.

L'héritage culturel et historique "bourbonnais tient une place de premier choix dans SÜHNOPFER, en quoi cet environnement t'influence-t-il dans ton quotidien et dans ta musique ?
Effectivement, il y a de nombreux éléments, lieux et paysages différents qui peuvent être des sources d’inspiration. En tant que Bourbonnais "de souche" si je puis dire ainsi, je suis très attaché à mon terroir que j’ai parcouru de long en large pour ses sites et ses châteaux par exemple, mais aussi dans mes lectures pour en appréhender son histoire et ses légendes. J’essaye simplement, à mon humble niveau, d’en restituer une part dans l’atmosphère de mes morceaux dont certains parlent de lieux bien particuliers ou de légendes locales, et surtout de vivre en cohérence avec la conservation de cet héritage et notamment du patrimoine.
A ce sujet, dès que j’ai été en capacité d’investir dans la pierre, j’ai tout de suite recherché quelque chose de très ancien à restaurer pour pouvoir habiter un lieu qui porte en lui l’histoire de cette contrée et continuer à faire vivre la campagne de cette ancienne province. Ces recherches m’ont d'ailleurs orienté vers un prieuré qui a ses origines au XIIème siècle et qui me donne encore pas mal de boulot !

SÜHNOPFER signifie "Étonnement" ou "Sacrifice" en allemand, duquel de ces deux mots te sens-tu le proche lorsque l'on évoque cette entité ?
La définition que j’en ai eue lorsque j’avais choisi ce nom se rapprochait de "sacrifice expiatoire". C’est un terme qui correspond plutôt bien à mon approche et à mon implication dans cette création musicale, non seulement dans son aspect religieux, mais aussi dans l’exutoire que peuvent être l’investissement et l’abnégation personnels qu’il est nécessaire d’avoir pour mener à bien ce projet. Donc oui, c’est plutôt l’aspect "sacrificiel " au figuré qui me parle, car plus globalement, lorsque je décide de me lancer pleinement dans quelque chose, je m’y consacre corps et âme !

Pour clore cet échange, peux-tu nous dire quelles places tiennent CHRISTICIDE, PESTE NOIRE ou AORLHAC dans ta vie actuelle de musicien ? SÜHNOPFER demeure-t-il ta priorité ? Est-ce qu'un line-up "live" est envisageable à l'avenir ?
Pour faire simple, je n’ai actuellement plus aucune activité au sein de ces groupes. Dans le détail, CHRISTICIDE a été mis en sommeil après la sortie d’ « Upheaval of the Soul », j’ai quitté PESTE NOIRE fin 2017 et j’ai participé au nouvel album d’AORLHAC puis assuré les concerts qui ont suivi jusqu’en octobre 2018. Pour ce qui est de l’avenir, je vais peut-être commencer à travailler sur d’autres projets, et bien sûr continuer de chercher les meilleurs riffs possibles pour SÜHNOPFER !
Envisager de faire monter le groupe sur scène est pour le moins compliqué pour l’instant, cela nécessiterait du temps et des moyens que je ne possède pas actuellement, même si je ne doute pas pouvoir trouver des musiciens de sessions compétents. Une autre problématique que cela poserait serait le rendu des morceaux en live : certains riffs composés sur quatre lignes de guitares différentes ne sonneraient évidemment pas à l’identique s’ils n’étaient joués que par deux ou même trois guitaristes…

Merci pour ces réponses et à bientôt ?
Merci, à toi aussi, je vous invite à découvrir l'album sans plus attendre !



Voici le track-listing de « Hic Regnant Borbonii Manes », disponible à partir du 10 mai chez Debemur Morti :

01. Invito Funere (Introduction)
02. Pénitences et Sorcelages
03. Hic Regnant Borbonii Manes
04. La Chasse Gayère
05. Je Vivroie Liement
06. Dilaceratio Corporis
07. L’Hoirie de mes Ancestres 

Découvrez l'album en avant-première sur le lecteur ci-dessous :
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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