Je ne vous ai pas oubliés, mais l'actualité de la semaine m'a un peu accaparé au détriment des souvenirs.
Reprenons ces évocations estivales de l'enfance et de l'adolescence liées à la musique.
L'année de mes 12 ans, je commence à acheter d'autres revues que l'institutionnel Rock & Folk, dont les piles garnissent les étagères à la maison aussi loin que remonte ma mémoire.
Marqué par la disparition de Lynyrd Skynyrd, en octobre 1977, groupe dont j'étais tombé raide dingue deux ans plus tôt, j'entreprends de me documenter et de tout collecter à son sujet (à l'âge où les gamins de cette époque collectionnent plutôt les images Figurine Panini Argentina 78 et regardent 1, rue Sésame ou La Petite Maison dans la Prairie à la télé).
Et quand je dis tout collecter, c'est vraiment tout.
La moindre brève de 2 lignes sur le groupe sudiste fait l'affaire. Seulement voilà, la presse française snobe ; elle commence à préférer "l'urgence de la scène punk urbaine" et quelques déglingos éphémères qui ne maîtrisent pas trois accords barrés au rock US gorgé de guitares mélodiques.
Grand bien lui fasse, cette frustration nourrie dès cette époque ne fera qu'alimenter l'envie, un jour, de produire un média rééquilibrant la donne.
En 1978, j'achète donc mes premiers numéros de Best (sans savoir évidemment que 20 ans plus tard, j'en reprendrai la rédaction !) et avec un oeil-scanner entraîné à repérer un groupement anormal de Y dans des phrases, je cherche, je cherche, je cherche... et ne trouve généralement rien.
A l'exception d'une publicité pour une boutique de t-shirts qui va, de mois en mois, me titiller au point de convaincre ma grand-mère, lors d'un passage à Paris en ce début d'été, d'aller faire une balade du côté des Halles :
ils ont un t-shirt Lynyrd Skynyrd.
Toujours partante pour une virée avec son petit-fils, même dans un quartier complètement en chantier avec la construction du nouveau Forum, elle m'accompagne jusqu'au 12, rue des Halles. Une petite boutique du premier arrondissement, en bas d'un immeuble qui ne paye pas de mine, devanture lettres néon dans la vitrine : Harry Cover.
Et là, je n'ose pas rentrer...
Il faut dire que devant la boutique, la faune est justement tout ce que je vois et que je n'aime pas dans les revues rock de l'époque. Les mecs auraient la bonne tignasse et seraient fringués comme sur la pochette de "Gimme Back My Bullets", je me sentirais en confiance, mais là... on a l'impression que l'avenir de la musique ne peut-être qu'un croisement entre les Pistols et toutes ces gloires nationales naissantes façon Bijou.
Je freine des quatre fers, ma grand-mère me dit : "on n'est pas venu pour rien, je rentre pour demander !" et la voilà au comptoir, absolument pas dans son univers, au culot, en train de réclamer un t-shirt de Layenard Skayenard pour "le petit qui est avec elle". J'ai presque honte.
Et on lui présente alors le n°50 du catalogue...
Je taille très small, je flotte dedans, la tête de mort du cowboy sudiste tirée de la pochette intérieure de "Nuthin' Fancy" va terrifier les autres doyennes de ma famille, mais je ressors fier de chez Harry Cover avec mon tout premier t-shirt, un peu comme si je devenais membre du groupe.
Harry Cover était une institution, et bien que son créateur ait avoué plus tard que tout son business florissant de merchandising reposait sur le fait qu'il ne payait aucune licence aux groupes - autres temps autres moeurs -, ses publicités ont marqué une génération au moins de fans et de lecteurs de rock en France.
A tel point que la relique est toujours précieusement conservée quelque part dans un placard...
(A suivre...)
