
Gustave Thibon a écrit dans L’échelle de Jacob (1942): « Les choses profondes sont toujours préparées et enveloppées dans une certaine obscurité : les étoiles n’apparaissent que dans la nuit ». Ainsi comme à chaque mois nos trois aventuriers du metal sont partis cueillir les astres dans la nébuleuse du net tels des astronomes de l’extrême cherchant des exoplanètes propices à l’émergence de la vie cachées au sein de notre galaxie. Des terres de glace pour Aude notre spécialiste ès black metal, de feu pour Clément notre référence absolue en death/grind et de euh... fumée verdâtre pour l’affreux Crapulax notre expert en jardinage.
JHUFUS : « There Is One... Don’t Know Where »
Qu’on se le dise : le rock stoner est le nouvel El Dorado de la créativité contemporaine, ce n’est pas notre estimé confrère Jean-Charles Desgroux, auteur du très récent "Stoner : Blues For The Red Sun" aux éditions Le Mot Et Le Reste, qui nous contredira sur le sujet !
Cette source d’inspiration musicale puisant son essence dans le passé (l’utilisation de la pédale fuzz et du psychédélisme en provenance directe des seventies) pour mieux exalter le moment présent, est constitué à la fois de grooves lourdingues contrastant avec des atmosphères ambiantes, revêtant un caractère universel par sa nature de plus en plus souvent instrumentale...
Les Espagnols JHUFUS l’ont parfaitement compris et sont partis comme leurs lointains aïeuls sur leur fier galion à la conquête de ces nouveaux espaces d’expression. Ils reviennent de ce long périple avec les cales emplies de joyaux de rock planant ("The Hidden Pond Of The Eternal Patience") riches en nappes de synthé somptueuses, de pures lignes de basse rondouillardes ("Brown Relamida") et de véritables trésors de saturations de guitares (le solo démentiel de "Fever").
De quoi susciter la convoitise des plus crapuleux d’entre nous… Et je sais de quoi je parle !
(Crapulax)
DUSKWOOD : « The Long Dark »
J’hésite à vous le dire mais il semblerait que cette formation de Stoner/desert rock s’est vu assigner une mission spéciale par les services secrets britanniques (j’vous jure que c’est vrai !) consistant à faire passer des messages subliminaux d’intérêt stratégique par le biais d’une musique hypnotique et planante.
Preuve en est cette superbe pochette de Western SF (fil conducteur de tous leurs EP) qui fait irrésistiblement partir loin dans l’imaginaire et quitter les frontières confortables de la raison. Effet que vient renforcer l'écoute de l’énorme "Space Craft" ou de l'entraînant "Mars Roover".
Cela d’autant plus que la direction des opérations a été confiée à Chris Fielding, le barbare bassiste de CONAN, aux Skyhammer Studios connus dans les milieux autorisés pour être une base anglaise sous couverture.
J’ignore quel effet DUSKWOOD vous fera mais moi je me suis réveillé assis sur la cuvette des toilettes la tasse de thé aux lèvres tout en sifflant en même temps le "God Save The Queen" par le derrière.
Un signe qui ne trompe pas... James B., mon contact au MI6, m'a d'ailleurs conseillé d'en parler de toute urgence à mon Q...
(Crapulax)
CALYX : « Vientos Arcaicos » (Iron Bonehead Productions)
Les vents du black metal ne soufflent pas uniquement en Scandinavie. Ils apportent aussi toute leur fureur sur la péninsule ibérique dont est issu le quartet CALYX. Formé en 2013, le groupe a déjà proposé deux démos dont la très sympa « Codex Tormentorvm ».
Avec aujourd'hui un line-up bien établi, ils ont pu composer leur premier album « Vientos Arcaicos ». Ce qui est clair, c'est que les 8 titres de black metal old-school et médiéval ressemblent plus à un ouragan dévastateur qu'à une calme brise d'été. Après une intro rythmée, mélodique et acoustique, CALYX entre directement dans le vif du sujet avec "La Venganza De Las Brujas", son rythme endiablé et ses riffs typiquement true black : glacial.
Le reste de l'album se poursuit sur le même modèle, alternant passages hyper agressifs et d'autres plus heavy comme sur la chanson éponyme de l'album. On reconnaît des influences tirées de BATHORY , DISSECTION ou encore SATYRICON, vieille époque mais aucune nostalgie ou plagia.
CALYX propose vraiment un black metal moderne et authentique avec des chants en espagnol et des thèmes basés sur les légendes ibériques. Un blizzard disons dynamisant à découvrir sans sourciller.
(Aude)
SADNESS : « Circle Of Veins » (Avantgarde Music)
Vous ne connaissez pas SADNESS ? Pourtant le one-mand band a déjà sorti 15 albums....en 5 ans ! Sans compter les démos /splits et compils ! C'est dire si la dépression est inspirante. Damián "Elisa" Ojeda parvient ici à nous faire voyager dans un monde d'une sombre somptuosité ou d'une magnifique noirceur, au choix. « Circle Of Veins » est un véritable chef d’œuvre de blackgaze.
Mêlant black metal dépressif et effets shoegaze, chaque compo est comme un rêve tourbillonnant vers les profondeurs d'une âme tourmentée. Au détour de blast beats provocants, on retrouve des vocaux hurlés et des chœurs mélodiques, des rythmes scandés et des effets vocaux, des guitares oversaturées et des samples envoûtants. Ce sont 6 morceaux riches, intenses, puissants et tellement pénétrants qu'il est difficile de ne pas se laisser littéralement saisir par la musique de SADNESS.
Tout en progressivité et en délicatesse,"Elisa" nous entraîne encore plus loin dans son univers poignant. On en aurait presque la larme à l’œil. Quand le black metal présente son côté le plus magnifiquement triste, on obtient SADNESS. Un must !
(Aude)
PROPHETIC SCOURGE : « Calvary » (Klonosphere)
Voilà un groupe qui n’a pas froid aux yeux ! Pour son premier album, paru il y a quelques temps déjà chez Klonosphere, le clan basque ne fait pas les choses à moitié puisqu’il propose huit pistes pour cinquante-cinq minutes de musique, soit presque sept minutes en moyenne par morceau. A ce tarif-là, il vaut mieux disposer de solides arguments pour séduire sur la durée ! Et c'est bien le cas de PROPHETIC SCOURGE qui sait y faire en matière de compositions ambitieuses aux structures alambiquées, distillant çà et là une atmosphère originale sur son death metal.
A l’image de la couverture, très réussie, l'univers du groupe, intrigant et décalé, trahit déjà une envie pressante de s'extirper de la masse et d'emprunter des chemins de traverse.
Les ambiances troussées sur « Calvary » sont prenantes, les breaks inventifs et le vocaliste fait des merveilles : pas le temps de s’ennuyer d’autant que derrière, ça ramone sévère.
Piochant dans des répertoires variés, quelques embardées black et saveurs plus progressives se dessinent ci et là, le quintet affiche déjà une forte personnalité en dépit de sa discographie encore réduite. C’est indiscutable : la bayonnaise prend bien sur « Calvary » !
(Clément)
KRYPTS : « Cadaver Circulation » (Dark Descent Records)
A l’instar de leurs aînés DEMILICH et DEMIGOD, les quatre membres de KRYPTS ont juré allégeance au death metal à l’ancienne qu’ils perpétuent avec une dévotion forçant le respect depuis plus d’une décennie.
Leur troisième album ne déroge pas à la règle tant il est gage de qualité, d'authenticité. Inutile d’aller chercher plus loin : « Cadaver Circulation » est dans la droite lignée de son prédécesseur « Remnants Of Expansion » et l’on y retrouve tout ce qui fait le charme des maîtres tanneurs d’Helsinki : riffs doom pachydermiques qui croisent le fer avec des parties blastées, roulements de batterie diaboliques et breaks tout droit sortis de l’enfer, le tout saupoudré de quelques parties mélodiques bien senties.
La production "maison" (une nouvelle fois réalisée par le batteur, Otso, au chaud dans ses studios) est superbe, d’une puissance infernale et l’artwork troussé par Timo Ketola tape en plein dans le mille.
Aussi bon sur la forme que sur le fond donc, « Cadaver Circulation » fait partie de ces albums qui procurent un plaisir instantané à son écoute. Ici pas de chichis ni d’alternative, juste du death metal. Du vrai. Du (très) bon !
(Clément)